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Croissance et dynamisme des petites entreprises rurales: les carences de l'information

par

Enyinna Chuta
Modibbo Adama College
Université de Maiduguri, Nigeria

Introduction

La littérature existante sur la petite industrie abonde en informations empiriques sur les aspects statiques du secteur. La majeure partie des renseignements concernant l'étendue, la composition, les caractéristiques, les proportions factorielles, les tendances de la consommation, etc. sont fondées sur des données basées sur une coupe statistiques (FAO, 1985). Il n'existe pas de données extraites de séries chronologiques concernant le secteur pour la plupart des pays en développement. C'est pourquoi les analyses touchant le dynamisme et la croissance des petites entreprises rurales n'ont pas fourni de résultats particulièrement prometteurs. La formulation de politiques et l'élaboration de projets et de programmes se sont fixées comme objectif la création d'emplois à court terme sans bien comprendre leurs répercussions à long terme.

L'information limitée disponible sur les taux de croissance ne se présente pas sous la forme d'une série chronologique continue. Les taux de croissance positifs calculés à partir de séries chronologiques discontinues, notamment pour deux moments différents en Sierra Leone (Chuta et Leidholm, 1982), sont souvent contredits par des taux d'attrition élevés tels ceux observés en Inde (Nag, 1980). Un certain nombre de preuves démontrent que maintes entreprises artisanales en Inde n'ont pu survivre que grâce à des subventions gouvernementales considérables. Les quelques données concernant les taux de croissance que l'on cite souvent pour la Corée du sud, Taiwan et les Philippines sont trop rares pour être fiables. Ainsi que l'observe clairement l'OIT "on connaît encore très peu de choses sur des aspects tels que le taux de mortalité des petites entreprises rurales, les conditions de leur succès et de leur expansion ou les raisons de leur faillite" (OIT, 1984).

La présent article se propose de centrer l'attention sur certaines lacunes de l'information qui devront être comblées si l'on veut affronter les questions de croissance et de dynamisme du secteur. Les thèmes qui seront analysés porteront sur les coûts unitaires minimaux, la gestion, la productivité de la main-d'œuvre, et la demande.

Coût unitaire de la production

Bien souvent, les critères servant à évaluer la viabilité économique ou financière des petites entreprises comprennent les taux de rentabilité de l'entreprise/main-d'œuvre familiale/propriétaire et les taux de bénéfices dégagés de l'investissement. Alors que le premier est généralement comparé au coût de substitution de la main-d'œuvre pour en évaluer l'efficacité, le taux de rentabilité de l'investissement indique l'étendue du gain réalisé compte tenu du taux d'intérêt du moment. Malheureusement, il n'est pas clairement indiqué si les taux anormalement élevés de rentabilité observés chez les petites entreprises découlent d'un investissement faible ou d'autres raisons.

Ces taux élevés que l'on constate ne sont pas compatibles avec l'exiguité des réinvestissements de ces entreprises. De même les bénéfices ne se traduisent pas en un accroissement de la production, des dépenses ou de l'investissement. Il faudrait probablement avoir recours à d'autres critères pour évaluer la viabilité à long terme des petites entreprises.

Un des critères qui pourrait être utilisé pour évaluer le potentiel de croissance est le concept de l'entreprise optimale, à savoir une entreprise compétitive opérant à un niveau où dans les conditions de technique et de capacité d'organisation existantes, les coût moyens de production sont le plus faibles, une fois inclus tous ceux devant être couverts à long terme. Le critère du coût unitaire de production le plus faible devrait servir pour vérifier la validité du critère du taux de bénéfice lorsqu'on évalue la viabilité de différentes technologies ou entreprises. Une analyse du Tableau 14 montre que si l'on voulait classer par exemple les différentes techniques de panification pratiquées en Sierra Leone par rapport à leur taux de rentabilité, la technique à plus fort coefficient de main-d'œuvre, à savoir le four traditionnel, se placerait au deuxième rang alors que, en termes de coût unitaire de production, sa performance est médiocre et qu'il pourrait fort bien ne pas supporter à longue échéance la concurrence du marché. Un corollaire important qui se dégage de ces observations est que l'emploi excessif de main-d'œuvre pourrait s'avérer improductif car le chapitre salaires du budget augmenterait exagérément au détriment de la rentabilité. De même, une intensité excessive de capital pourrit porter à des surcroîts de capacité et à des gaspillages économiques.

