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Chapitre 2
ETUDES DE CAS DE PROJETS NIGERIENS DE FORESTERIE ET RESSOURCES FORESTIERES (continuer)

Etude de cas 1
PROJET DU CRDI POUR BOIS DE VILLAGE ET BOIS DE FAMILLE — ARRONDISSEMENTS 3M

Introduction

Les activités du Projet de bois de village et bois de famille dans les arrondissements 3M prévoyaient deux phases:

La première phase avait pour objectifs formels de créer des parcelles boisées villageoises avec l'aide de la population locale. Les parcelles devaient produire du bois de chauffage et des poteaux de charpente pour répondre aux besoins des villageois en ce qui concerne ces produits. Durant la seconde phase, la gamme d'objectifs a été élargie pour comprendre, en plus du bois de chauffage et des poteaux de charpente: (1) la production de produits forestiers comestibles (feuilles, fruits, etc.) qui devaient enrichir le régime alimentaire local, (2) l'utilisation d'arbres pour des plantations de plein champ qui devaient augmenter la productivité agricole et (3) l'amélioration de la qualité générale de l'environnement local.

Les parcelles boisées d'usage commun de la première phase ont été créées selon un mode hiérarchique partant des échelons supérieurs, après des négociations entre des représentants du Centre international de recherche pour le développement (CRDI — Canada) et le Service forestier nigérien. Durant la phase de conception, les autorités du village ont été brièvement consultées et ont été considérées comme ayant approuvé le projet. L'approche adoptée optait résolument pour un mode de contrôle sur les parcelles boisées exercé par un forestier professionnel dont les villageois exécutaient les ordres, plutôt que pour l'exercice partagé de la prise de décision concernant la gestion de la parcelle. La manière relativement autoritaire dont les parcelles boisées de la première phase ont été créées et gérées et dont les produits ont été récoltés, a rendu plus difficile la mise en place d'un système de gestion en participation dans la période qui a suivi le projet.

Si l'on veut établir des structures réglementaires guidant la gestion en participation des parcelles boisées d'usage commun dans les villages concernés, il faudra prévoir de longues discussions entre les forestiers et les populations locales. Du point de vue des villageois, l'effort requis n'apparaît pas nettement comme en valant la peine. Les coûts de transaction encourus pour la gestion des parcelles boisées — le gardiennage, la répression des infractions aux règles d'utilisation, la résolution des conflits ainsi que l'organisation de la récolte, l'écoulement du bois et des autres produits de la forêt — peuvent être élevés.

Contrairement à ce qui se passe pour les parcelles boisées collectives, la gestion des bois de famille entraîne des coûts de transaction plus faibles. Le propriétaire de parcelle a un droit plus clairement établi sur les arbres. Il est entièrement responsable de leur culture. Ceci élimine les discussions à propos de la répartition des responsabilités qui sont souvent le fléau des activités collectives requises par les parcelles boisées. De plus, le propriétaire n'a pas à coordonner ses activités de gestion avec celles des autres villageois.

En dépit de la plus grande autonomie accordée en principe aux propriétaires de parcelles boisées privées, le forestier de Matameye a exercé le même contrôle strict sur les parcelles boisées individuelles que sur les parcelles collectives. Fin 1987, les propriétaires des bois de famille lui demandaient encore l'autorisation de pratiquer des activités de gestion (éclaircie et coupe).

Cette situation met en relief deux faits importants. Premièrement, lorsqu'on fait l'analyse du projet de parcelles boisées CRDI et de la manière dont il a évolué dans l'arrondissement de Matameye, il ne faut pas sous-estimer l'impact de la participation active du forestier de cet arrondissement à la mise en place et à la gestion du système. Deuxièmement, les pouvoirs déterminants concernant l'usage qui est fait des arbres, conférés aux forestiers d'après les règles de gestion des ressources forestières au Niger, peuvent être étendus au contrôle d'activités qui sont en principe privées ou relèvent des juridictions locales. Un forestier énergique qui exerce un contrôle étroit de l'utilisation des ressources forestières dans sa juridiction peut avoir des pouvoirs déterminants impressionnants. Il peut forcer les planteurs/propriétaires des arbres à obtenir sa permission avant de récolter le bois, et imposer des amendes aux «propriétaires» qui font des coupes sans son autorisation. En conséquence, les populations rurales estiment que leur liberté d'exploiter les ressources ligneuses qu'elles ont plantées est sévèrement limitée, et que le devoir leur incombant réciproquement — éviter les coupes sans autorisation — est très astreignant.

Première phase
— Parcelles boisées d'usage commun

Cette section présente l'analyse de la première phase — collective — du projet CRDI de parcelles boisées, selon les quatre catégories du schéma directeur de l'analyse institutionnelle et de la conception: (1) nature des biens; (2) institutions; (3) interactions; (4) résultats. On établit ensuite la relation entre le résultat de cette analyse et la mise en œuvre de la seconde phase — privée — du projet CRDI de bois de village et bois de famille.

ATTRIBUTS DES BIENS ET SERVICES

Les aspects techniques des ressources forestières constituent un facteur critique lorsqu'on détermine la faisabilité d'une participation locale à leur gestion. Les parcelles boisées du CRDI à Matameye sont des opérations à production limitée. Elles ont été plantées de neems (Azadirachta indica) qui peuvent être cultivés pour produire du bois de chauffage, des poteaux de charpente et des poutres pour les travaux de construction.

