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BOIS DE FEU
Le bois fournit quelque 20 pour cent de toute l'énergie en Asie et en Amérique latine; en Afrique, 50 pour cent environ de toute l'énergie provient dubois.
 ▲Des enfants portant des fardeaux de boisUne femme cuisinant au bois dans un village▼
La pénurie de combustible peut avoir divers effets négatifs. Par exemple, elle peut influer sur la quantité d'aliments fournis ou cuits.

Dépendence des populations vis-à-vis des forêts et des arbres

Au cours des dix dernières années, la compréhension de la façon dont les populations rurales tirent parti des produits des arbres et de la forêt dans leur voisinage s'est rapidement améliorée et continue à s'améliorer. Les renseignements aujourd'hui disponibles permettent non seulement de définir beaucoup plus exactement la nature et l'importance de nombre de ces utilisations mais donnent également une image plus claire des conséquences des pénuries croissantes et autres modifications des disponibilités de biens et services particuliers, ainsi que de la façon dont les populations réagissent à ces modifications. Les utilisations peuvent de façon générale se diviser en trois catégories qui, toutefois, se recoupent: produits utilisés directement par la famille (combustible, aliments); facteurs de production agricole (fourrage et paillis); et sources de revenu et d'emploi. Les renseignements sont regroupés en conséquence, mais l'utilisation domestique est divisée pour faire ressortir les aspects liés au bois de feu et à l'alimentation.

BOIS DE FEU

Le bois de feu est et sera pour longtemps une source cruciale d'énergie. Le bois fournit quelque 20 pour cent de toute l'énergie en Asie et en Amérique latine; en Afrique, 50 pour cent environ de toute l'énergie provient du bois. Assurer à chaque région un approvisionnement suffisant et durable en combustible ligneux pour satisfaire la demande énorme et permanente est une tâche accablante mais tout à fait nécessaire. Il existe de graves pénuries régionales de bois de feu et les sources d'approvisionnement doivent augmenter.

La pénurie de combustible peut avoir divers effets négatifs. Par exemple, elle peut influer sur la quantité d'aliments fournis ou cuits. S'il y a moins de combustible ou de temps pour cuisiner, la consommation d'aliments crus ou réchauffés peut augmenter. Cela risque de provoquer une forte hausse de l'incidence des maladies car peu d'aliments crus peuvent être bien digérés et la cuisson est nécessaire pour éliminer les parasites. La diminution du nombre de repas pris peut avoir un effet particulièrement nocif sur l'état nutritionnel des enfants, qui peuvent difficilement consommer en un seul repas une quantité suffisante d'aliments de base souvent trop amylacés.

Toutefois, de nombreux autres facteurs sont liés à l'évolution des habitudes alimentaires, qui ne sont pas uniquement imputables à la pénurie de combustible souvent, le manque d'aliments est tel que la pénurie de combustible ne joue qu'un rôle insignifiant dans la détermination du régime alimentaire. En outre, la diminution du bois disponible n'aboutit pas nécessairement à une pénurie de combustible. Et il n'est pas non plus évident que la plantation d'arbres sélectionnés spécifiquement pour la production de bois de feu constitue forcément la solution appropriée en cas de pénurie de combustible.

Une analyse plus complète de toute une série de cas où la situation de l'offre de bois de feu empire a montré à plusieurs reprises (mais pas toujours) que les pénuries locales de combustible étaient beaucoup moins importantes qu'on ne l'avait cru dans un premier temps, pour les raisons suivantes:

En outre, les populations réagissent de façon spontanée à la diminution des disponibilités de bois de feu, en effectuant un certain nombre d'ajustements qui leur permettent de continuer à cuire leurs aliments. Pour ceux qui possèdent des terres, l'ajustement peut signifier l'utilisation accrue des produits ligneux qui y croissent et l'introduction de modifications dans les systèmes de culture pour introduire des espèces, comme le pois cajan (Cajanus cajan), qui fournissent des résidus ligneux pouvant servir de combustible. Pour d'autres, il s'agit souvent d'aller chercher plus loin du bois de feu. Parmi les autres solutions, on peut citer l'utilisation plus méthodique et rentable des disponibilités et le recours à d'autres combustibles organiques plus facilement accessibles, tels que les résidus de récolte et la bouse séchée.