Tableau 14: Production à court terme et coûts relatifs pour les boulangeries de la Sierra Leone (1974/75)


Indicateurs

Technologie

Valeur du rendement brut (Le)1/

Coût total (Le)

Taux de bénéfice

Coût unitaire

% Classement

(Le)

Classement

Four à thermostat

150 000

146 000

3

4

.97

4

Four chauffé au rouge (dans la capitale)

75 000

66 600

19

3

.88

3

Fours à plusieurs étages (dans la capitale)

113 500

117 700

-10

6

1.03

6

Four à plusieurs étages (dans la province)

32 500

27 600

.7

5

.85

2

Four à pelle rotative

28 400

18 200

272

1

.64

1

Four traditionnel

4 200

4 100

24

2

.98

5


Source:

Adapté de Chuta et Liedholm: "Employment and growth in small-scale industry", Londres, Mcmillan, 1985, Tableau 7.6, p. 125.

Note:

1/ Le = leone (unité monétaire de la Sierra Leone).
2/ Les coûts totaux comprennent ceux de la matière première, du capital annuel, de la main-d'œuvre, etc.

En vue d'obtenir les coûts unitaires à long terme des petites entreprises de la Sierra Leone, il a été procédé à une projection jusqu'en 1985 des données concernant le rendement de 1974/75 en utilisant le système de la programmation linéaire (Chuta, 1977). Des suppositions réalistes ont été formulées en ce qui concerne le taux d'accroissement démographique, l'élasticité de la demande en fonction du revenu pour les produits de diverses petites entreprises et le taux de croissance annuel du PIB par habitant. Le Tableau 15 donne les coûts unitaires de production prévus pour des entreprises représentatives dans l'industrie de la menuiserie. Ainsi qu'on pouvait s'y attendre, le modèle de programmation linéaire a choisi les entreprises optimales dans deux positions intermédiaires pour représenter la production du pays tout entier.

Tableau 15: Coût unitaire à long terme et sélection de l'entreprise optimale dans l'industrie de la menuiserie en Sierra Leone.

Position

Caractéristiques
représentatives de l'usine

Coût unitaire
courant (Le)

Nombre d'entreprises
optimales

Ville de plus de
120 000 habitants

Petits outils

.72

-

Grandes machines

.27

-

Ville de 20 000 à
100 000 habitants

Petits outils

.18

432

Petits outils

.37

-

Grandes machines

.31

-

Villes de 2 000 à
20 000 habitants

Petits outils

.41

-

Petits outils

.10

746

Petits outils et petites machines

.21

-

Villes de moins de
2 000 habitants

Petits outils

.45

-

Petits outils

1.90

-

Petits outils

1.10

-


Notes:

1/ Les coûts unitaires sont ceux de la main-d'œuvre et du capital.
2/ Noter l'étendue de la gamme des coûts unitaires pour des entreprises utilisant le même type de matériel de base.

D'une importance fondamentale est la question de savoir pourquoi certaines enteprises sont en mesure de produire avec de faibles coûts unitaires alors que d'autres en sont incapables. Du point de vue de la théorie économique, il existe des forces techniques (rapport facteurs de production-rendement), financières, de gestion et de commercialisation qui exercent une influence sur la capacité des entreprises de réaliser l'opération optimale. Celles qui tentent d'instaurer un équilibre entre les différents optimums sont souvent les plus viables.

Cependant, il est clair qu'il pourra y avoir des conflits entre les opérations ayant les meilleurs niveaux techniques et celles dont la gestion est la plus performante. Ainsi, dans le secteur de la petite entreprise de certains pays en développement il existe un déséquilibre prononcé entre l'optimum technique et l'optimum de la gestion en faveur du premier. Il en résulte que certaines entreprises utilisent un équipement sophistiqué sans pour autant tenir une comptabilité précise de leurs transactions commerciales. Certains propriétaires possèdent plusieurs établissements industriels sans avoir la capacité de gestion voulu pour en contrôler et en évaluer la performance. Nous reviendrons plus tard sur le problème de la gestion.1/ Quoi qu'il en soit, pour la plupart des petites entreprises (notamment les unités rurales) l'étroitesse du marché ou de la demande donne lieu à des excès de capacité de sorte qu'aucune des forces théoriques qui déterminent la taille optimale ne pourra jamais atteindre un niveau raisonnable.

1/ Cf. Sahlin (Dans cette publication).