Il est possible que des villageois, généralement en groupe, procèdent à la préparation du terrain de la parcelle (arpentage, clôture et creusement des trous) et à la plantation, en déployant pendant de courtes périodes une activité relativement intense. Durant les deux ou trois premières années d'établissement des plantations, il faut sarcler de temps à autre. Cette tâche peut être accomplie grâce à des coups de collier périodiques et collectifs, ou bien elle peut être facilitée par les cultures en couloirs (taungya) pratiquées par des exploitants individuels, et procurant ainsi un bénéfice secondaire gratuit. Plus tard, l'ombre toujours plus dense projetée par les arbres en pleine croissance limite automatiquement la concurrence des mauvaises herbes. Il faut empêcher par des moyens matériels l'accès des animaux aux parcelles boisées, ce qui nécessite soit des clôtures bien adaptées, soit la mise en place d'un gardien, soit des ordonnances exigeant que tout le bétail soit en troupeau surveillé, attaché à des piquets ou gardé à l'étable. Les parcelles CRDI sont clôturées par des enceintes coûteuses, en fil de fer barbelé avec grillage métallique ou en grillage seul, matériel importé et complètement subventionné.

Si la clôture est bien entretenue, les activités de gestion requises pour établir et exploiter les parcelles boisées sont simples et intermittentes. Lorsque le premier peuplement d'arbres a atteint la taille permettant l'exploitation, il faut procéder au recépage (juste au-dessus du pied). On peut ensuite gérer la régénération pour arriver aux produits désirés de la manière suivante:

Si la protection contre les dégâts dus au bétail pouvait être assurée par une haie vive, la gestion régulière consisterait à vérifier périodiquement que la clôture est toujours intacte durant la période de régénération suivant une coupe en taillis. Il est en outre possible que la clôture ne soit nécessaire que durant la période d'établissement, lorsque les arbres produisent à la fois des racines et des branches. Une fois que les arbres ont été bien établis, les racines peuvent fournir de l'eau et des éléments nutritifs en quantité suffisante pour une croissance très rapide. Si les arbres subissent un recépage juste avant la saison des pluies, les pousses devront être protégées pendant une durée approximative de six mois, par une interdiction générale de laisser les animaux errer durant la saison de végétation et la période de récolte. La plupart du temps, il y a assez de résidus de récoltes et assez d'herbe pour assurer le fourrage pendant plusieurs mois après la récolte. Au moment où les meilleurs herbages seront épuisés, les pousses régénérées des neems seront assez grosses et recouvertes d'une écorce assez dure pour soutenir la pression des animaux, c'est-à-dire des chèvres qui pourraient ronger la nouvelle écorce.

Une méthode sylvicole de remplacement consiste à étêter les arbres bien établis (les couper à la cime, à la hauteur des premières branches, en général au-dessus de la ligne de broutement). A part les chameaux, les animaux errants ne peuvent atteindre la nouvelle végétation, et il n'est donc plus nécessaire de clôturer pour empêcher les dégâts infligés à la nouvelle végétation par les animaux.

Protéger les parcelles boisées contre le bétail ne constitue un problème majeur que durant la phase d'établissement. Le projet CRDI ne s'est attaqué à ce problème que dans la mesure où il concernait les parcelles collectives; il a fait don de clôtures de qualité supérieure aux communautés participant au projet. Etant donné le coût élevé de ces clôtures, il est peu probable que l'on puisse reproduire le modèle des parcelles collectives. Il faut trouver une forme locale de clôture de remplacement, qui soit efficace et légale, ou bien les communautés devront organiser d'une manière quelconque un système fiable de protection des parcelles, ou faire en sorte que tous les animaux soient groupés en troupeaux gardés.

La production de la parcelle boisée est très limitée par rapport aux besoins du village. [Nombreux sont ceux qui estiment probablement qu'ils n'en tireront aucun profit et qui, par conséquent, rabaissent la valeur des parcelles boisées]. Un forestier bien informé en matière de culture des neems au Niger a estimé qu'étant donné les conditions pédologiques locales, la parcelle boisée du village de Saouni (dans l'arrondissement de Matameye) doit produire un mètre cube de bois par hectare par an. Au cours d'une rotation de trois ans, la parcelle boisée de deux hectares produirait environ six mètres cubes. On estime la consommation annuelle de bois de chauffage à environ un mètre cube par habitant dans les zones rurales.1 Dans un village de 700 habitants, ayant un besoin de bois de chauffage de 2 100 mètres cubes durant la période sus-mentionnée, une parcelle boisée gérée seulement pour le bois de chauffage couvrirait un peu plus que le quart de un pour cent (0,285 pour cent) de la demande. La production de poteaux de charpente et de poutres de construction, qui sont difficiles à obtenir à partir de la végétation forestière naturelle, semblerait constituer une meilleure utilisation primaire de la parcelle.

En résumé, le bois produit dans les parcelles collectives de la première phase — (1) si on le considère séparément des règles opératoires régissant l'accès et l'utilisation, et (2) étant donné la technologie financée et mise à la disposition des villageois par le CRDI et le service forestier — a le caractère d'un bien privé plutôt que d'une ressource d'usage commun. Il est à la fois sujet à l'exclusion et de consommation séparable. L'accès des animaux peut être contrôlé par la clôture métallique (objet de subventions importantes) qui entoure les parcelles collectives et l'accès des hommes peut également être soumis à certaines restrictions, tant que l'on entretient la clôture. Tous les produits ligneux fournis par les parcelles sont consommés séparément. Le bois de chauffage alimente des foyers individuels, les poutres sont utilisées pour les toits individuels et les poteaux forment les parois de huttes individuelles, ou servent à construire des clôtures individuelles. Le bois de la première phase a donc les caractéristiques essentielles d'un bien privé.

