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Avant-propos

La foresterie communautaire, se distingue par l'accent mis sur l'élément humain — les populations cultivant et gérant sur une base soutenable des arbres ou des ressources forestières qui leur appartiennent en propre. Une telle approche exige des forestiers qu'ils s'engagent dans une démarche de collaboration avec les membres de la communauté, et qu'ils intègrent leurs compétences professionnelles et leur formation au fonds de connaissances et de ressources fourni par les populations locales, servant ainsi plus complètement les besoins des communautés rurales. On attend de cette approche qu'en mettant l'accent sur les hommes, en tant qu'utilisateurs finaux des arbres, plutôt que simplement sur les arbres et leurs usages, elle permette aux forestiers de réussir à faire de la foresterie un facteur du développement rural.

La présente étude a été entreprise pour mieux cerner certains aspects institutionnels de la foresterie sahélienne et, sur la base de cette recherche, pour définir un schéma formant le cadre d'une analyse des activités de gestion du capital forestier. L'ouvrage tire sa source, il est vrai, de quatre études de cas de projets forestiers lancés au Niger au cours des deux dernières décennies, mais le schéma analytique ainsi formulé a des applications beaucoup plus étendues. En fait, nombre des conclusions, parmi les plus importantes, ne sont pas le moins du monde liées au site ou au projet considéré.

Deux aspects majeurs émergent de cette approche institutionnelle appliquée à la compréhension des incitations entrant en jeu dans la foresterie communautaire. Tout d'abord, il est nécessaire d'accorder une attention toute particulière aux diverses caractéristiques économiques des arbres figurant dans les projets de gestion des ressources forestières. Ces caractéristiques (ce que l'auteur appelle «les attributs des biens et des services») sont chargées d'implications majeures concernant les types d'organisations les mieux adaptées à leur gestion. Les arbres peuvent être, de par leur nature, des «biens privés», des «ressources d'usage commun», ou des «biens publics». Tout dépend à la fois de la mesure dans laquelle on peut contrôler l'accès aux arbres et l'accès aux biens et services qu'ils fournissent, ainsi que des caractéristiques de la consommation de ces biens et services — séparable et compétitive, ou conjointe et non compétitive. Si l'on conçoit des systèmes de gestion des ressources forestières dans lesquels des arbres qui sont, de par leur nature, des biens privés sont traités comme des ressources d'usage commun, on soulève des difficultés de gestion et provoque une consommation inutile des ressources. Les arbres peuvent fournir des services de protection de l'environnement, tels que la lutte contre l'érosion éolienne, la stabilisation des bassins versants et l'amélioration de la qualité de l'air. Si les arbres fournissant ces services sont de par leur nature des ressources d'usage commun, ils risquent d'être surexploités ou détruits si on les traite comme des biens privés. Les services publics que de tels arbres doivent engendrer peuvent souffrir de fortes réductions de leur production, ou n'être pas produits du tout.

En second lieu, il est important de comprendre comment divers régimes de propriété, de gestion, diverses règles d'usage, se combinent avec la nature de ressources forestières données pour créer des incitations ou des effets dissuasifs dans des situations spécifiques, facteurs d'encouragement ou de dissuasion vis-à-vis de la participation populaire à la préservation, à l'enrichissement et à l'usage des ressources forestières. Des efforts consciemment organisés autour de la conception de projets tenant compte de ces considérations, se traduiront par de meilleures chances de réussite du projet.

Cet ouvrage fait partie de la série «Notes de foresterie communautaire», collection d'études qui examinent, pour les approfondir, les principaux concepts et problèmes de la foresterie communautaire. Les travaux de recherche et la rédaction sont dus à James T. Thomson, Ph.D., Associé principal et adjoint de direction de la firme Associates in Rural Development, Inc. (ARD), société de conseil sise à Burlington, Vermont, USA. Cette firme se spécialise dans la conception de programmes pour maintenir en «régime de croisière» la conservation et l'usage des ressources naturelles.