Amélioration de la capacité de gestion

Stewart (1966) utilise la formule Harrod-Domar et définit le taux de croissance comme étant égal au taux de l'épargne en supposant une augmentation constante du rapport capital-rendement. En outre, le taux de l'épargne est estimé être fonction de quatre facteurs, à savoir les économies, l'investissement, la capacité d'absorption et la volonté d'investir. Au micro niveau de l'entreprise, le facteur capacité d'absorption est vital car il porte sur des questions d'aptitude à la gestion, d'administration et de compétences techniques sans lesquelles les taux de rentabilité baisseraient et la volonté d'investir cesserait d'exister. Il en découle qu'aucune évaluation de la viabilité ne sera complète si elle n'affronte pas les questions de capacité d'absorption des entreprises individuelles. Conscients de ce fait, Stewart et Streeten ont souligné l'importance d'une gestion améliorée dans leur analyse des échanges dynamiques entre le rendement et l'emploi. Lorsque s'améliore la capacité d'absorption non seulement n'y a-t-il pas d'échange mais le rendement augmentera plus rapidement que l'emploi ce qui déterminera à long terme une possibilité de croissance.

Malheureusement, les informations concernant la gestion sont très rares et celles qui existent tendent plutôt vers la spéculation (Chuta, 1983). Les données concernant les années d'enseignement scolaire, la tenue des registres, etc. ne fournissent pas assez d'éclaircissements sur la capacité des petits entrepreneurs d'identifier les lignes de production rentables, de mobiliser et d'investir des capitaux, d'évaluer leur gestion financière et de chercher et obtenir des informations susceptibles de leur permettre des améliorations. Il faudra s'efforcer de mieux comprendre les aspects portant sur la gestion financière des entreprises par rapport à leur fonctionnement, leur niveau de liquidité et leur stabilité à long terme. On pourrait élaborer une série d'indices analytiques d'une gestion financière améliorée en vue d'évaluer la viabilité et la performance des entreprises existantes.

Utilisation d'un tour à moteur

Pour combler les lacunes de l'information sur la gestion il conviendra de mener une enquête systématique des activités de gestion des petites entreprises aux fins de corriger les anomalies existantes. Cette étude pourrait commencer par examiner comment les entrepreneurs affontent leur problèmes. Si un chef d'entreprise se heurte à des problèmes de fonctionnement portant sur la technologie, le contrôle des stocks, la gestion et le contrôle des opérations et les financements, il sera indispensable de savoir comment il s'y prend pour résoudre ces problèmes.

En outre, on devra examiner les techniques de récolte d'information utilisées par l'entrepreneur. Un propriétaire d'entreprise qui réussit saura comment rassembler, traiter et utiliser l'information. Il est attendu que cet entrepreneur s'attache à résumer et interpréter les informations recueillies à l'intérieur et à l'extérieur de l'organisation et en analyser les effets sur le fonctionnement de l'entreprise. La manière dont il utilise les informations se reflétera en partie sur l'établissement de son budget.

En outre, on entreprendra l'évaluation d'autres procédures telles que le choix ou la classification des priorités et le calcul des prévisions. Le processus de prise de décisions suivi par l'entrepreneur sera également examiné. On étudiera toutefois ce processus dans le cadre des buts et des objectifs poursuivis par l'entreprise.

La réalisation proprement dite des buts ou des objectifs établis comporte la détermination de l'horizon de planification et la mesure de l'engagement de l'entrepreneur à atteindre les buts et objectifs visés. Voici quelques questions importantes qu'on pourrait se poser: quels sont les types de plans que dressent les petits et moyens entrepreneurs? Jusqu'où ces plans se prolongent-ils dans l'avenir? Les réponses à ces questions révéleront s'il s'agit de plans formels ou informels, opérationnels, à moyen ou à long terme. Il sera également important d'approfondir la structure de l'organisation ainsi que les différents mécanismes de contrôle et de coordination auxquels recourent les petits entrepreneurs, Enfin, on étudiera des méthodes visant à évaluer la performance des organisations par rapport aux objectifs fixés.

Amélioration de la productivité de la main-d'œuvre

Des informations limitées sur les taux d'accroissement de l'emploi ne suffisent pas pour cerner les problèmes concernant la croissance et le dynamisme du secteur des petites industries. Il faut également vérifier quels ont été les taux de croissance du rendement effectif. L'état actuel des connaissances sur le rapport intrants-rendement est demeuré au stade de l'analyse comparative statique. Ainsi, l'information disponible ne porte que sur l'efficacité à court terme de l'exploitation des ressources ainsi que le démontrent les coefficients de productivité marginaux d'intrants fondamentaux tels que le capital et la main-d'œuvre. On n'a déployé que très peu d'efforts pour contrôler le taux de variation du rendement par rapport au temps, compte tenue des changements dynamiques dans les volumes de capital et de main-d'œuvre engagés. Bien qu'il existe des outils mathématiques pour ces investigations, il n'est pas clair pourquoi on s'est toujours limité à l'analyse comparative statique.

