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Chapitre 2
ETUDES DE CAS DE PROJETS NIGERIENS DE FORESTERIE ET RESSOURCES FORESTIERES

Nom et lieu du projet

  1. Projet CRDI de bois de village et bois de famille Arrondissements 3M (Matameye, Magaria, Mirriah)

  2. Projet de brise-vent, agroforesterie et gestion de l'environnement Vallée de Majjia

  3. Projets FAC et UNSO de promotion du gao et de foresterie Département de Dosso

  4. Projet de planification de la foresterie et de l'utilisation des sols Forêt nationale de Guesselbodi

Données préalables

METHODES DE RECHERCHE SUR LE TERRAIN

Pour plusieurs raisons, l'étude qui suit, portant sur quatre projets nigériens de foresterie et de ressources forestières, relève de la théorie. Tout d'abord, la recherche de terrain sur la participation des populations à ces projets a été conduite rapidement, au rythme d'un projet par semaine. Ces travaux sur le terrain visaient à produire des données faisant ressortir de quelle manière la nature des biens représentés par différents types de ressources forestières, agissant de concert avec les règlements régissant leur gestion et leur exploitation, était à l'origine de motivations favorisant ou décourageant la participation. L'intention n'était pas d'obtenir des évaluations définitives du succès obtenu par chaque projet dans le domaine de la participation populaire à la gestion des ressources forestières. Avec un objectif restreint et un temps limité, il était exclu de se livrer à des enquêtes approfondies sur les changements dans les taux de participation et les progrès/reculs en matière de gestion des ressources forestières.

Presque toutes les visites de la mission sur le terrain, sur les sites des projets, comportaient la participation soit de personnel du Projet soit de représentants locaux du Service des Forêts et de la Faune. La présence de ces personnes, ainsi que l'intérêt manifesté par les membres de l'équipe à l'égard des activités du Projet, ont probablement influencé dans une certaine mesure les réponses des interlocuteurs (atténuant ou intensifiant les critiques, exagérant ou minimisant les effets positifs, selon que les interrogés souhaitaient être laissés à leurs initiatives, espéraient plus de soutien ou avaient d'autres objectifs stratégiques). Durant le temps alloué, il n'était pas possible de vérifier l'étendue et la force de cette «influence de l'observateur».

Dans certains projets, les données de base étaient inexistantes. Dans d'autres, par exemple les deux projets centrés sur A. albida, il était impossible de vérifier sur le terrain certaines allégations faites dans les documents du Projet ainsi que certaines évaluations de l'influence exercée par le projet en ce qui concerne l'intérêt accru des exploitants vis-à-vis de la gestion de cette essence.

Enfin, tant dans la composante de gestion des forêts naturelles sur les sites modèles du PUSF, que dans le Projet des brise-vent de la vallée de Majjia, la participation populaire à ces activités au niveau de la prise de décision ne fait que commencer. Par conséquent, on ne peut, à ce stade, que se livrer à des spéculations pour évaluer la réussite des stratégies du projet en matière d'encouragement à la participation.

CADRE INSTITUTIONNEL

Au Niger, les projets de foresterie doivent être situés dans le contexte plus large des institutions qui forment la toile de fond sur laquelle se déroulent les activités du projet.

La structure politico-administrative de l'organisation rurale continue à subir l'influence des deux préoccupations majeures des administrateurs publics:

Les fonctionnaires accordent beaucoup d'importance aux renseignements sur ce que font les gens. Ils suivent d'un œil attentif ceux qui organisent des activités hors des structures approuvées par le gouvernement nigérien (les unités correspondant aux niveaux village, canton, arrondissement, département et national de la Société de développement rigoureusement hiérarchisée). De telles activités sont à l'origine de présomptions quant à des atteintes potentielles à la sécurité du régime.

Les administrateurs ont besoin également de renseignements détaillés sur ce qui se passe dans leur juridiction locale pour empêcher les gens d'échapper à leurs obligations fiscales. Le moyen le plus direct de recueillir des informations sur l'assujettissement à l'impôt est de questionner les contribuables. Une seconde méthode consiste à s'appuyer sur les administrateurs traditionnels (chefs de canton et ceux qui travaillent pour eux comme subordonnés administratifs). Ils passent beaucoup de temps dans les villages placés sous leur juridiction. Ils savent souvent qui fait quoi, pour qui, quand, pourquoi et comment dans les villages qu'ils visitent régulièrement. Ces observateurs entretiennent fréquemment des informateurs dans les communautés locales et ces derniers, en échange de toutes sortes d'assurances, appuis et aides, tiennent les subordonnés du chef de canton au courant des événements locaux.