L'appui financier et technique pour cet ouvrage a été fourni par le Fonds fiduciaire «Arbres, forêts et communautés rurales», fonds qui se consacre au renforcement de la durabilité des moyens d'existence des hommes et des femmes, grâce à une gestion des arbres et des ressources forestières s'inscrivant dans le cadre de l'auto-assistance. Au sein du Département de foresterie de la FAO, les activités et publications de ce Programme sont coordonnées par Marilyn W. Hoskins, Fonctionnaire principal du Service de foresterie communautaire.

M.R. de Montalembert
Directeur, Division des politiques
et de la planification forestières
Département des forêts

Synthèse

Le présent document décrit une technique permettant d'analyser les problèmes de foresterie communautaire, et de concevoir des institutions de foresterie communautaire nouvelles ou modifiées. Une telle technique a été appliquée avec succès à d'autres problèmes de ressources naturelles renouvelables, en particulier à des systèmes d'irrigation et à des pêches,1 mais n'a pas, jusqu'à ce jour, trouvé d'emploi généralisé en tant qu'instrument permettant soit d'évaluer la gestion politique et technique des ressources forestières (arbres et broussailles) soit de concevoir ou de remanier des institutions de foresterie communautaire.2

MODELE ANALYTIQUE

La technique employée pour l'analyse fait appel à un modèle en quatre parties (se reporter à la page vi). On trouvera dans le document la description de ces diverses parties qui sont:

Un tel schéma d'encadrement suppose que les individus choisissent les modalités de gestion politique, de gestion technique et les stratégies d'usage, à la lumière des incitations auxquelles ils sont soumis. Ce schéma part de l'hypothèse que les incitations et les effets dissuasifs, d'où dérivent une gestion soutenue ou une dégradation des ressources forestières, sont engendrés par les caractéristiques économiques ou «attributs» des biens et services désirés, compte tenu de la technologie dont on dispose pour les produire, en un temps et en un lieu spécifiques, par les attributs des communautés, et par les règles — ou les institutions — dont dépend la structure selon laquelle les ressources forestières sont régies, gérées et utilisés. Suivant les circonstances et la technologie de production, les biens et services tirés des ressources forestières peuvent être privés, publics, ou d'usage commun.

MODELE ANALYTIQUE*

Schéma fonctionnel permettant d'analyser les incitations institutionnelles s'exerçant dans la foresterie communautaire

* Ce modèle de conception et analyse institutionnelles est tiré d'une série de modèles de ce type, mis au point par le personnel de l'Atelier de théorie politique et analyse des politiques, de l'Université de l'Indiana, à Bloomington, Indiana, Etats-Unis.

ATTRIBUTS ECONOMIQUES DES BIENS ET SERVICES PRIVES, PUBLICS ET D'USAGE COMMUN

Les biens privés sont ceux dont l'accès peut être contrôlé (l'exclusion est réalisable), et dont la consommation est séparable et compétitive. Le bois de feu, coupé par un exploitant agricole sur un arbre qui pousse dans son jardin clôturé, et qui est ensuite brûlé dans l'âtre du propriétaire, pour faire cuire le repas du soir, a les caractéristiques d'un bien privé. L'accès au bois est, ou peut être, soumis à un contrôle (la clôture permet d'exclure les autres personnes et les animaux qui pourraient détruire l'arbre). La consommation est compétitive: une fois que le bois a été brûlé dans l'âtre, personne ne peut s'en servir pour faire cuire un autre repas.

Les biens publics sont ceux qui ne permettent pas un contrôle facile de leur accès (l'exclusion n'est pas réalisable), et dont la consommation est conjointe et non compétitive. Une meilleure qualité de l'atmosphère, obtenue dans une région à la suite d'un reboisement généralisé, ou d'un effort bien conduit d'agroforesterie, est un bien public. Il est possible à quiconque de respirer l'air plus salubre qui en résulte. Le fait pour une personne de respirer cet air ne gêne en rien la capacité des autres habitants de la région de le respirer, et d'en tirer les bénéfices.