Figure 10
Types de biens et de services

PROJET CRDI
Première phase — parcelles boisées d'usage commun

Attributs des biens et services compte tenu de la technologie et en l'absence de règles

 FACILITE D'EXCLUSION 
 DifficileFaisable 
 Si clôtures non entretenues*Si clôtures entretenues* 
 Biens et services publicsBiens et services à péage 
Conjointe   
CARACTERE DE LA CONSOMMATION    
Biens et services d'usage communBiens et services privés 
Séparable- poutres- poutres 
 - poteaux- poteaux 
 - bois de chauffage- bois de chauffage 
    

* les deux situations étaient présentes: clôtures entretenues et clôtures non entretenues

INSTITUTIONS REGISSANT LES RESSOURCES

Le projet de la première phase a conçu et mis en œuvre les parcelles boisées en tant que ressources de propriété commune. Les règles officielles régissant leur utilisation stipulaient que le bois appartiendrait à chaque village dont les habitants avaient donné des terres, les avaient défrichées et préparées, avaient planté, soigné et protégé les arbres, et avaient produit du bois. Le document du projet stipulait que la clôture, les jeunes plants et des conseils techniques en matière de sylviculture seraient fournis aux villageois participants par le Service forestier du Niger, dans les trois arrondissements de la région Sud du Zinder: Mirriah, Magaria et Matameye. Les forestiers ont expliqué aux villageois les règles officielles de gestion des parcelles boisées (pour le projet), dès le début de la première phase. Ces règles sont les suivantes:

Tels qu'ils étaient perçus par les populations locales dans les trois arrondissements, les rapports d'autorisation des villageois relativement au bois provenant des parcelles faisaient entrer en jeu un devoir positif, formel: entretenir les arbres. Ils devaient également empêcher les animaux et les gens, y compris leur propre bétail et eux-mêmes, d'endommager le bois. Les villageois estimaient qu'au mieux, ils ne jouiraient que d'une liberté d'accès aux parcelles boisées extrêmement restreinte. Même s'ils pensaient que les forestiers leur accorderaient en fin de compte la liberté d'utilisation des arbres, la plupart estimaient qu'ils seraient fortement exposés au risque de voir accorder à égalité à leurs concitoyens du village la liberté d'exploiter les parcelles boisées, parce que les droits et les devoirs des usagers potentiels de la communauté du village étaient fort mal définis. Les villageois n'attendaient pas beaucoup de la production des parcelles boisées, parce qu'ils supposaient que leurs chances de recevoir du bois — en quelque quantité que ce soit — étaient très limitées.

La culture taungya (cultures intercalaires entre les rangées de jeunes plants) a été autorisée pour une période de deux ans après le début du programme des parcelles. C'était en général celui qui avait donné le terrain, ou une personne désignée par lui qui était autorisé à entreprendre cette culture. Ceci n'est pas tout à fait clair, mais il semble que le propriétaire du terrain donné pour la parcelle boisée ait souvent cru qu'il était responsable de la culture taungya durant cette période afin d'assurer le sarclage autour des jeunes plants en vue de réduire la concurrence des autres plantes pour l'eau et améliorer ainsi les taux de survie initiale des arbres.

Pour ces raisons, les villageois participant aux activités ont conclu que les parcelles boisées appartenaient, non à eux, mais aux forestiers. Il était courant d'entendre appeler ces parcelles dawan gwamna («forêts du gouvernement»). Ce terme reflète l'opinion des villageois: ils étaient contraints de fournir du terrain et de la main-d'œuvre pour produire du bois à partir de jeunes plants fournis par le gouvernement. En dépit d'assurances visant à les persuader du contraire, les villageois estimaient qu'ils n'avaient pas de droit réel à la propriété des arbres, et certainement pas de statut légal leur permettant d'en revendiquer la propriété en justice. Dans certains villages de l'arrondissement de Matameye, cette situation persiste encore bien que les garanties de propriété locale aient été ultérieurement honorées dans de nombreux villages, le bois ayant été coupé et remis aux villageois pour qu'ils le distribuent selon leur convenance.3

A Mirriah et à Magaria, où les parcelles boisées plantées de 1974 à 1978 et qui survivent n'ont jamais été récoltées, pas même la première fois, les populations locales ont chaque année un peu moins de raisons de croire que le bois leur appartient. Ceux qui ont renoncé à des terres pour constituer le terrain n'ont rien reçu. Les parcelles boisées des arrondissements de Mirriah et de Magaria n'ont produit aucun bénéfice local tangible.

INTERACTIONS

Compte tenu des hypothèses de départ des villageois concernant les parcelles boisées, il est surprenant que de nombreuses parcelles aient réussi aussi bien qu'elles l'ont fait. Les villageois ont en général contrecarré les règlements formels des forestiers au moyen d'une stratégie d'heureuse négligence. On pourrait exprimer ainsi leur règle opératoire: «Nous nous débrouillons en nous faisant un peu aider par nos chèvres.» Le chef de village, ou quiconque ressentait le plus la pression exercée par le forestier, vérifiait de temps en temps l'état de la parcelle boisée. La plupart des villageois, cependant, n'ont rien fait pour empêcher les percées dans la clôture. Les animaux ont pénétré dans de nombreuses parcelles durant la première année et détruit la plupart des jeunes plants. Les forestiers ont tout d'abord insisté pour que les villageois réparent les clôtures et fassent de nouvelles plantations.

