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2.2.6 Les ressources naturelles comme source d'aliments et de médicaments

Les plantes, les animaux sauvages et les poissons sont aussi utilisés par les éleveurs à des fins autres que l'alimentation du bétail, la construction et le combustible. Ils sont notamment utilisés comme aliments et comme médicaments. Nous avons trouvé très peu de renseignements sur la gestion des ressources à ces fins. Pour la plupart, les études ethno-botaniques indiquent les différents usages des plantes ou bien évoquent, rarement,255 l'effet que la cueillette peut avoir sur les plantes; elles ne nous apprennent rien sur la manière dont se fait la récolte, par qui, avec quelle fréquence, etc.256

Dans le régime alimentaire des populations pastorales, les plantes ne jouent pas un rôle aussi important que le lait et la viande. Quelques groupes, tels les Gabra du Kenya septentrional, qui ne récoltent que 17 espèces spontanées pour la consommation alimentaire, n'accordent pas beaucoup d'importance aux plantes sauvages.257 Elles constituent cependant un complément d'appoint, un condiment, et une ressource de repli en période de sécheresse ou de crise économique. Il s'agit là de situations provisoires, rarement accompagnées de structures d'organisation formelles. D'autres groupes d'éleveurs comptent beaucoup plus sur les plantes sauvages qu'ils récoltent régulièrement pour la consommation domestique et pour la vente. Dans ces cas-là, la cueillette est souvent collective et comporte des règles précises et sévères en ce qui concerne la protection des graminées spontanées. Ces mesures de protection régissent la fréquence de la récolte, les limites territoriales ainsi que l'interdiction au bétail et aux autres usagers de pénétrer dans la zone. Nous avons déjà parlé de la récolte des fruits sauvages provenant des arbres et des arbustes. La récolte des graminées spontanées collective ou individuelle est souvent considérée du ressort des femmes, surtout lorsqu'il s'agit d'une activité commerciale. Les techniques de récolte peuvent varier selon le groupe et la phase phénologique de la plante. Il arrive même que certains groupes cultivent les plantes sauvages pour en obtenir graines et autres produits (voir en CADRE 2.33).

Les animaux représentent parfois une part considérable du régime alimentaire des éleveurs, selon la région et la disponibilité saisonnière de la faune. La chasse au gros gibier est généralement collective, tandis que le petit gibier, y compris les oiseaux et les insectes, est presque toujours chassé individuellement, notamment par les jeunes garçons. La récolte du miel se fait parfois abusivement, mais on note aussi dans certains cas le souci de maintenir la pérénnité de cette ressource. Certains groupes ont institué des interdictions et des restrictions ayant pour but de protéger les animaux et les poissons. Les tabous et les animaux totems contribuent parfois à la protection des animaux, même si à l'origine ils n'ont pas été institués dans ce but (voir en CADRE 2.34).

CADRE 2.33

Les Touaregs Kel Adrar Kidal du Mali ont pris depuis longtemps des dispositions pour la protection des herbes sauvages comestibles, mais les détails de leur système traditionnel de protection ne sont pas connus.258 Chez les Touaregs du Burkina Faso, la présence de plantes sauvages utiles à l'homme est un des facteurs qui détermine les déplacements des éleveurs. Ils utilisent souvent la région d'In Daki pour récolter les bulbes du lotus, aliment qui leur permet de réserver le millet pour la fin de la saison sèche.259