Les biens d'usage commun sont ceux dont l'accès ne se prête pas facilement au contrôle (l'exclusion est difficile, du moins en ce qui concerne certains groupes d'utilisateurs), tandis que leur consommation est séparable. La protection contre l'érosion éolienne que produit un rideauabri est un exemple d'un service de ressources forestières en régime d'usage commun. Si les terres qui se trouvent directement sous le vent par rapport à la ligne d'arbres ont fait l'objet d'un lotissement multiple, de sorte qu'elles appartiennent à de nombreux exploitants agricoles qui les cultivent, aucun d'entre eux ne peut être exclu des bénéfices produits par la vitesse réduite du vent. La consommation du service est toutefois séparable; les exploitants agricoles cultivent chacun leur propre champ et personne d'autre ne peut tirer profit de l'action anti-écolienne produite sur ce morceau de terrain.

Il est possible de diviser, pour la commodité, les biens d'usage commun en biens de propriété commune et biens d'accès libre. Par définition, les ressources de proprieté commune sont gérées, au moins dans une certaine mesure. L'accès aux biens et services des ressources forestières en propriété commune, et les taux d'exploitation et d'investissement dans ces ressources forestières elles-mêmes, sont soumis à un contrôle, même s'il n'est que partiel et pas entièrement efficace. En revanche, les ressources d'accès libre ne sont pas soumises à une gestion. Les taux d'accès et d'exploitation ne sont pas contrôlés, et aucun investissement n'est fait pour les régénérer. Lorsque les ressources forestières sont abondantes (l'offre dépassant nettement la demande), leur exploitation en tant que ressources d'accès libre (les premiers arrivés étant les premiers servis) est une approche raisonnable parce qu'il y a assez pour tout le monde. C'est seulement lorsque la demande commence à dépasser l'offre que le principe de gestion des ressources forestières devient à la fois économiquement rationnel et de plus en plus important pour la survie de cette ressource, en tant que source productrice de biens et services de grande valeur.

Le caractère variable des ressources forestières et des biens et services qu'elles peuvent produire, en fonction d'environnements donnés et avec des technologies particulières, est un facteur dont il faut tenir compte lorsqu'il s'agit de choisir les institutions les plus aptes à promouvoir une gestion soutenable de ces mêmes ressources. Les ressources forestières produisant des biens et des services dont la nature est privée en ce qui concerne leurs caractéristiques économiques, peuvent en général être gérées de manière très efficace par des individus et des familles, agissant en tant qu'agents privés. Les ressources forestières qui engendrent des biens et des services d'usage commun ou des biens et services publics, exigent en général une action collective pour assurer leur gestion efficace. Pour cela il faut habituellement l'intervention d'une certaine forme de gouvernement, dont la nature peut être formelle ou informelle. Se pose alors la question des règles opératoires et des institutions.

ATTRIBUTS DES COMMUNAUTES EN TANT QUE SOURCES D'INCITATIONS

Les mœurs et coutumes des communautés, leurs normes, leurs valeurs morales, leurs croyances et leurs pratiques religieuses, ainsi que leurs traditions, le degré d'intensité tant de la concurrence que de la réciprocité dans leurs rapports intra-communautaires et inter-communautaires, les débouchés des marchés, etc., tous ces facteurs engendrent des incitations pour diverses classes d'acteurs. Un certain nombre de ces thèmes figurent dans la présente étude, et sont traités par le biais de l'analyse des règles et des institutions (voir la section qui suit). D'autres, en raison du manque d'information, ne font pas l'objet d'un traitement systématique. Mais il n'en demeure pas moins que toute personne cherchant à analyser des problèmes de foresterie communautaire doit prendre conscience des sources d'incitations issues de la communauté, et tenir compte des effets de ces sources tant sur les problèmes que sur les solutions éventuelles.

REGLES OPERATOIRES ET INSTITUTIONS EN TANT QU'INCITATIONS POUSSANT A GERER LES RESSOURCES FORESTIERES

Le présent document fait l'analyse des institutions en tant qu'ensembles de règles. Le concept d'institution englobe à la fois les organisations, et les règles régissant le comportement dans un certain domaine. Comme exemples d'organisations que l'on trouve souvent engagées dans la gestion des ressources forestières, on peut citer les institutions nationales publiques, tel le service forestier, les gouvernements villageois non officiels, les organisations bénévoles privées, les groupes de jeunesse et les classes d'âge. Certaines institutions ne sont pas des organisations, mais dictent de fait les comportements; elles comportent des ensembles de règles concernant des questions telles que le régime foncier, la gestion de l'utilisation des sols, les droits de propriété sur les ressources forestières, et la mobilisation de ressources en nature, en main-d'œuvre et en espèces pour financer la gestion des ressources renouvelables.

