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2.2.1 La gestion des troupeaux

Nous ne pouvons traiter ici tous les aspects du vaste domaine de la gestion des troupeaux, des techniques de la reproduction à celles de la traite du lait. Seuls seront examinés les aspects qui ont un effet direct ou indirect sur les ressources naturelles, notamment certaines techniques de production et de conduite du troupeau, l'organisation des troupeaux, les besoins en main-d'oeuvre pour la gestion du bétail et l'aménagement des parcours.

L'objectif principal de l'éleveur n'est pas simplement d'augmenter son troupeau. Il veut aussi accroître la production de lait, maintenir une bonne composition du troupeau, et assurer la résistance du bétail aux maladies à l'aide de techniques d'amélioration du cheptel.1 En outre, la priorité qu'il accorde aux différents objectifs peut changer selon la situation particulière de chaque ménage. Par exemple, chez les Somali, un jeune ménage avec de jeunes enfants aura comme objectif de produire autant de lait que possible; un ménage moins jeune dont les enfants ont grandi aura comme priorité la production de bétail de boucherie pour le marché.2 Cela peut avoir pour conséquence une utilisation différente des pâturages, étant donné qu'un troupeau d'animaux laitiers est normalement gardé près du camp principal, alors qu'un troupeau de bétail de boucherie est envoyé dans des pâturages plus éloignés.

Le choix du type de bétail par chaque ménage dépend de la disponibilité en main-d'oeuvre. Par exemple, les Somali de la région de Bay confient la garde des moutons et des chèvres aux enfants; les familles qui n'ont pas de jeunes enfants n'élèvent pas ces animaux et les vendent si elles en reçoivent en héritage ou en cadeau.3

Enfin, des stratégies de production, telles que le vêlage saisonnier pour engraissement et vente sur le marché, et l'élimination d'un certain nombre de veaux, peuvent influer sur les fluctuations du nombre de têtes de bétail dans chaque troupeau, et en conséquence changer les taux de charge pour une période donnée. Par exemple, il est courant chez les Musulmans d'engraisser les béliers à l'occasion du Tabaski, de Eid al Kabir et du Hajj. Cette pratique risque d'accroître l'utilisation des pâturages sur une base saisonnière autour des villages et des agglomérations, sans tenir compte des systèmes écologiques, étant donné que le calendrier musulman suit le cycle lunaire. Certains chercheurs sont d'avis que ces pratiques ont un impact négatif sur les parcours et qu'il faudrait les éliminer.4 Il serait cependant plus utile de trouver des solutions techniques appropriées qui permettraient d'augmenter la production de fourrage pendant les mois d'engraissement.

Les Somali pratiquent parfois "l'abattage-avant-sevrage", surtout des veaux mâles, afin de sauver la vie des vaches en période de sécheresse ou de maladie, ou pour augmenter la quantité de lait disponible pour la consommation humaine.5 Nous ne savons pas avec quelle fréquence différents groupes emploient cette technique, mais dans la mesure où elle permet de réduire le cheptel dans les périodes difficiles, elle a sans doute pour effet de diminuer la pression sur les parcours.

L'organisation du bétail en groupes d'animaux qui sont menés ensemble au pâturage ("unités d'élevage") peut varier selon que les animaux appartiennent à une seule famille ou à plusieurs, ou selon qu'il s'agit ou non d'un même type de bétail, du même âge ou d'âges différents. Chaque système dépend des variations saisonnières des ressources fourragères, de l'importance du troupeau, et du type de bétail. Selon que le système est individuel ou collectif, la concentration ou la dispersion des animaux varie, ainsi que le niveau auquel sont prises les décisions fondamentales quant à la gestion des ressources naturelles (voir en CADRE 2.14).