Les Touaregs du Niger récoltent régulièrement les graminées spontanées lorsqu'ils se déplacent vers les pâturages des saisons sèches.260 Les céréales, connues sous le nom générique de "ishiban", comprennent Panicum laetum et Echinochloa colona. Le travail de la récolte incombe presqu'entièrement aux femmes. Par groupes de 5 ou 6, elles passent souvent une semaine dans la brousse à récolter des graminées ou d'autres produits tels que les fruits, la gomme arabique, et des branches spéciales pour faire des lits. Elles ont trois techniques pour la récolte des céréales: 1 ) lorsque le grain est sur le point de tomber, mais se trouve encore sur l'inflorescence, elles font la récolte tôt le matin: ainsi, la rosée sur le grain l'empêche de se disperser et de se perdre. Un récipient profond en forme de cône est utilisé pour la récolte. 2) Si les grains ne sont pas encore prêts à tomber, elles procèdent comme pour des céréales cultivées: elles coupent l'herbe qu'elles laissent sécher, pour ensuite battre et vanner le grain. 3) Si le grain est déjà tombé, elles coupent la biomasse sur pied et la brûlent; le grain reste au sol et peut alors être ramassé avec un balai. Lorsqu'elles brûlent la biomasse, le goût du grain est moins bon, mais le travail plus aisé; c'est donc un choix qu'elles doivent faire. Les grains ramassés avec le balai contiennent de la terre et des cailloux; ils ne sont pas aussi appréciés et se vendent moins cher au marché. 4) Une quatrième technique est utilisée par les esclaves Touaregs: ils vont chercher les graines récoltées par les colonies de termites dans le réservoir central, en temps normal, et jusque dans les magasins souterrains dans les périodes de sécheresse. D'habitude, les Touaregs ne récoltent que ce dont ils ont besoin pour la journée ou pour la semaine; ils n'utilisent donc que rarement les feux, sauf pour constituer des stocks importants ou commercialiser de grandes quantités.261 On ne sait pas quel est l'effet de ces techniques de récolte Touaregs sur la durabilité de la production de ces céréales spontanées.

Les Wodaabe du Niger récoltent aussi les graminées spontanées, mais plus souvent ils en achètent chez les Touaregs en échange de tabac (qu'ils obtiennent des cultivateurs du sud mais n'utilisent pas eux-mêmes).262 Les tribus Dirong et Guruf du Tchad ouvrent les fourmilières pour prendre les grains pendant les périodes de sécheresse. Ils peuvent obtenir en un jour jusqu'à 130 kg de graines, soit la charge d'un chameau263.

Les femmes Zaghawa, comme les femmes Turkana,264 récoltent les céréales spontanées surtout pour la consommation domestique, mais aussi pour la vente. Les Zaghawa passent un ou deux mois aux endroits où poussent les céréales et reviennent avec 3 ou 4 charges de chameau. La récolte, qui peut être individuelle ou collective, commence au mois d'août et se fait tous les 15 à 30 jours. Les premières récoltes sont souvent les plus abondantes. Chaque femme se fixe mentalement un territoire, puis elle coupe l'herbe et laisse sécher le grain. Elle couvre la récolte avec des épines pour éloigner les chèvres et avec une pierre symbolique qui représente son clan pour éloigner les voleurs. Il est interdit aux éleveurs de faire pénétrer le bétail dans ces régions réservées à la récolte des graminées tant que la récolte n'est pas terminée, et toute infraction entraîne une amende. La récolte semble contribuer à maintenir en bon état les graminées spontanées, car là où les récoltes ne se font plus, le terrain a été envahi par des plantes inutiles (notamment Cenchrus biflorus) .265

Chez les Teda Tibetsi, un gardien veille sur les céréales spontanées pendant la période de maturation. Dès qu'elles sont prêtes à cueillir, des cérémonies religieuses sont célébrées et la récolte commence. Une fois que les clans ont commencé, les étrangers peuvent aussi participer.266 La priorité aux populations locales est ainsi assurée. Au Sierra Leone, en Guinée et au Nigéria, les populations cultivent une graminée spontanée, Digitalis exilis, pour l'alimentation.267 Les femmes Oubangui de la République centrafricaine récoltent des plantes sauvages pour la consommation domestique, mais elles ont en outre appris à cultiver une plante dont elles peuvent extraire le sel (Hygrophila longifolia): elles plantent autour de leurs maisons des tiges fleuries qui mûrissent et laissent tomber naturellement leurs graines; l'année suivante, celles-ci produisent de nouvelles plantes.268

CADRE 2.34

Les Boschiman, comme les autres groupes vivant de la chasse et de la cueillette, ne tuent jamais ce qu'ils ne peuvent consommer immédiatement.269 Ainsi, l'incidence de leurs activités sur la faune et la flore sauvages est diluée dans le temps. En Afrique de l'est et du sud, où les animaux sauvages sont encore nombreux, les éleveurs (comme par exemple les Tswana270), ont recours à la chasse et au commerce de la faune quand ils perdent leur bétail à cause d'une épidémie de peste bovine ou d'une autre maladie.