Toutefois, dans l'arrondissement de Mirriah et dans certaines communautés de celui de Magaria, les forestiers se sont finalement rendus compte, au bout de plusieurs années, du manque d'intérêt populaire, et ils ont simplement abandonné ces villages. En revanche, dans de nombreuses circonscriptions de l'arrondissement de Magaria, et dans la plupart de celles de Matameye, malgré la réticence des villageois, les forestiers ont maintenu une pression assez forte, de sorte que les arbres ont été protégés et ont survécu jusqu'au point où la clôture n'était plus indispensable. A partir de ce stade, les villageois ne se sont guère occupé des parcelles. Ils avaient plus ou moins accompli leur devoir en protégeant le bois et en évitant de l'utiliser sans autorisation. Ils considéraient comme non existant leur droit à la propriété du bois et leur liberté d'exploitation. Tout au plus, ils pouvaient demander au forestier d'autoriser une coupe, ce que certains ont fini par faire.

Le chef forestier de Matameye a approuvé et a supervisé étroitement des coupes dans son arrondissement4 au début de la seconde phase du projet (1982–84). Il a conservé un contrôle strict sur l'opération jusqu'à son transfert hors du district au début de 1988 après 13 ans de résidence. Aucun des villageois interrogés lors de la mission sur le terrain n'a dit qu'il oserait couper un arbre sans obtenir, tout d'abord, la permission du forestier.

Le bois récolté était remis aux villageois qui en faisaient la répartition selon différents plans. Le bois d'œuvre pour la construction et les poteaux de charpente était vendu localement, souvent à des prix fortement réduits. De la même manière, certains villages ont également vendu le bois de chauffage tiré de la coupe. D'autres ont systématiquement distribué le bois de chauffage à tous les ménages de la localité, ou ont permis aux parties intéressées de prendre ce qu'elles voulaient. Dans plusieurs cas, les recettes de la vente ont été utilisées pour financer des activités d'intérêt public général (réparations de l'école du village, réparation des puits, et renouvellement des stocks de médicaments dans les trousses de premier secours). Dans d'autres cas, la vente tout comme le peu d'argent ainsi produit ont été mal gérés, mais il est clair que les villageois considéraient que le bois avait de la valeur.

Les premières coupes de Matameye ont convaincu de nombreuses personnes que les règles opératoires régissant les parcelles du «projet» n'étaient pas telles qu'elles les avaient envisagées. Elles ont vu confirmer les droits de propriété locale qui avaient été promis en ce qui concernait l'autorité sur la répartition du bois coupé. Ce sont les villageois qui ont reçu les bénéfices, et les non villageois, en principe, n'ont pas obtenu d'accès sans paiement. En outre, la liberté propre aux villageois d'exploiter la parcelle boisée de propriété commune est clairement limitée par leur devoir d'éviter de couper du bois dans la parcelle sans la permission du forestier. Tout ceci, cependant, ne reflète que l'exercice par le forestier, Issa Kokari, de ses pouvoirs déterminants. Son successeur peut changer les règles opératoires de l'utilisation des parcelles boisées.

RESULTATS

Les interactions décrites ci-dessus peuvent être évaluées en fonction d'au moins deux critères. Le développement se produit plus rapidement si les ressources sont utilisées efficacement. Il est plus probable que les populations locales appuieront les activités de développement si elles jugent que les interventions sont organisées de manière à ce que les coûts et les bénéfices soient distribués équitablement. Dans cette section, on présente une évaluation rapide des parcelles boisées d'usage commun de Matameye.

Efficacité

L'efficacité du système de gestion des parcelles boisées collectives est problématique. L'exercice par le forestier de Matameye de ses pouvoirs déterminants pour réglementer les dates et les pratiques de coupe, signifie qu'il contrôle l'utilisation des parcelles boisées, du moins en ce qui concerne leur valeur principale aux yeux des villageois. Les coûts de transaction qu'ils doivent assumer pour arranger des coupes sont considérables parce que le forestier détient un pouvoir déterminant total: il décide quand, comment et par qui se feront les coupes. D'autre part, comme les arbres des parcelles ont atteint la maturité et qu'ils peuvent mieux résister à la pression des animaux, et aussi parce que le forestier de Matameye a exercé un contrôle aussi étroit, il arrive maintenant que les villageois investissent moins de temps et d'effort dans la gestion de leurs parcelles de propriété commune, ce qui améliore graduellement l'efficacité.

Dans les communautés bien organisées où le respect pour l'autorité extérieure est bien établi, les dirigeants des villages n'ont pas besoin d'investir du temps et de l'énergie pour prendre et faire respecter leurs propres décisions de gestion. Ils se contentent de soutenir les décisions du forestier. Dans les cas où le village est moins structuré et où les résidents sont plus enclins à ne pas reconnaître les autorités locales et extérieures, il peut être nécessaire de faire davantage d'investissements locaux en matière de gestion. Dans un village, Zane, des informateurs ont rapporté que de forts contingents de bois étaient détournés en secret de la parcelle d'usage commun. On ne trouve pas dans cette parcelle de traces de coupes sur une grande échelle. Mais si personne n'assume la responsabilité de la gestion, la parcelle pourrait se transformer en une ressource d'accès illimité, et la surexploitation pourrait la détruire.