Une troisième méthode consiste à avoir recours aux affaires judiciaires pour obtenir des renseignements. Les faits que des particuliers, ou un informateur local, peuvent dissimuler à un conseiller de canton ou à un agent de police traditionnel, peuvent être divulgués au cours d'un procès pour établir une preuve ou rejeter une allégation. Les chefs de canton habiles reconnaissent que les litiges ont souvent pour avantage accessoire la fourniture d'informations. Ils ont des raisons d'encourager les ressortissants ruraux de leurs juridictions à faire opposition aux décisions des instances locales. Mais, à leur tour, les chefs de canton et leur entourage font tout leur possible pour dissuader les paysans de poursuivre le pourvoi jusqu'au niveau de l'arrondissement.

Il s'ensuit que le jeu est légèrement faussé aux dépens de la capacité de gestion locale. Les habitants du pays sont encouragés à faire opposition aux décisions prises au niveau du village en les portant devant le tribunal du chef de canton. Au niveau de l'instance cantonale, les coûts de contentieux peuvent être majorés en raison des pots-de-vin qui viennent s'ajouter aux importantes dépenses supplémentaires qu'entraînent des frais de poursuite hors du village où a eu lieu le différend. Les chefs de village ou les instances villageoises sont capables de rendre des jugements sur des affaires locales avec un minimum de tracas et de temps perdu. Les frais de justice sont en général très faibles-l'équivalent de deux noix de cola. Si les deux plaideurs résident dans le village, ils peuvent comparaître devant le chef de village et obtenir la résolution de la contestation dans un délai d'une heure. Mais si l'un des plaideurs se pourvoit en appel devant le chef de canton et que l'autre refuse de comparaître de son plein gré, alors le demandeur en appel doit se rendre au cheflieu de canton, payer les frais de justice, payer un huissier pour convoquer le défendeur, participer au procès et rester pendant tout le temps de la procédure loin de son foyer et de son travail. En outre, il risque d'être obligé de retourner ensuite au chef-lieu de canton pour payer une autre redevance d'huissier pour encaissement des dommages-intérêts, et de faire encore un autre voyage au moins pour recevoir l'argent au chef-lieu de canton.

Un chef de canton habile peut, en manipulant ses décisions, rendre la loi ambiguë. Dans ces circonstances, les chefs de village trouvent difficile de rendre des jugements à la lumière des précédents établis au niveau cantonal, parce que ces derniers manquent délibérément de clarté. Ainsi, les appels sont plus fréquents, ou bien les litiges eux-mêmes sont jugés directement au niveau du canton, qui sert de tribunal de première instance.

Quand cette situation prédomine, les plaideurs continuent à intenter des procès mettant en jeu des sommes importantes, car les gains éventuels l'emportent sur les coûts. Mais des cas d'une portée mineure, telles que la protection des ressources renouvelables — une branche d'arbre coupée, de jeunes plants broutés — peuvent très bien être abandonnés parce qu'on ne peut les résoudre localement et qu'il est simplement trop coûteux de les juger au niveau du canton. La gestion des terroirs villageois voit ses coûts monter. Il y a au niveau local une incitation à la désorganisation, parce que les coûts de transaction sont trop élevés. Toutes ces décisions mineures (ne pas chercher à résoudre les conflits) prises par les usagers des ressources exercent une tyrannie qui entraîne un manque de clarté et une ambiguité des règles opératoires découlant des droits de propriété sur les ressources naturelles renouvelables.

Au Niger, la législation financière nationale exclut la possibilité de créer des mécanismes de financement collectif (non volontaires) au niveau local. Dans ces circonstances, l'organisation de la gestion des ressources forestières doit dans une large mesure dériver de manière fortuite et accessoire d'autres activités, plutôt que de systèmes de réglementation édifiés volontairement par des personnes cherchant à contrôler l'accès aux ressources naturelles renouvelables locales, leur utilisation et les investissements en leur faveur.


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