Les Tswana organisent une fois par an, selon un système coopératif, une chasse rigoureusement réglementée dont les produits, généralement importants, sont partagés. Ils organisent aussi parfois des chasses spéciales appelées "letsholo", à l'occasion de cérémonies particulières.271 Les Ngoni du sud-est de la Zambie organisent des chasses collectives qui regroupent parfois des chasseurs de différents villages, surtout pendant la saison sèche, mais aussi chaque fois qu'un prédateur est signalé. Ces chasses sont organisées par un chef qui choisit deux hommes chargés de coordonner la chasse.272 Le chef des Nyakyusa du sud-est de la Tanzanie organise aussi des chasses collectives et des parties de pêche.273

Les Guahibo des "Llanos" du centre-ouest du Venezuela et de l'est de la Colombie sont des groupes qui vivent de la chasse et de la cueillette; ils emploient le feu à dessein pour produire une bonne couverture herbacée pour les ongulés.274 Ce genre de gestion délibérée de la flore au profit des animaux sauvages n'a pas encore été signalée en Afrique.

L'apiculture et la récolte du miel nécessitent généralement plusieurs opérations: il faut placer des récipients en bois ou en chaume dans les arbres, et éloigner les abeilles par un procédé de fumigation pour recueillir le miel. Certains groupes, cependant, ont inventé des récipients particuliers qui peuvent être utilisés plusieurs fois, et qui ne détruisent pas les essaims. C'est le cas, par exemple, des populations arabes du Tchad méridional.275 Les Kamba du district de Machakos au Kenya suspendent leurs ruches dans les arbres sur les terres communes, mais le propriétaire de la ruche a tous les droits sur l'arbre et sur la terre qui l'entoure.276

Souvent, chez les éleveurs et les groupes vivant de chasse et de cueillette, chaque clan ou chaque famille a son propre totem traditionnel. Il est interdit aux membres de ces clans et de ces familles de nuire, directement ou indirectement, à leur totem ou d'en manger la chair. Citons, par exemple, les Shona du Zimbabwe,277 les Tallensi,278 et les Boschiman.279 Dans certains groupes, tels que les Rendille, l'interdiction de manger la viande de gibier ne s'applique qu'à quelques sous-clans particuliers, comme par exemple les descendants de clans ayant des fonctions religieuses.280 La plupart des totems sont des animaux ou certaines parties d'animaux, mais les Shona ont également pour totems des mares où les membres du clan peuvent boire mais qu'ils doivent respecter et utiliser à bon escient, et dont certains poissons leur sont interdits.281 Chez les Tallensi,282 mais aussi dans d'autres groupes, les fauves sont protégés à l'intérieur et aux alentours des bosquets et autres lieux sacrés. Les totems ne semblent appartenir à aucune catégorie unique, que ce soit du point de vue de leur utilité ou leurs qualités médicinales, zoologiques ou autres. Il est donc inévitable que les systèmes de tabous et de totems finissent par protéger toutes sortes d'animaux et, par conséquent, les forêts et les parcours qu'ils fréquentent.283

Les Lozi du Zimbabwe connaissent 24 façons différentes d'attraper les poissons, selon la saison, le niveau du Zambèse, et suivant qu'il s'agit d'une pêche individuelle ou collective.284 Les populations du nord du Burkina Faso utilisent les fruits, l'écorce et les racines de Balanites aegyptiaca pour paraliser et attraper les poissons.285 Au centre du delta du Niger, les pêcheurs interdisent l'accès de certaines parties du fleuve à des heures fixes. Ils interdisent également l'emploi de certains types de filets avec des mailles trop serrées pour éviter les captures excessives.286