Equité

Puisque les décideurs locaux ne peuvent pas ou ne souhaitent pas contrôler la distribution du bois pour arriver à une équité parfaite, la technique de vente à prix fixe adoptée à Saouni peut être considérée comme parfaitement appropriée dans une optique de rapport coût-efficacité.5 Mais les incitations créées par ce système de distribution risquent de ne pas être de nature à forger un vaste soutien populaire à long terme pour un système local de gestion en participation, spécialement si l'on considère la taille et la production restreintes de la parcelle.

Si l'exploitation d'une parcelle boisée collective se traduit par la mise à la disposition de tous ceux qui le veulent, de bois en plus grande quantité, meilleur marché, ou de meilleure qualité, ou si le produit de la vente du bois sert à financer des biens publics dont on peut généralement disposer au niveau du village, tels qu'une meilleure infrastructure ou de meilleurs services médicosanitaires, les villageois peuvent conclure que la parcelle boisée représente un élément positif de développement. Ils peuvent arriver à cette conclusion même s'ils n'ont pas personnellement besoin de bois au moment de la coupe, ni de premiers secours mieux équipés, même s'ils n'ont pas d'enfants allant en classe dans un nouveau bâtiment. Toutefois, si ceux qui détiennent un pouvoir politique ou religieux, ou bien les riches, obtiennent plus que leur part de produits de la parcelle, les autres villageois risquent de conclure que l'opération ne fonctionnera pas d'une manière équitable et que, par conséquent, ils doivent éviter d'y engager des investissements, puisque leurs chances d'en tirer un bénéfice sont si faibles.

OBSTACLES D'ORDRE INSTITUTIONNEL A LA GESTION EN PARTICIPATION ET SOLUTIONS EVENTUELLES

Pour les villageois, la protection des parcelles boisées représente l'aspect le plus difficile des activités de cette entreprise. Ceci est particulièrement vrai si l'on prévoit d'établir des parcelles boisées sans la clôture fournie grâce à une assistance extérieure. La protection signifie que l'on assure le gardiennage des jeunes plants contre le bétail errant qui broute durant la saison sèche toute végétation disponible. Les matériaux locaux pour la clôture pourraient convenir, si les exploitants agricoles avaient légalement le droit de faire des coupes suffisantes pour former une clôture compacte ou pour renforcer une haie vive. Sinon, il faut que quelqu'un garde chaque parcelle boisée. Si la parcelle est proche du village, les gens peuvent, au cours de leurs activités journalières, voir les animaux dans la parcelle. Si ceux qui voient les animaux errants s'efforcent systématiquement de les chasser, le système peut fonctionner. Toutefois, si les gens ne tiennent pas compte des animaux, ou si la parcelle est située trop loin du centre du village pour qu'on puisse la surveiller facilement, il sera alors nécessaire de poster un gardien.

Les quartiers peuvent fournir des gardiens par roulement ou faire appel au groupement de jeunesse officiel du village ou à toute autre organisation locale. Au bout d'un certain temps, le système risque de devenir peu fiable, parce que les gardiens n'ont que peu ou pas du tout d'incitation à bien faire leur travail. La quote-part de la production de la parcelle qu'ils recevront à titre individuel est insignifiante par rapport au temps et à l'effort requis par cet emploi. Un salaire sera probablement nécessaire pour garantir un bon travail. Les gardiens pourraient travailler à la commission (pour un pourcentage de la récolte), mais les trois ans requis pour une rotation représentent une longue période de travail sans salaire.

Ces activités cependant pourraient être trop limitées dans le temps et en importance pour mériter la création d'un comité spécial de gestion. Une solution possible et rentable pourrait être la mise en place de services de gestion par l'entremise de la juridiction locale des activités générales. Le chef de village pourrait nommer un responsable chargé à la fois d'organiser les activités intermittentes de sylviculture et d'assurer le bon fonctionnement du système de protection.

Les villageois ne disposent pas légalement, au niveau local, de mécanisme de financement collectif. Ceci rend difficile le paiement d'un salaire à un gardien à plein temps ou à temps partiel; l'intérêt d'un comité de gestion des parcelles boisées s'en trouve réduit. Les coûts de transaction d'une telle organisation dépassent évidemment les bénéfices.

La prestation de services de gestion (protection, sarclage et récolte) pourrait faire l'objet de marchés passés localement, avec rémunération par commission ou quote-part. On pourrait mettre au point diverses règles offrant au gestionnaire une incitation économique substantielle à bien faire son travail (par exemple un tiers de la production ou du bénéfice en appliquant des pénalités de non exécution de contrat qui déduiraient, au taux de 25 ou 50 pour cent, les pertes de sa quote-part du produit). Pour éviter qu'il n'écoule le bois en secret, il faudrait qu'une certaine supervision régulière soit exercée au niveau de la juridiction responsable (villageoise).

Le rôle assumé par un forestier énergique et autoritaire durant la première phase (parcelles boisées de propriété commune) du projet continue à avoir une forte incidence sur la seconde phase (parcelles boisées individuelles). Les paysans ont bien compris que le chef forestier de Matameye désapprouvait les coupes non réglementées, c'est-à-dire celles entreprises sans son approbation préalable. Ce chef forestier a travaillé dans l'arrondissement de 1974 à 1987, treize ans, tout d'abord comme adjoint, puis comme chef forestier. Ceci suggère que le Service forestier secondait son approche, étant donné que les postes de direction sur place sont très demandés. Toutefois, son règne a pris fin. La position adoptée par son remplaçant en matière de foresterie communautaire pourrait avoir une influence de la même importance sur l'avenir de la gestion en participation des ressources forestières dans l'arrondissement de Matameye, selon la manière dont il s'acquitte de ses pouvoirs déterminants.