Les règles opératoires sont les règles qui guident les individus lorsqu'ils prennent des décisions, comme par exemple des décisions sur l'utilisation des ressources forestières. Dans tous les cas, elles sont comprises par ceux auxquels elles s'appliquent, surveillées durant leur application, et exécutoires.3 Les règles opératoires peuvent être identiques aux lois officielles et écrites et à la réglementation administrative en vigueur, qui sont appliquées, suivies et respectées, ou bien elles peuvent être constituées de conventions relatives aux comportements appropriés et inadéquats, non écrites mais appliquées, suivies et respectées.

Les règles opératoires (de même que les règles formelles couchées par écrit) se prêtent à une analyse selon trois catégories : les rapports d'autorisation, les rapports d'autorité, et les pouvoirs déterminants des responsables. Une analyse des règles opératoires, utilisant ces catégories, peut révéler comment une règle donnée engendre (ou ne peut engendrer) des incitations pour certaines sortes d'activités, ou bien dissuade les acteurs de s'engager dans d'autres sortes de comportement.

Les rapports d'autorisation répartissent les droits, les devoirs, les libertés et la vulnérabilité, au sein des usagers des ressources forestières. Ces concepts juridiques décrivent divers degrés dans la capacité de contrôler autrui, et divers degrés d'assujettissement aux contraintes exercées par d'autres. On peut les considérer comme des incitations positives et négatives, dont l'intensité varie et qui poussent les individus à agir d'une certaine manière et à éviter d'autres formes de comportement, dans le domaine de la gestion politique et technique des ressources forestières et de leur exploitation.

Les rapports d'autorité sont les mécanismes selon lesquels les règles sont élaborées, mises en vigueur, modifiées et annulées. Les rapports d'autorisation ne constituent que des promesses. Ils ne peuvent avoir d'influence sur le comportement à moins que l'on ne puisse les faire respecter. Les responsables d'une entreprise en activité, qu'elle soit on non reconnue officiellement par le gouvernement national, ont recours à des rapports de pouvoir, de responsabilité, d'immunité et d'incapacité pour créer, faire respecter, modifier et annuler des rapports d'autorisation. Ce faisant, non seulement ils insufflent une vie propre aux règles opératoires, mais aussi ils adaptent, ou ne savent pas adapter, d'une manière efficace les règles opératoires aux problèmes de gestion politique et technique des ressources forestières.

Les pouvoirs déterminants des responsables représentent la latitude ou la liberté dont bénéficie chaque responsable, pour prendre des décisions sans être soumis au contrôle, ou à la supervision d'autres personnes. Les responsables qui exercent leurs pouvoirs déterminants peuvent confirmer ou modifier les règles opératoires régissant l'utilisation et l'entretien des ressources forestières. Ils ont la possibilité d'abuser de leurs pouvoirs déterminants pour s'enrichir, enrichir les membres de leur famille ou leurs amis. Ils peuvent exercer leurs pouvoirs déterminants pour rétablir, dans la région, un équilibre effectif entre l'offre et la demande des biens et services provenant des ressources forestières. Là où les responsables disposent de pouvoirs déterminants étendus, il y a de fortes chances pour que les rapports d'autorité et d'autorisation soient manipulés, selon des modalités parfois imprévisibles. Le fait de voir planer l'incertitude à propos des droits, des devoirs, des libertés et de la vulnérabilité intéressant les diverses personnes utilisant certaines ressources forestières, risque de décourager l'investissement d'un effort collectif ou individuel dans l'entretien et l'enrichissement de ces ressources, tout autant que ne le feraient des règles opératoires inadaptées, appliquées scrupuleusement.