Les plantes et certains organes d'animaux sont aussi utilisées comme médicaments; ils peuvent constituer en elles-mêmes le médicament complet, ou bien n'avoir qu'une valeur symbolique, comme par exemple dans la médecine traditionnelle du Sénégal.287 Ceux qui pratiquent la médecine traditionnelle sont généralement les guérisseurs, les marabouts, les prêtres et certains artisans, comme les forgerons chez les Hausa de la région de l'Ader au Niger, qui soignent les brûlures.288 Aucune étude ne fournit de renseignements sur les quantités annuelles utilisées en moyenne par un médecin traditionnel, mais il est raisonnable de supposer qu'elles sont nettement inférieures aux quantités récoltées comme nourriture ou consommées par le bétail. En outre, certaines règles informelles semblent conçues pour réduire le risque de surexploitation. Généralement les plantes les plus utiles comme médicaments sont aussi les espèces les plus communes dans la région, comme chez les Hausa par exemple.289 Normalement, les plantes médicinales sont récoltées lorsqu'elles sont sèches,290 ce qui réduit au minimum l'effet sur la communauté végétale. Chez les Somali, les guérisseurs traditionnels expriment leur respect pour les plantes en ne permettant pas à leur ombre de tomber sur la plante pendant qu'ils la coupent; par ailleurs, ce qui est plus important sur le plan pratique, ils ne déracinent jamais, la plante entière, même lorsqu'ils prélèvent des racines.291

2.2.7 Analyse

Le degré de complexité des systèmes de gestion des sociétés pastorales est très variable. Il en existe d'extrêmement simples, qui tablent sur la faible densité démographique, la dispersion et la forte mobilité des sociétés pastorales pour maintenir l'équilibre écologique à long terme et éviter le surpâturage. Il en existe aussi de très complexes, souvent accompagnés de systèmes de contrôle social fort détaillés, conçus pour régir et coordonner l'activité des éleveurs individuels. Nous avons des exemples concrets de ces deux extrêmes, mais les systèmes de gestion de la plupart des sociétés pastorales se situent entre les deux.

La lecture des études sur les populations pastorales rappelle sans cesse à quel point ces populations sont hétérogènes dans leurs objectifs, leurs stratégies, leurs besoins et leurs styles de gestion. Cette diversité est évidente au niveau des tribus, mais aussi entre éleveurs. En outre, pour chaque éleveur particulier, les stratégies de gestion évoluent dans le temps. La plupart des groupes ont institué des règles plus ou moins formelles qui régissent l'utilisation des ressources naturelles. Cependant, il s'agit là de normes idéales, et il n'est pas rare de voir que les décisions que prend l'éleveur au jour le jour s'éloignent de ces normes selon les circonstances, physiques et sociales, locales. Les lois et les coutumes décrites au cours d'interviews et de conversations représentent un cadre de référence, mais elles ne sont pas nécessairement appliquées en toutes circonstances.292 Les éleveurs s'intéressent à l'aménagement de leur milieu dans la mesure où ils ont officiellement des droits sur les terres en question (cf. la section 2.3.2) et selon la fréquence avec laquelle ils les utilisent. Ils peuvent se permettre une certaine désinvolture à l'égard d'un arbre éliminé dans une région qu'ils ne fréquentent que rarement car ils savent que dans l'ensemble, la pression qu'ils exercent sur les ressources de la région est faible et diffuse. S'agissant de l'utilisation de sites où la densité et la pression sont considérables, comme les points d'eau, des règles sévères sont souvent rigoureusement appliquées. Le plus souvent, les agents de développement et les planificateurs ne prennent pas en considération cette hétérogénéité des styles et des stratégies de gestion; pourtant, le succès de chaque éleveur en dépend dans une très large mesure.

Les systèmes d'élevage, comme les systèmes de culture, dépendent pour leur succès d'un suivi détaillé du milieu naturel. Ces populations ne disposent pas de technologies sophistiquées de suivi et d'évaluation, mais elles ont mis au point une série d'indicateurs globaux, chacun correspondant à un ou à plusieurs aspects de la productivité et de la santé du milieu naturel. Elles consacrent aussi beaucoup de temps et de patience à l'observation des changements subis par les indicateurs. Quelques chercheurs ont relevé l'inexactitude de certaines conclusions fondées sur des indicateurs isolés; ils ont signalé par exemple, le fait que la production de lait peut ne pas être sensible aux changements de poids de l'animal et aux pressions environnantes, et qu'elle peut amortir les fluctuations saisonnières.293 Ils oublient cependant que l'éleveur ne tient pas compte uniquement de la production laitière: il rassemble les données provenant de toute une série d'indicateurs sur le rendement de son troupeau et l'état des pâturages. Un suivi constant et global fournit une perspective à long terme, ce qui est un élément important pour les SLCG et dont les agents de développement devraient tenir compte.