Seconde phase
— Parcelles boisées familiales

Dans cette section, on analyse la seconde phase — privée — du projet de parcelles boisées du CRDI, en continuant de se servir des quatre catégories du schéma analytique, c'est-à-dire: attributs des biens et services, institutions, interactions et résultats.

ATTRIBUTS DES BIENS ET SERVICES

Les parcelles boisées individuelles — (1) si on les analyse dans l'optique des utilisations de consommation et comme de pures entités matérielles, sans tenir compte des règles opératoires régissant leur utilisation, et (2) étant donné la technologie dont disposent les exploitants — ont les caractéristiques de biens d'accès libre (l'exclusion est difficile et la consommation est compétitive). Les propriétaires ne peuvent pas facilement exclure d'autres personnes de l'accès aux arbres plantés dans des terrains découverts, non clôturés, où les gens et les animaux circulent à leur gré après les récoltes et jusqu'au début de la prochaine saison de pousse. Les coûts encourus pour entourer les arbres de clôtures artificielles importées sont prohibitifs. Les habitants des campagnes pourraient employer comme matériel de clôture les buissons et essences d'arbres épineux qui se trouvent en abondance dans certaines régions. Ils évitent cependant de le faire, parce que les restrictions du Code forestier — selon la manière dont le forestier local exerce ses pouvoirs déterminants — limitent étroitement ou interdisent la récolte sans permis pour nombre des meilleures essences d'épineux. En ce qui concerne la consommation, le bois, une fois coupé, fait l'objet d'une utilisation individuelle.

En outre, les arbres cultivés ou plantés pour former des brise-vent, ou des haies, ou des bosquets disséminés sur les champs, remplissent également des fonctions sur place. Certains de ces arbres assument les caractéristiques de biens publics (l'exclusion est difficile et la consommation est conjointe ou non compétitive). D'autres ont les caractéristiques de biens d'usage commun (difficiles à soumettre à l'exclusion au sein du groupe d'usagers mais de consommation compétitive) ou de biens privés (sujets à l'exclusion et de consommation compétitive). On trouvera plus loin des illustrations.

Biens publics, biens d'usage commun et biens privés. Tant que les arbres et les buissons restent sur place, vivants et non coupés, ils ont un effet bénéfique en matière de protection environnementale, dont tirent profit tous ceux qui se trouvent dans le domaine du bien. Ils forment écran, protégeant le sol contre l'érosion du vent, améliorent la qualité de l'air et facilitent l'infiltration de l'eau qui recharge les nappes aquifères locales. Il est difficile d'exclure les autres personnes se trouvant au voisinage immédiat, des bénéfices que constituent la conservation des sols et l'assainissement de l'air. L'utilisation des eaux souterraines peut être gérée en tant que bien privé ou bien d'usage commun, selon que le puits est une installation publique ou privée. La consommation est séparable et, en temps de pénurie, devient nettement compétitive.

Biens privés. Lorsque les arbres ou les buissons font remonter les éléments nutritifs vers la surface à partir des couches du sous-sol, ils produisent un bien privé que l'on ne peut capter que par une exploitation agricole (agriculture et élevage). En règle générale, l'individu qui cultive la zone immédiate sous l'arbre et autour de l'arbre, recueille le bénéfice le plus direct sous forme d'accroissement des récoltes et produits.

Figure 11a
Types de biens et services

PROJET CRDI
Seconde phase — bois de famille et plantations individuelles

Saison de pousse
Propriétaires travaillant dans leurs champs, près des arbres plantés

 FACILITE D'EXCLUSION 
 DifficileFaisable 
   En tant qu'avantage secondaire gratuit des travaux de culture et de récolte 
 Biens et services publicsBiens et services à péage 
Conjointe(sur le site)   
CARACTERE DE LA CONSOMMATION-amélioration de la qualité de l'air  
-protection contre l'érosion éolienne  
Biens et services d'usage communBiens et services privés 
SéparableAccès libre(sur le site) 
 (sur le site)-pompage éléments nutritifs 
 -recharge de la nappe aquifère(produits de consommation) 
   -bois de chauffage 
   -poteaux et poutres 
   -brout 
      

* les deux situations étaient présentes: clôtures entretenues et clôtures non entretenues

Figure 11b
Types de biens et services

PROJET CRDI
Seconde phase — bois de famille et plantations individuelles

Saison sèche
Propriétaires ne se trouvant pas dans leurs champs, près des arbres plantés

 FACILITE D'EXCLUSION 
 DifficileFaisable 
 A moins d'une surveillance permanente (clôtures d'épineux locaux non disponibles)  
 Biens et services publicsBiens et services à péage 
Conjointe(sur le site)  
 -Amélioration de la qualité de l'air  
CARACTERE DE LA CONSOMMATION-Protection contre l'érosion éolienne  
Biens et services d'usage communBiens et services privés 
SéparableAccès libre(sur le site) 
 (sur le site)-pompage éléments nutritifs 
 -Recharge de la nappe acquifère   
 -Ombrage pour le bétail (produits de consommation)   
 -bois de chauffage   
 -poteaux et poutres   
 -brout   
      