CADRE 2.14

Chez les Zaghawa du Tchad et du Soudan, tous les animaux d'un troupeau appartiennent à une même famille. Cependant, lorsqu'ils se déplacent d'un pâturage à l'autre en transhumance saisonnière, plusieurs troupeaux voyagent souvent ensemble, puis se séparent une fois arrivés à leur destination.6 Chez les Tonga de Zambie, les troupeaux sont gardés soit par les ménages individuels, soit par des groupes de ménages apparentés.7 Presque tous les groupes qui ont des troupeaux nombreux pratiquent une forme collective de conduite du bétail, car il faut pour cette tâche au moins deux ou trois adultes. Même dans les groupes où les troupeaux ne sont pas très grands, la conduite est souvent réalisée au niveau communautaire, soit par un berger local, soit par une personne embauchée. Cette pratique est particulièrement fréquente dans les sociétés agro-pastorales, comme les Wolof qui vivent le long du fleuve Sénégal8 et qui ont besoin de toute la main-d'oeuvre disponible pour les autres travaux agricoles. Un troupeau collectif appartient souvent à un groupe de ménages faisant partie d'une seule famille élargie (voir par exemple les Karamajong du Kenya9 et les Nyakyusa du sud-ouest de la Tanzanie10), ou d'un même clan (comme par exemple chez les Nuer du Soudan11 et les Rendille du Kenya12). Un troupeau peut aussi appartenir aux membres d'un groupe d'âge (chez les Kikuyu du Kenya,13 par exemple). Dans certains cas, les troupeaux collectifs se réunissent à certaines périodes de l'année, à l'occasion de cérémonies. Les Rendille et les Ariaal du Kenya ont l'un des systèmes de conduite les plus concentrés: il est composé de 2 à 5 groupes d'élevage, dont chacun comprend les troupeaux de plusieurs familles apparentées.14

Les éleveurs partagent souvent leur bétail en plusieurs troupeaux différents selon l'âge, le sexe, le type et la productivité des animaux. Il en résulte alors habituellement une "spécialisation par niche écologique", chaque type de bétail étant conduit au pâturage qui lui convient le mieux. La concurrence entre animaux pour les mêmes plantes s'en trouve réduite, ainsi que la pression sur les pâturages (voir en CADRE 2.15).

La conduite des troupeaux peut représenter un travail dur ou facile, selon son intensité et selon le type de bétail. Le système de conduite détermine à son tour dans quelle mesure l'utilisation du parcours peut être soumise à un contrôle (voir en CADRE 2.16). Le travail du pasteur comprend le "gardiennage" proprement dit et la "conduite".

Chez les Foulani de Mauritanie et du Sénégal, le berger garde le bétail en allumant des feux autour du camp la nuit, et en le surveillant sans cesse le jour. Il avance toujours contre le vent, pour permettre au bétail de reconnaître les prédateurs à l'odeur, et il marche toujours en tête du troupeau. La conduite est un art que les jeunes garçons apprennent lors de leur initiation et qui comprend des instructions relative au pâturage nocturne; à l'importance de ne jamais permettre au bétail de boire à midi, surtout pendant la saison sèche, et de toujours abreuver les animaux avant qu'ils ne mangent du sel; aux signes, aux cris, et aux chants qu'il faut connaître pour "parler" aux animaux.31 Le pasteur permet parfois aux animaux de conduire le troupeau pendant les 8 à 10 heures de pâturage quotidien, mais c'est toujours lui qui fixe la direction générale de leurs déplacements, et choisit les pâturages qu'ils fréquentent. On trouve des exemples de cette stratégie chez les Dinka de Kongor,36 et chez les Foulani.37 Le gardiennage est pratiqué surtout pour éloigner des champs cultivés les animaux qui pourraient s'égarer; pour protéger le bétail des animaux sauvages; et pour assurer au troupeau un bon pâturage et une source d'eau saine.

CADRE 2.15

La plupart des groupes divisent leurs troupeaux par type de bétail, car leurs besoins en fourrage et en eau sont différents. Habituellement, les bovins et les chameaux sont séparés des autres animaux, tandis que les ovins et les caprins restent ensemble. C'est ce que font, par exemple, les Somali pendant la saison sèche,15 les Rendille,16 et les Ariaal17 du Kenya. Le plus souvent, les bovins et les chameaux sont conduits dans des pâturages éloignés, tandis que les ovins et les caprins restent près du camp. Il peut y avoir cependant des exceptions: ainsi, les Pokot gardent les chameaux, les ovins et les caprins près de leur demeure toute l'année, mais conduisent les bovins en transhumance dans des endroits très éloignés;18 les Toucouleur, peuple agro-pastoral du Sénégal, permettent aussi bien aux bovins qu'aux ovins et aux caprins de paître séparément près du camp.19

Les Touareg du Niger pratiquent pendant la saison sèche un autre système de partage du troupeau par types de bétail,20 système que les Zaghawa du Tchad et les Kall du Soudan pratiquent toute l'année.21