METHODOLOGIE ET CHOIX DES SITES POUR LES ETUDES DE CAS

Le pays qui a été choisi pour cette étude est le Niger. Les quatre projets ont été mis en œuvre soit directement par le Service des Eaux et Forêts du Niger, soit en faisant largement appel au personnel de ce service. Pour chaque projet, soit au départ, soit après modification, la conception devait plus ou moins faire participer les populations locales à la gestion des ressources forestières. Lorsque l'étude a été effectuée, chacune de ces activités avait été exécutée en tant que projet durant au moins six ans.

Les quatre projets, cités dans l'ordre de l'analyse ici faite, étaient les suivants:

(Le Projet 3M a été achevé, mais les trois autres projets sont encore opérationnels à l'heure actuelle).

L'auteur connaissait déjà bien trois des quatre projets de foresterie communautaire choisis pour illustrer l'application de la méthodologie. Une évaluation institutionnelle rapide a été conduite dans chaque zone de projet, en utilisant les catégories du schéma analytique. Chaque projet a été analysé en fonction de: (1) caractéristiques économiques des biens et services d'origine forestière en présence; (2) règles concernant les ressources forestières ciblées, ainsi que leur gestion et utilisation; (3) interactions résultant des stratégies adoptées par des acteurs allant des exploitants agricoles villageois, et des femmes du village, aux éleveurs transhumants, ainsi qu'aux forestiers et aux autres responsables villageois; (4) résultats.

L'analyse des quatre études de cas est suivie d'un chapitre contenant huit recommandations. Les cinq premières concernent d'une manière spécifique la situation au Niger. Les trois dernières ont un caractère plus général et peuvent s'appliquer à d'autres pays du Sahel francophone. En fait, leur validité s'étend tout aussi bien à un grand nombre de pays non sahéliens d'Afrique, et à d'autres pays du tiers monde, où les activités de foresterie sont encore organisées autour d'institutions fortement centralisées et sont mises en œuvre de manière unilatérale, du sommet vers la base, avec une participation très insuffisante des utilisateurs à la gestion de ces ressources, qui sont souvent vitales.

Les recommandations concernant le Niger commencent par une suggestion: il est recommandé au gouvernement de proclamer son engagement officiel dans la voie de la gestion en participation des ressources naturelles renouvelables, y compris les ressources forestières. La seconde recommandation fait ressortir combien il est important de structurer les efforts de gestion des ressources forestières, pour permettre aux utilisateurs locaux de ces ressources d'adapter les règles de gestion politique et technique aux conditions locales, par étapes progressives; ceci permettrait d'arriver à une meilleure adaptation des institutions de gestion aux capacités et besoins locaux. La troisième recommandation concerne les problèmes relatifs aux finances publiques, inhérents à de nombreuses activités de gestion des ressources forestières, et suggère que le gouvernement établisse à ce sujet des directives à l'intention des responsables des unités administratives d'échelon inférieur, et des dirigeants de juridictions locales. La quatrième recommandation suggère que tout nouveau projet de foresterie communautaire accorde davantage d'autorité aux populations locales et aux communautés, afin qu'elles disposent de moyens légitimes pour organiser leur propre système de gestion des ressources forestières. Les gestionnaires et les utilisateurs locaux des ressources forestières devraient être capables d'exercer une autorité légale permettant de promulguer et de modifier des règles et de mobiliser les ressources nécessaires pour créer des systèmes de foresterie communautaire fonctionnels. La dernière recommandation adressée au Niger signale que le gouvernement, s'il souhaite promouvoir la foresterie communautaire en participation, devrait déployer des efforts pour encourager la gestion des ressources forestières par les utilisateurs des ressources; ces expériences suivies pourraient être efficacement analysées et améliorées, en se servant du schéma analytique présenté ici.