INSTITUTIONS ENVISAGEES EN TANT QUE REGLES

Les règles du Code forestier créent un parti pris contre l'utilisation des matériaux locaux pour les clôtures. Ce code déclare que quiconque veut utiliser le bois de l'une quelconque des quinze essences protégées, dont plusieurs produisent des épines convenant parfaitement aux clôtures, doit tout d'abord obtenir l'autorisation d'un agent du service forestier. Sans cette permission, les arbres de cette catégorie peuvent seulement être émondés jusqu'à la hauteur qu'un homme debout sur le sol peut atteindre avec une hache. En revanche, toutes les essences non protégées sont sujettes à une utilisation «selon les pratiques traditionnelles», c'est-à-dire qu'elles constituent des ressources d'accès libre que toute personne a la liberté de récolter. Toutefois, la proposition inverse est également valable: chacun est vulnérable face à la liberté de tous les autres de couper les essences non protégées.

Les parcelles boisées individuelles ont été crées selon des règles spéciales. Le document du projet stipulait que les arbres appartiendraient à ceux qui les auraient plantés et entretenus. Le projet ne fournissait pas de matériaux pour les clôtures. Toutefois, le forestier de l'arrondissement de Matameye a exercé ses pouvoirs déterminants pour imposer certains devoirs aux individus qui, en plantant des arbres au titre du programme, en obtenaient le titre de propriété en tant qu'individus ou membres d'une famille. Ces devoirs restreignent la liberté des propriétaires d'utiliser à leur gré les arbres qu'ils ont plantés. Le forestier a pris une décision unilatérale déclarant que les planteurs-exploitants ne pouvaient pas couper les arbres avant d'en avoir obtenu l'autorisation délivrée par les forestiers. Ceci a considérablement réduit la liberté d'exploitation de leurs propres arbres dont disposaient les propriétaires, et a donc eu pour effet de décourager les investissements dans les arbres pour un usage de consommation. Toutefois, dans ce cas, les règles opératoires imposées par le forestier ont également créé une incitation à planter: le contrôle étroit qu'il exerçait sur l'utilisation des parcelles boisées individuelles a permis de distinguer les arbres des parcelles boisées de ceux de la végétation forestière non protégée et d'accès illimité. Aussi, même si les arbres ont été plantés dans des champs découverts et sans clôture, ils n'ont été que très peu touchés. Le droit qu'avaient les planteurs d'imposer aux autres de s'abstenir d'utiliser ou de détruire leurs arbres a été élargi, et le risque des planteurs a été réduit du fait de l'intérêt manifeste que le forestier portait à ces arbres. Cet intérêt impliquait qu'il était prêt à exercer ses pouvoirs déterminants pour punir quiconque était reconnu coupable de prendre du bois sans permission.

INTERACTIONS

Le projet de la deuxième phase, concernant les parcelles boisées familiales, a été mis en œuvre dans six villages par an, sur une période de trois années qui a commencé en 1982. Chaque année, trois villages étaient choisis parmi ceux de l'arrondissement de Matameye qui avaient participé à la première phase du projet, celle des parcelles boisées collectives. Chaque année, on choisissait trois autres villages qui n'avaient pas été engagés auparavant dans des activités de foresterie.

Les «parcelles boisées» familiales ont été créées en trois stades: (1) production de jeunes plants dans des pépinières villageoises; (2) plantation sur des terrains familiaux ou individuels (champs et jardins); et (3) protection. Le quatrième stade, l'exploitation, n'a pas encore démarré parce que la plupart des arbres n'ont toujours pas atteint la taille voulue pour la récolte.

Dans chaque village, le forestier a recruté un volontaire qui a dû participer à une brève session de formation en techniques d'arboriculture en pépinière, à la pépinière du bureau principal d'arrondissement à Matameye. Le cours comprenait une formation en matière de sélection de graines, préparation des mélanges pour les couches d'humus, plantation, arrosage, transport et techniques de plantation définitive. Après avoir achevé leur instruction, ces volontaires retournaient au village pour organiser des pépinières.

Parmi les trois villages de seconde phase qui ont été visités (et probablement aussi dans les autres), les activités des pépinières variaient d'un village à l'autre. Dans un village, Zane (de première et seconde phase), le volontaire de la pépinière a fini par effectuer la majeure partie du travail de production des jeunes plants par lui-même, et il fournit ainsi sa main-d'œuvre aux planteurs d'arbres, comme un bien gratuit. Il est apparenté au chef qui peut lui offrir une compensation sous d'autres formes (soutien, position sociale, protection, etc…). Dans le second village, Soma (de seconde phase seulement), le volontaire a organisé ses concitoyens villageois pour qu'ils préparent les mélanges d'humus et creusent des trous dans une série de parcelles situées dans des champs familiaux adjacents, mais il a arrosé seul les jeunes plants jusqu'à ce qu'ils soient prêts à replanter. Dans le troisième village, Dadin Kowa (de première et seconde phase), le volontaire a organisé la pépinière, mais la jeunesse du village, constituée en équipes, a assuré l'arrosage par roulement.