Ces populations font paître les chameaux et les ovins d'un côté, les bovins et les chèvres de l'autre. Cela assure une excellente complémentarité, étant donné qu'il n'y a de concurrence en matière d'alimentation ni entre les chameaux et les moutons, ni entre les bovins et les chèvres. Il arrive également que l'éleveur partage le troupeau selon la productivité des animaux, c'est-à-dire en "troupeau laitier" et "troupeau principal". Le premier est gardé près de la demeure de l'éleveur et comprend normalement la plupart des vaches, chamelles, brebis et chèvres en lactation, ainsi que leurs petits non sevrés, et parfois aussi les femelles pleines vers la fin de leur gestation. Le troupeau "principal" comprend le reste du bétail. Il est généralement plus important que l'autre et est conduit dans des pâturages éloignés. Les populations pastorales qui pratiquent ce mode de partage sont nombreuses: citons, par exemple, les Foulani du nord du Sénégal,22 les Somali,23 et les Dinka du Soudan.24 Certaines populations agro-pastorales, comme par exemple les Foulani du nord du Burkina Faso,25 emploient la même méthode.

Dans certains cas; les animaux sont répartis en plus de deux troupeaux, selon plusieurs critères: le type de bétail, la productivité, et l'âge. Citons, par exemple, les Turkana,26 les Samburu,27 les Macina et les Foulani Diafaradji du delta du Niger. Chez ces deux derniers groupes, il peut y avoir jusqu'à six troupeaux: 1) "beydi", les vaches qui viennent de mettre bas ou qui sont pleines et les moutons âgés ou faibles, qui restent au village et sont gardés par les enfants; 2)"tarancaradji", les jeunes mâles et les femelles plus âgées destinés à la vente ou à l'abattage qui restent au village mais qui ne sont pas nécessairement gardés; 3) "njarniri", les mâles de diverses espèces qui sont destinés à l'engraissement et à l'abattage, et qui restent au village attachés à des poteaux; 4) "bucal", le reste des vaches et des chèvres qui allaitent leurs petits et qui sont gardées dans un pâturage communautaire reservé; 5) "bendi", analogue à "bucal", mais ne comprenant que les moutons, et 6) "horey", le surplus du troupeau principal qui est envoyé en transhumance.28

Enfin, il arrive que l'éleveur Turkana partage encore plus son troupeau, cette fois-ci pour donner à chacune de ses femmes, qui vivent dans des endroits différents, quelques têtes de chaque type de bétail.29 D'une façon générale, lorsque les éleveurs ne divisent pas leurs troupeaux c'est parce qu'ils n'ont pas assez d'animaux ou de pasteurs. Ainsi, les Wodaabe du Niger ne divisent leurs troupeaux que lorsqu'ils ont suffisamment de main-d'oeuvre.30

CADRE 2.16

Presque toutes les populations agro-pastorales gardent leurs troupeaux, au moins pendant la saison des pluies, pour protéger les champs cultivés. Citons par exemple les Ngoni de Fort Jameson dans le sud-est de la Zambie.32 Certains groupes, cependant, comme les Toucouleur du Sénégal,33 ne gardent jamais leurs troupeaux, sauf vers la fin de la saison sèche lorsqu'il devient nécessaire de couper le fourrage pour les nourrir. Ils protègent leurs cultures à l'aide de haies et grâce à la vigilance des enfants. La plupart des transhumants qui ne pratiquent pas l'agriculture gardent leurs troupeaux à plein temps. Il existe cependant quelques exceptions: les Zaghawa du Tchad et du Soudan ne gardent les bovins que pendant la saison des pluies (pour éviter que leurs animaux ne détruisent les cultures des paysans voisins), et lorsque les prédateurs sont nombreux; les ovins et les caprins sont toujours gardés à cause des prédateurs et des voleurs.34 A cause de la pénurie de main-d'oeuvre, les Touareg du Niger ne gardent pas leurs troupeaux pendant la saison sèche, même pour les abreuver (les animaux vont s'abreuver eux-mêmes tous les deux jours); les chameaux sont conduits au pâturage, laissés seuls pendant une semaine, et ensuite rassemblés et abreuvés, tandis que les ovins sont gardés en permanence.35