Les recommandations d'ordre général concernent les mêmes points essentiels, mais dans un contexte plus large. La première soutient que la législation existante en matière de foresterie, dont la formulation date de 1935 et qui a peu changé depuis, est en général dépassée et, en tant qu'institution, mal adaptée à la promotion de la gestion ou de la cogestion des ressources forestières du Sahel par ceux qui les utilisent, et qui en dépendent pour leur existence même. En particulier, les règles du régime de propriété des arbres devraient être changées pour assigner les droits sur les arbres aux populations locales (en tant qu'individus ou en tant que groupes organisés, selon la situation) et, ce faisant, pour augmenter le contrôle local sur les ressources forestières. La seconde recommandation signale les raisons pour lesquelles un climat politique en évolution rapide font de la gestion en participation, ou de la cogestion des ressources forestières par les populations locales, une priorité politique plus urgente que jamais. Plusieurs méthodes sont suggérées-en particulier la promulgation de textes de loi portant autorisation-pour atteindre cet objectif. Enfin, la troisième recommandation montre comment le schéma analytique peut être utilisé pour concevoir des activités de foresterie communautaire bien adaptées à des circonstances locales données, et soutenables dans ces contextes, en suivant un processus itératif, procédant par degrés, qui fait appel dans une large mesure aux ressources locales existantes, tant institutionnelles qu'humaines et financières.

NOTES DE FIN DE CHAPITRE

1 On trouvera plusieurs exemples de l'application de cette technique aux problèmes de ressources renouvelables dans le Compte rendu des travaux de la Conférence sur la gestion des ressources en propriété commune, 21–26 avril 1985; texte rédigé par le Groupe sur la gestion des ressources en propriété commune, Conseil de science et technologie pour le développement international, Bureau des affaires internationales, Conseil national de recherche (Washington, D.C.: National Academy Press); voir spécialement la communication de Ronald J. Oakerson «A Framework for the Analysis of Common Property Problems», pages 13–29, et les études de cas, généralement organisées autour de ce schéma, pages 63–257.

2 Voir, dans le Compte rendu des travaux de la Conférence sur la gestion des ressources en propriété commune, la communication de Margaret A. McKean «Management of Traditional Common Lands (Iriaichi) in Japan», pages 533–589, étude riche et instructive d'une gestion soutenue de ressources forestières, au cours des siècles derniers au Japon.

3 John R. Commons, The Legal Foundations of Capitalism (Madison, Wisconsin, University of Wisconsin Press, 1968; première édition à New York, N.Y. Macmillan 1924) pages 65–142. Cet ouvrage d'économie politique et institutionnelle, dont l'influence dure encore, a le premier formulé cette analyse des règles opératoires des entreprises actives. Il se sert des termes «transactions» d'autorisation et d'autorité, plutôt que de «rapports», pour décrire les interactions entre les individus et les groupes. Elinor Ostrom «Governing the Commons: the Evolution of Institutions for Collective Action» (Cambridge, Massachusetts, Cambridge University Press, 1990), pages 50 et suivantes, se sert du concept de règle opératoire qui forme un élément d'une analyse sophistiquée des problèmes de gestion des ressources renouvelables.

4 «M» à cause de la première lettre des noms des trois arrondissements, Mirriah, Magaria et Matameye, dans lesquels ont été mis en place des bois de village au cours de la première phase du projet.

5 International Development Research Center, Ottawa, Canada.

6 Cooperative American Relief Everywhere, New York, N.Y., Etats-Unis-CARE Norvège a soutenu les activités de la région de Majjia depuis 1987.

7 Fonds d'aide à la coopération, Paris, France.

8 Caisse centrale de coopération économique, Paris, France.

9 Bureau des Nations Unies pour la région soudano-sahélienne

10 United States Agency for International Development (Agence des Etats-Unis pour le développement international)

Glossaire

Ce glossaire doit aider le lecteur à suivre plus aisément la thèse présentée ici, en fournissant les définitions des termes ayant une signification précise qui apparaissent fréquemment dans ce document. Dans la mesure du possible, le document se sert de ces termes d'une manière uniforme.