Les essences d'arbres cultivées dans les villages de la seconde phase ont été choisies par les populations locales. Bien que d'autres pépinières de village aient pu produire quelques essences supplémentaires, l'éventail des essences dans les trois villages visités était tout à fait restreint et tout à fait pratique:

Le second stade—la plantation sur place—semble avoir été organisée d'une manière fort variable selon les circonstances. A Saouni, on a recruté des volontaires pour planter des arbres sur leurs propres terres; à Zane et à Dakin Kowa, ceux qui voulaient des jeunes plants en ont fait la requête et ils les ont plantés dans l'emplacement et de la manière qu'ils voulaient. A Zane, on rapporte que de nombreuses personnes ont planté des jeunes plants en des emplacements dispersés dans leurs champs. Des jeunes plants en grand nombre ont été plantés également le long des sentiers et sur la route menant au village. A Dadin Kowa, les gens ont planté comme ils le voulaient. A Soma, village considéré par le forestier comme ayant bien réussi au second stade, la plupart des arbres ont été plantés au cours des premières années par cinq ou six individus dont les champs sont assez proches du village et se touchent. Ces arbres, plantés en 1982, avaient pratiquement atteint le point permettant la récolte de poteaux, à l'exception de plusieurs rangées que l'on avait plantées comme brise-vent.

Le troisième stade — la protection — a tout d'abord été résolu, dans les trois villages, par la construction de petites cages en osier peu serré, placées au-dessus des jeunes plants pour en éloigner les animaux. Ce système n'a pas bien fonctionné à Zane, même les années de précipitations normales et de bonnes ressources en fourrage: les animaux renversent les cages durant la saison sèche pour atteindre les jeunes feuilles vertes. Durant les années de sécheresse intense, la plupart des jeunes plants n'ont aucune chance de survie, leur protection est donc hypothétique.

RESULTATS

Bien qu'il soit encore un peu trop tôt pour porter un jugement sur les résultats de la seconde phase, il semble que de nombreux participants considèrent leurs plantations individuelles comme représentant un niveau supérieur d'efficacité par rapport aux parcelles boisées collectives de la première phase. Les producteurs qui ont donné leur avis sur cette question, ont déclaré qu'ils préféraient la clarté du système d'attribution de responsabilités en matière de préparation, entretien et protection des «parcelles boisées», système lié intrinsèquement au régime de propriété privée, appliqué aux arbres plantés par des individus au cours de la seconde phase. Il reste toutefois à vérifier si ces droits de propriété seront respectés par les non propriétaires et si, dans les cas futurs de contestation, ils seront confirmés par les forestiers de Matameye.

Les effets du nouvel arrangement en matière d'équité n'ont pas été évalués durant la brève visite effectuée dans la zone de Matameye. Il faut s'attendre à ce que les plantations individuelles aboutissent au cours des années au retrait d'une certaine quantité de biomasse du capital forestier d'accès libre du village. Toutefois, l'existence de nouveaux apports, créés artificiellement, devrait contribuer, ne serait-ce que très légèrement, à la production du bien public local de conservation de l'environnement. Une légère augmentation de l'offre devrait aussi freiner les augmentations de prix à l'avenir, si les ressources d'accès libre sont fortement appauvries. Le fardeau de ceux qui ont le plus difficilement accès au bois pour leurs besoins en énergie domestique et matériaux de construction devrait s'en trouver allégé. On pourrait, d'une manière approximative, considérer un tel résultat comme «équitable».

NOTES

1 Isabelle Bloas, Volontaire de progrès, française, travaillant à Zinder depuis juillet 1987 pour un programme de diffusion de fourneaux plus efficaces, dit que le fourneau No 2 (taille familiale) coûte environ 650 francs CFA et réduit la consommation urbaine de bois de chauffage en la portant de 800 à 600 grammes par jour en moyenne. En faisant attention à la consommation, on peut arriver à des économies de 50%, soit de 400 à 300g/jour par habitant.

2 On n'a pas défini clairement jusqu'à la première récolte les parts de production de la parcelle qui seraient attribuées et à qui. Le chef de village est devenu habituellement responsable, par défaut, de la gestion de la parcelle de son village.

3 Il est difficile d'affirmer que la version du processus de distribution, tel que le décrit Issa Kokari, reflète la réalité de l'expérience villageoise. Les variations des mécanismes de distribution d'un village à l'autre suggèrent cependant que les villageois ont vraiment dit leur mot.

4 A ce jour (nov. 87), des coupes n'ont été autorisées par le service forestier que dans l'arrondissement de Matameye. La plupart des parcelles boisées de l'arrondissement de Mirriah ne contiennent plus à présent que de l'herbe et des jeunes plants spontanés d'A. albida - qui sont de toute façon mieux adaptés au sol sableux qui domine ici. Dans l'arrondissement de Magaria, les arbres d'un certain nombre de parcelles devraient faire l'objet d'une récolte dont le bois serait remis aux villageois pour qu'ils en fassent la répartition comme bon leur semble; on leur démontrerait ainsi la valeur productive de l'expérience, et les encouragerait à participer à des activités analogues individuellement.

5 Il est évidemment difficile de déterminer si l'on a atteint l'équité dans un cas particulier. Ceux qui n'achètent pas de bois peuvent ne pas en avoir besoin à ce moment-là, ou bien ils peuvent avoir accès au bois acheté par les autres en raison d'obligations contractées par des parents à leur égard, ou encore ils peuvent chercher à acquérir des «mérites» politiques ou sociaux, en n'entrant pas en compétition avec ceux qui désirent le bois. Tous ces facteurs viennent atténuer l'impression de manque d'équité créée par l'opération de Saouni. Cette impression, toutefois, peut être bien fondée.


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