En fait, le contrôle qu'exerce l'homme sur les animaux dépend dans une large mesure du rapport entre le nombre de pasteurs et le nombre de têtes de bétail, et de l'aptitude de chaque individu à ce travail (voir en CADRE 2.17). Par exemple, chez les Samburu, les pâturages les plus éloignés sont sous-utilisés parce que seuls les meilleurs éleveurs et les plus énergiques y conduisent leur bétail.38 Les règles de la conduite du bétail, qu'elles soient formelles ou non, ne sont pas nécessairement respectées par tous, car chaque individu conduit son bétail comme bon lui semble. Tous n'ont pas la même habileté ni la même expérience dans le domaine de l'élevage. Il arrive qu'un éleveur soit plus paresseux que les autres ou qu'il prenne de mauvaises décisions plus souvent que les autres. Chez les Samburu, le bon gestionnaire est respecté, mais on évite le mauvais, et "tous sont au courant des succès et des échecs de chacun".39

En principe, les éleveurs d'un même groupe social peuvent utiliser librement n'importe quelle partie de leur territoire. Cependant dans la pratique, chacun reste sur les parcours qu'il connaît le mieux, avec les mêmes gens, et en particulier avec les membres de sa propre famille élargie. Cela garantit une certaine continuité dans la gestion des parcours. Néanmoins, les stratégies de conduite peuvent changer lorsqu'une personne arrive dans une nouvelle région. Ainsi, chez les Foulani du nord du Sénégal, les nouveaux venus gardent leurs animaux dans un enclos de peur de les perdre. Ils les laissent libres après un certain temps, lorsqu'ils jugent que les animaux et leurs pasteurs connaissent désormais suffisamment bien la région.43 Certains chercheurs estiment que les populations agro-pastorales, qui vivent presqu'entièrement de l'agriculture, s'intéressent moins que les éleveurs à la qualité et à la composition de leurs troupeaux. Par exemple, les troupeaux des Gogo et des Sukama, populations agro-pastorales du Kenya, contiennent moins d'animaux castrés que ceux des populations pastorales Sebei et Karamajong.44 Il n'est cependant pas certain que cette différence dans la qualité de la gestion du bétail fournisse une indication quant à la qualité de la gestion des parcours. On trouve également des différences de gestion entre différents groupes. Ainsi les Touareg et les Foulani du nord du Burkina Faso ont des modes de conduite différents lorsqu'ils se trouvent dans des pâturages nouveaux, inconnus. Les Touareg conduisent le bétail au pâturage une fois, "pour lui montrer", et ensuite le laissent paître tout seul; mais ils subissent souvent de grosses pertes parce que les animaux tâchent de rentrer ou bien ne trouvent pas le fourrage qui leur convient. Les Foulani perdent rarement leurs animaux parce qu'ils restent avec eux et les obligent à demeurer dans le même pâturage jusqu'à ce qu'ils y soient habitués.45

CADRE 2.17

Le rapport entre le nombre de gardiens et celui dés têtes de bétail varie considérablement d'une société d'éleveurs à une autre. Il dépend d'une série de facteurs: mode de conduite (collectif ou individuel), taille des animaux, conditions locales (surtout pour ce qui est des prédateurs et de la concurrence des cultures ou des autres troupeaux). Toutefois, certaines normes sont reconnues et appliquées. Ainsi, les Somali prétendent qu'il faut moins d'effort pour abreuver un troupeau de chameaux, mais plus pour les conduire et les rassembler, étant donné que les chameaux se déplacent plus fréquemment et sur des distances plus grandes que les bovins. Ils estiment qu'un seul homme peut garder 20 à 30 chameaux, ou 50 bovins; un enfant peut s'occuper de 20 ovins ou caprins.40 Les Foulani du Nigéria central estiment qu'un seul pasteur peut s'occuper de 150 têtes de bétail, mais qu'il vaut mieux ne pas dépasser 75 à 100 têtes.41 Au Soudan, les Ingessana, population agro-pastorale, estiment qu'il faut un gardien pour 25 à 30 animaux; les Foulani (qui sont dans la région depuis relativement peu de temps) ont un gardien pour 50 à 60 têtes de bétail, et les Rufa'a al-Hoi en ont un pour 100 têtes.42