Bien privé: bien pour lequel l'exclusion est réalisable et dont la consommation est séparable ou compétitive

Bien public: bien pour lequel l'exclusion n'est pas facilement réalisable et dont la consommation est conjointe ou non compétitive

Devoir: la sujétion d'un individu au contrôle exercé par un autre, dans une transaction d'autorisation (forte incitation négative)

Droit: la capacité de contrôler le comportement d'autres personnes, dans une transaction d'autorisation (forte incitation positive)

Entreprise active: un groupe d'individus engagés dans une activité de production selon un ensemble de règles opératoires (cf. ce mot); les entreprises actives peuvent être des organismes officiels, des organismes sans caractère officiel, tels que villages ou quartiers, des groupes bénévoles privés, des entreprises ou des familles.

Immunité: l'immunité, aux yeux de la loi, d'un cadre vis-à-vis des ordres d'un autre, dans une transaction d'autorité

Incapacité: l'incapacité légale pour un cadre, dans une transaction d'autorité, d'obliger un autre à exécuter ses ordres

Institution: un ensemble de règles gouvernant une activité particulière des individus et des groupes

Liberté: la protection d'une personne dans ses actions, contre l'intervention contraire d'autres personnes, dans une transaction d'autorisation (incitation positive)

Pouvoir: la capacité d'un cadre, de donner des ordres à d'autres cadres, dans une transaction d'autorité

Pouvoirs déterminants: les pouvoirs qu'un cadre peut exercer dans une transaction d'autorité. pour déterminer lui-même ou elle-même les règles opératoires qui gouvernent une activité

Règles opératoires: les règles effectives (qui peuvent être les mêmes ou différentes des règles officielles) gouvernant une activité dans une entreprise active

Responsabilité: l'obligation, aux yeux de la loi, faite à un cadre d'exécuter les ordres d'un autre, dans le cadre d'une transaction d'autorité.

Ressource d'usage commun: une ressource (ou un bien) dont il est difficile d'exclure une partie ou la totalité des usagers, et dont la consommation est séparable ou compétitive.

Ressource d'accès libre: une ressource (ou un bien) d'usage commun, à laquelle tous ont accès et que tous peuvent exploiter, sans la moindre contrainte légale.

Ressource de propriété commune: une ressource (ou un bien) qui est la propriété d'un groupe de personnes désigné et connu, qui en contrôle l'accès et peut en assurer la gestion, d'une autre manière également.

Ressources forestières: le terme «Ressources forestières» tel qu'il est utilisé ici se réfère à toutes les plantes ligneuses, par exemple les arbres, la broussaille et les arbustes. Les ressources forestières sont constituées par l'ensemble des matières formant la biomasse existant dans une zone géographique donnée.

Transaction d'autorisation: transaction entre au moins deux parties qui ont une certaine combinaison de droits, devoirs, libertés et risques, relativement à l'objet de la transaction.

Transaction d'autorité: transaction entre les cadres d'une entreprise active (cf. ce mot) qui tranche un différend, ou bien formule ou change une règle régissant le comportement de ceux qui sont assujettis au contrôle exercé par les cadres de cette entreprise active.

Vulnérabilité: absence de protection d'une personne contre les dommages que les actions des autres peuvent lui infliger, dans une transaction d'autorisation (incitation négative).

Note: Un dollar des E.-U. valait, au moment de cette étude, 290 francs CFA.

Abréviations et sigles

CARECooperative American Relief Everywhere (Secours coopératif américain dans le monde)
CCCECaisse Centrale de Coopération Economique
CLUSACooperative League of the United States of America (Ligue coopérative des Etats-Unis d'Amérique)
CRDICentre de recherche pour le développement international (voir IDRC)
FACFonds d'aide et de coopération
FAOFood and Agriculture Organisation of the United Nations (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture)
FCFAFrancs CFA
FLUPForestry Land Use Planning Project (voir PUSF)
GDNGouvernement du Niger
IDRCInternational Development Research Center (voir CRDI)
3MArrondissements de Mirriah, Magaria et Matameye
PUSFProjet utilisation des sols et forêts (voir FLUP)
UNCCUnion Nationale des Coopératives et du Crédit (National Union of Cooperatives and Credit)
USAIDUnited States Agency for International Development (Agence des Etats-Unis pour le développement international)
UNSOBureau des Nations Unies pour la région soudano-sahélienne

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