L'éleveur a-t-il une stratégie à long terme? Certains croient qu'il n'en a pas car il peut abandonner un pâturage épuisé pour en chercher un autre.294 Mais cette mobilité n'est-elle pas une stratégie à long terme? Presque toutes les stratégies de l'éleveur ont pour objet le maintien à long terme de la productivité naturelle des ressources. Ces stratégies comprennent la rotation (saisonnière et autre) des pâturages, la mise en défens, la dispersion, la protection et la régénération des arbres et des arbustes. D'autres stratégies ont pour but d'améliorer la productivité des parcours; elles comprennent l'aménagement des points d'eau, le défrichement de la brousse, et l'usage du feu pour arrêter la pousse des arbustes indésirables et détruire les vecteurs de maladies.

La protection de l'environnement est-elle un objectif pour l'éleveur? Si nous donnons à l'expression "protection de l'environnement" la définition que lui donne l'expert occidental, qui veut protéger les ressources naturelles en interdisant toute utilisation avant la phase culminante, il faut sans doute répondre non à cette question. Si, par contre, nous entendons par là le fait de protéger et conserver l'environnement en vue d'en utiliser les ressources à l'avenir de manière productive, nous pouvons sans doute répondre oui. L'éleveur africain, comme le "rancher" américain, ne s'intéresse pas du tout à la phase culminante de la succession végétale; en effet, dans cette phase, la productivité utile est souvent moindre que dans les phases précédentes de la succession ou sur les parcours améliorés. Il veut plutôt maintenir la productivité de la région à un niveau suffisamment élevé pour faire face à ses besoins; il est prêt pour cela à quitter une zone pendant un certain temps pour en permettre la régénération (à condition d'avoir à sa disposition d'autres pâturages viables) ou, au contraire, à surcharger volontairement pour une courte période des pâturages qui sont stimulés par une utilisation brève et intensive.

Cependant, le maintien à long terme de la productivité d'une région n'est pas le seul but de l'éleveur. Il doit sans cesse maintenir un équilibre entre différents objectifs: réduire au minimum les risques, utiliser au mieux la main-d'oeuvre disponible, faire face aux besoins socioculturels, s'adapter au cadre politique local, etc. Les exigences à court terme de l'environnement doivent parfois être subordonnées aux autres contraintes, mais, dans les systèmes traditionnels, il ne s'agit généralement que d'une stratégie provisoire que l'éleveur abandonne dès que les contraintes disparaissent.

Certains chercheurs sont d'avis que les éleveurs maintiennent mieux l'équilibre écologique que les populations agro-pastorales, car ils sont entièrement tributaires d'un seul ensemble de ressources (bétail et pâturages), alors que les populations agro-pastorales peuvent aussi compter sur la production agricole. S'il est vrai que les populations agro-pastorales ont plus tendance à porter atteinte à leur milieu que les éleveurs, et nous en avons parfois des preuves, il est cependant probable que les causes ne sont pas inhérentes aux systèmes mais proviennent plutôt de facteurs extérieurs. Il serait donc intéressant de définir les conditions dans lesquelles les populations agro-pastorales perdent le "contrôle" de leur milieu.295

"Le pastoralisme nomade est par définition auto-destructif, étant donné que ces systèmes de gestion sont fondés sur l'objectif à court-terme de faire survivre le nombre maximum d'animaux, quel que soit l'effet à long terme sur les ressources naturelles."296 Les nombreux exemples d'objectifs et de stratégies de gestion décrits ci-dessus, ainsi que leur diversité montrent bien qu'il s'agit là d'une opinion injustifiée. Le système traditionnel permettait aux éleveurs d'atténuer les effets négatifs de leur activité sur l'environnement. Il ne s'agit pas de nier la dégradation de l'environnement, mais plutôt de reconnaître les nombreux mécanismes qui avaient été conçus et mis en place pour éviter cette dégradation et, le cas échéant, permettre la régénération. L'atrophie progressive des systèmes de gestion et de tenure fait qu'actuellement cette fausse théorie est en train de devenir réalité.


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