Le système de répartition des tâches pour les activités d'élevage, et la division du travail par âge et par sexe déterminent l'identité de ceux qui prennent les décisions à la base, et qui sont véritablement chargé de la gestion et donc responsables de l'utilisation des ressources naturelles au jour le jour. Dans la plupart des cas, les hommes et les jeunes garçons sont chargés de la conduite et de la garde des bovins et des chameaux, tandis que les femmes et les jeunes filles sont chargées de garder les ovins et les caprins et de traire tous les animaux à lait. Citons, par exemple, les sociétés agro-pastorales Kikuyu,46 les populations pastorales Rendille,47 les Pokot,48 et les Tonga de la Zambie.49 Dans certains cas cependant, les femmes ont une responsabilité plus grande, ou moins grande, par rapport à cette norme, et les jeunes garçons peuvent être seuls responsables, ou bien n'avoir qu'une responsabilité réduite (voir en CADRE 2.18).

Nous avons très peu de renseignements sur l'organisation du travail au sein des groupes d'éleveurs et sur la répartition des différentes tâches. Chez les Dinka du Kongor Rural Council, au Soudan, les hommes qui gardent le troupeau "principal" s'organisent en groupes de quatre à six personnes et se relaient pour garder le troupeau collectif.50 Dans une étude sur les Nyakyusa du sud-ouest de la Tanzanie, on note que les garçons entre six et dix ans gardent le bétail près du village. Ces enfants forment une véritable communauté à part, avec ses propres lois, ses coutumes et ses chefs. Les chefs sont choisis au cours d'une bataille, et sont chargés de trancher les disputes et de distribuer les tâches aux membres du groupe (ramassage du bois de feu, recherche des animaux égarés, etc.).51 Il serait utile d'entreprendre des recherches détaillées sur cet aspect important de l'organisation interne des sociétés vivant de l'élevage.

Le rôle des femmes dans l'élevage a longtemps été négligé, du fait surtout que les chercheurs ont toujours supposé que les hommes sont responsables du bétail tandis que les femmes s'occupent des cultures. Or, il n'en est pas toujours ainsi (voir en CADRE 2.18). Les femmes Somali préfèrent l'élevage à l'agriculture parce qu'elles trouvent le travail physiquement moins pénible.52 Il se pourrait que les femmes commencent à jouer un rôle plus important dans l'élevage à mesure que les hommes abandonnent l'économie pastorale, attirés par la vie du salarié urbain. Il faudrait entreprendre de nouvelles recherches dans ce sens. Il serait intéressant en particulier de savoir dans quelle mesure les femmes qui ont assumé la responsabilité du bétail agissent indépendamment des hommes, comment elles s'assurent les droits de pâturage, et si leurs SLCG diffèrent de ceux des hommes.

CADRE 2.18

Certaines sociétés, telles que les Foulani du Nigéria,53 ne permettent aux femmes aucun contact avec les animaux, sauf pour traire le lait. Par contre, chez les Somali de la région de Bay, les femmes sont chargées de la conduite des ovins, des caprins et des bovins parce que ce sont elles et leurs enfants qui ont besoin du lait et qui l'utilisent; ce sont les enfants, filles et garçons, qui s'occupent du gardiennage, mais ce sont les femmes qui prennent les décisions importantes. Les femmes Somali ne sont pas responsables des chameaux, mais il arrive souvent qu'elles en gardent de petits groupes sans l'assistance d'un homme, ou qu'elles voyagent avec les hommes pour les aider à les abreuver et les garder.54 Dans de nombreux groupes, les jeunes garçons sont responsables des petits animaux (ovins, caprins et veaux) tandis que les hommes s'occupent des animaux adultes. Chez les Samburu, seuls les hommes d'un certain âge peuvent abreuver les animaux, parce que les jeunes doivent conserver leur énergie pour conduire le troupeau, et les hommes adultes savent mieux maîtriser les animaux lorsqu'ils sont agités.55 Dans la plupart des cas, les hommes abreuvent le bétail, mais chez les Turkana, ce sont les jeunes filles qui sont chargées de cette tâche.56 Certains chercheurs prétendent que les jeunes garçons (et vraisemblablement les jeunes filles aussi) sont moins soigneux dans les travaux de conduite du bétail et d'aménagement des parcours.57 Aucune généralisation n'est possible pour l'instant car nous ne disposons pas de données suffisantes pour savoir si les hommes sont de meilleurs gestionnaires que les jeunes garçons, ou les femmes que les hommes.


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