En outre, Stewart et Streeten mettent à juste titre en évidence les échanges dynamiques qui porteront soit à sacrifier des accroissements futurs du rendement en vue de diminuer la productivité et augmenter l'emploi dans l'immédiat, soit à accepter un emploi moindre et davantage de productivité maintenant en vue d'augmenter l'emploi dans l'avenir. On peut établir que si les taux d'accroissement tant en ce qui concerne l'emploi que le rendement sont positifs pour le secteur, les risques d'un échange quel qu'il soit seront éliminés. Si de faibles taux d'accroissement de l'emploi sont associés à des taux déclinants du rendement effectif, les perspectives d'une contribution future du secteur à l'économie nationale pourraient s'avérer bien maigres. En tenant compte des taux d'accroissement de l'emploi et du rendement effectif, on pourra définir l'orientation de la productivité de la main-d'œuvre. Des taux de croissance positifs de l'emploi, même s'ils sont très élevés mais ne sont pas accompagnés d'une augmentation de productivité de la main-d'œuvre, ne constituent pas un signe de bonne santé pour le développement futur de l'économie.

Un examen des gains de productivité de la main-d'œuvre mettra en évidence le processus de modernisation nécessaire pour augmenter l'efficacité des petites entreprises et les rendre, de ce fait, plus compétitives et, partant, moins dépendantes vis-à-vis de l'aide. Moderniser est pris ici dans le sens de créer des occasions d'utiliser à la fois de petits outils et du matériel simple à moteur et des mécanismes de gestion améliorés. Il est important d'identifier les petites entreprises et les processus qui appellent une modernisation et savoir à quelles étapes de la production l'appliquer. Les critères permettant de choisir les produits à moderniser pourraient se fonder sur l'orientation de la demande, la nature des matières premières, la disponibilité de l'infrastructure nécessaire (électricité) et l'efficacité des techniques couramment utilisées par les petites entreprises.

Tableau 16: Tendances des importations de produits artisanaux en bois en provenance des pays de l'Asie du sud-est.

Pays importateur

Pays exportateur

Chine1

Chine2

Inde

Hong-Kong

1979

1983

1979

1983

1979

1983

1979

1983

Japon (106 Yen)

4 229

8 079

228

1 102

158

80

-

-

Etats-Unis (106 $E.U.)

26.5

37

-

-

2.8

1.5

1.1

1.4

Suisse (106 E.U.)

.01

.6

.1

.1

.2

.2

.0

.1

Suède (106 E.U.)

1.1

.8

.3

.1

.1

.1

-

-

Norvège (106 $E.U.)

1.1

.6

-

-

.0

.0

.1

.0

Autriche (106 $E.U.)

.3

.6

.0

.0

.9

.0

-

-


Source: Kashuria, S. op. cit.

Notes:

1/ Chine1 - République de Chine (Taiwan).
2/ Chine2 - République populaire de Chine.

Il est également important de procéder avec circonspection afin de ne pas s'engager dans la voie de l'intensité exagérée de capital. L'objectif souhaitable devrait viser à atteindre le plus haut niveau possible de productivité de la main-d'œuvre sans diminuer pour autant exagérément l'emploi.

Le cas de la Chine est fort intéressant. De 1954 à 1984, l'apport du secteur de l'artisanat au PNB a crû de 0,10 à 7,9 pour cent avec une amélioration de la qualité des produits et une diminution des coûts. Ces gains ont été réalisés moyennant un processus accéléré de mécanisation mais au prix d'un chômage temporaire pour les ouvriers déplacés qui étaient normalement formés à de nouveaux emplois. Il est estimé que le processus de modernisation, notamment en milieu rural, est généralement difficile à mettre en oeuvre sans qu'ait été améliorée auparavant ou simultanément la fourniture de courant électrique nécessaire au fonctionnement de petits outils à moteur. Il faut toutefois bien tenir compte du fait que la fourniture d'électricité dans des zones reculées comporte de fortes dépenses budgétaires et un développement des infrastructures. Ainsi, la quantité d'électricité à distribuer aux zones rurales détermine le coût des services à charge des artisans ruraux.

A part la fourniture de courant et des pratiques de gestion améliorées, des gains de productivité de la main-d'œuvre peuvent également être obtenus en perfectionnant les aptitudes techniques en cours d'emploi et en réorganisant le système de production.

Perspectives de la demande

La demande des produits des petites entreprises revêt une importance vitale en ce qui concerne leur croissance. Ainsi qu'il a été justement souligné, les coefficients d'élasticité de la dépense constituent une indication concernant les produits ayant un potentiel de marché quand le pouvoir d'achat augmente. Malheureusement les données empiriques dont on dispose se limitent à quelques pays qui n'ont eu qu'une brève expérience de développement de la petite industrie. Il faudrait avoir davantage d'informations détaillées de pays tels que l'Inde, la Chine, Taiwan et Singapore qui ont eu une expérience analogue.

Dans ces pays ont eu lieu des modifications structurelles de la demande, certaines lignes de produits dans des industries spécifiques ont disparu alors que d'autres sont apparus, des adaptations ou des améliorations ont été apportées à certains produits en réponse à des changements dans la demande, de nouveaux articles ont été conçus pour satisfaire de nouveaux besoins en matière de logements, construction, décoration d'intérieur, transport, construction navale, montage de voitures et tourisme. Une nomenclature semblable d'expériences pour des pays donnés permettrait de préparer des projets pour de petites industries forestières ayant des perspectives de croissance. Ainsi, alors que semblent être en voie de déclin les objets de bois sculpté et la menuiserie traditionnelle, d'autres lignes de produits, tels que les jouets en bois, les tableaux noirs, les articles de sport, les cadres pour photos, les boîtes à bijoux, les cure-dents, les crayons, le papier, etc. pourraient faire l'objet d'une demande croissante. Il faudra mesurer l'étendue du marché potentiel pour les nouveaux produits des petites industries de traitement des matières forestières.

Quelques exemples de jouets en bois - une demande croissante

Tableau 17: Résumé des considérations portant sur la croissance et le dynamisme des petites entreprises

1. Quels sont les indicateurs d'un potentiel de croissance et de viabilité?

- Faibles coûts unitaires de production
- Preuves d'une gestion efficace
- Procédés et produits susceptibles de modernisation, adaptation et transformation en réponse à des besoins changeants
- Bonnes perspectives de demande au niveau national (établissements scolaires, organismes paraétatiques, institutions gouvernementales, ménages) et au niveau international (dans le cas de produits d'artisanat de haute qualité)

2. Quels sont les types d'entreprise qui peuvent présenter de semblables indicateurs?

- Entreprises artisanales rurales et urbaines produisant des jouets, du matériel pédagogique, des crayons, des gommes, des cure-dents, des allumettes, etc.
- Petits ateliers urbains de fabrication de meubles, de tapisserie et d'ébénisterie.
- Petits ateliers ruraux produisant du bois scié, des outils agricoles, du papier fait à la main, du contre-plaqué, etc.

3. Quelles sont les formes d'intervention nécessaires pour réaliser la croissance et la viabilité?

- La productivité de la main-d'œuvre, l'accent étant mis sur les mesures citées ci-dessous par ordre de priorité:
* développement des aptitudes à utiliser de petits outils et machines;
* fourniture d'outils et d'équipement approprié;
* formation à la gestion en vue de développer des attitudes correctes de gestion, la capacité d'analyse et le concept de rentabilité;
* le crédit associé à la fourniture d'outils, d'équipement et de matériel;
* des infrastructures, notamment l'électrification, pour permettre l'usage de machines;
* recherche de marché et développement du produit pour satisfaire des besoins et des conditions changeantes.


Etant donné que les coefficients d'élasticité de la demande disponibles pour les produits des petites entreprises se fondent sur des informations basées sur une coupe statistique il conviendra d'en éprouver le bien-fondé au moyen de données tirées de séries chronologiques aux fins d'en évaluer les perspectives de croissance. Il est probable que des informations aussi dynamiques ne seront pas disponibles pour un grand nombre de pays et pour un produit,

Cependant, les données obtenues du Kenya révèlent d'importantes tendances. Bien que le charbon de bois soit un combustible utilisé presque universellement pour cuisiner et se chauffer, son potentiel en tant qu'activité rentable a été dans le passé extrêmement faible. Ainsi entre 1967 et 1978 la demande de charbon de bois est tombée respectivement de 62 000 m3 aux alentours de 36 000 m3 avec une demande maximale d'environ 162 000 m3 en 1973. (Freeman et Norcliffe, 1985). Pendant la même période, il y a eu une demande croissante presque constante de bois de résineux et de feuillus, ce qui indiquait que des produits tirés de ces essences avaient de bonnes perspectives de développement.

Des projections de la demande fondées sur des suppositions réalistes peuvent également illuminer les perspectives futures. Par exemple, les rares informations sur les prévisions de la demande au Nigeria entre 1974 et 2000 montrent que la consommation de bois des usines de transformation de bois rond en poteaux augmenterait de 12 000 m3 à 360 000 m3 tandis que la consommation de bois des fabriques d'allumettes passerait de 12 000 m3 à 120 000 m3 en supposant une augmentation annuelle de la demande de 6 pour cent (FAO, 1983).

Il faudrait également tenir compte de la demande extérieure de produits ligneux. Malheureusement, les informations nécessaires risquent de faire défaut pour la plupart des pays en développement. Les données concernant certains pays asiatiques révèlent un certain nombre de tendances importantes (cf. Tableau 16). Kathuria (1985) souligne qu'il y avait en 1983 un marché d'environ 30 millions de dollars pour les produits d'artisanat en bois comprenant des moulures, des sculptures, des boîtes à bijoux, des cadres, des utensiles et des paniers. En ce qui concerne les objets d'artisanat en bois, les boîtes à bijoux ont obtenu le plus grand nombre de ventes, Taiwan étant à la tête du marché. Le Mexique occupe le deuxième rang après Taiwan comme fournisseur mondial de produits d'artisanat en bois. Pour ce qui est du dynamisme, les témoignages venant de l'Asie du sud-est indiquent que les perspectives y sont prometteuses. Dans la plupart des cas, la valeur des importations a augmenté pour les deux moments examinés dans les quatre pays de l'Asie du sud-est. Ainsi, la production artisanale d'objets en bois non seulement crée des emplois mais constitue également une source de devises.

Conclusion

Avant de formuler des déclarations définitives sur la croissance des petites entreprises, il faudra mener des recherches plus approfondies pour compléter les carences d'information. L'objectif minimal vers lequel on devra tendre consistera en des études et analyses comparatives statiques pour les pays ayant des données fiables. Les études nécessaires couvriront des régions géographiques et des pays, et porteront également sur les produits. Un examen approfondi de la gestion, de la productivité, des coûts de production et des aspects de la demande méritera une attention spéciale.

On peut bien sûr influencer les perspectives de croissance, mais il convient de se concentrer tout d'abord sur les types d'entreprise qui, en vertu de leurs caractéristiques, ont une "prédisposition" à la croissance. Au Tableau 17 figurent des indicateurs, des exemples d'entreprises en expansion et des interventions possibles visant la promotion de la croissance et de la viabilité.

Bibliographie (Chuta)

Chuta, E. 1977 "A Linear Programming Analysis of small-scale industries in Sierra-Leone", an unpublished Ph.D. thesis, M.S.U. East Lansing.

Chuta, E. et C. Liedholm. 1982 "Employment growth and change in Sierra Leone small-scale industry, 1974-1980." International Labour Review, Vol. 121.

Chuta, E. 1983 "Upgrading the Managerial process of small entrepreneurs in West Africa" in Public Administration and Development, Vol. 3.

FAO. 1983 "Forest Industries in Nigeria" Project NIR/77/008 Document de terrain No. 18, Rome.

FAO. 1985 "The contribution of small-scale forest-based processing enterprises to rural non-fram employment and income in selected developing countries", Rome.

Freeman, D.B. et Glen. B. 1985 Norcliffe. "Rural Enterprise in Kenya" The University of Chicago.

ILO. 1984 "Cottage Industries, Handicrafts and Non-farm Employment", Progress Report No. 1. World Employment Programme, Genève, mars, 1984.

Kathuria, S. 1985 "Indian Handicrafts: Constraints and Prospects". Indian Council for Research on International Economic Relations, Working Paper 21, New Delhi.

Nag, A. 1980 "Small industries: Aspects of their mortality" in The Economic Times (New Delhi), 6 octobre 1980.

Stewart, F. et Paul Streeten. "Conflicts between output and Employment objectives in Developing Countries", in Oxford Economic Papers, Vol. 23, No. 2.

Stewart, F. 1982 "Technology and Underdevelopment", London, The Macmillan Press Ltd.


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