Alors que planter des arbres pour une utilisation spécifiquement domestique sous forme de bois de feu constitue rarement la réponse des agriculteurs, ces derniers considèrent tous les arbres comme une source de bois de feu, sous la forme de sous-produits (branches, etc.). En conséquence, tous les arbres plantés en fonction de besoins plus prioritaires seront, à long terme, utilisés pour faire face aux futurs déficits de bois de feu.

Ceci ne doit pas être interprété comme une négation de la réalité des pénuries de combustible. Les situations de pénurie existent, souvent sur une vaste échelle, et elles ont les effets négatifs décrits au début de cette section. Par ailleurs, certaines des solutions imposées aux populations peuvent aggraver leurs difficultés et fardeaux, comme la nécessité pour les femmes, déjà surchargées, de consacrer plus de temps à ramasser du bois de feu et à le transporter sur de longues distances. Mais il est nécessaire de mieux comprendre la nature du problème, le cas échéant, pour pouvoir déterminer les interventions appropriées.

Il s'agit peut-être moins de rareté matérielle que de pénurie de main-d'oeuvre, de difficultés d'accès, ou de modes de comportement culturel (Dewees, 1989). Ainsi, la collecte de bois de feu peut devenir plus pénible pour les femmes car celles-ci ont bien d'autres tâches à réaliser, comme le montrent bien les fluctuations du ramassage du bois de feu qui coïncident avec les cycles saisonniers des travaux agricoles et autres occupations. Bien entendu, le fardeau ou le problème n'en est pas moins important, mais le cadre dans lequel il faut chercher une solution s'en trouve modifié et il se peut que la plantation d'arbres ne soit pas la meilleure solution.

Il est de même apparu que l'on manquait d'information quant à l'impact de l'utilisation des résidus de récolte et des bouses séchées comme combustibles sur le maintien de la fertilité et l'état du sol. Il n'est pas prouvé que des quantités considérables de ces matières soient utilisées comme combustible au détriment de l'agriculture; souvent, si ce n'est toujours, on ne brûle que ce qui est en excédent (Barnard et Kristofferson, 1985). En réalité, il ressort de travaux récents que les résidus de récolte ne servent que rarement à la fumure du sol en Afrique, car la rentabilité du travail nécessaire est faible et l'emploi de fumier à cette fin a été fortement exagéré (McIntire et al., 1988). S'il se peut que certaines de ces matières organiques fournissent du combustible de moins bonne qualité que le bois - étant plus difficiles et désagréables à utiliser car produisant plus de fumée, par exemple - leur emploi peut cependant être envisagé pour des raisons pratiques (par exemple parce qu'elles sont plus facilement accessibles et plus abondantes pendant les périodes de grande activité).

Ces particularités expliquent pourquoi un peu partout les populations estiment qu'il n'y a pas de pénurie de bois de feu ou, s'il y en a, ne pensent pas que la plantation d'arbres constitue une solution rationnelle. Les autres options exposées ci-dessus permettent presque toujours d'assurer un approvisionnement en combustible à moindre coût que la plantation d'arbres et elles répondent mieux aux besoins des utilisateurs qui consomment régulièrement de petites quantités, alors que l'abattage des arbres plantés est sporadique. Il en résulte à long terme que la perception de la pénurie de bois de feu est repoussée jusqu'à ce que celle-ci s'intègre dans une crise écologique plus ample dont les solutions sont plus complexes.

En outre, les plantations exigent un investissement qui, pour être justifié, doit offrir une rentabilité que ne permet pas d'atteindre l'utilisation du bois comme combustible domestique. Lorsque le bois de feu est rare, le bois d'oeuvre risque de l'être encore plus (tout comme les disponibilités en autres produits ligneux). En général, l'utilisation d'un produit ligneux à des fins énergétiques correspond à sa plus faible valorisation possible, et n'est donc envisagée que lorsque les toutes les possibilités d'utilisation plus rentable ont été épuisées.

De même, toute la question de l'approvisionnement en combustible, encore que grave, n'est sans doute pas prioritaire pour les populations tourmentées par d'autres problèmes. Ainsi, dans l'étude exhaustive de l'OIT concernant l'incidence des pénuries de bois de feu sur les femmes, on a découvert que “dans la plupart des villages étudiés, les femmes ne considéraient pas le combustible ligneux et l'efficacité de cuisson comme des priorités absolues. Ce qui les préoccupe dans l'immédiat, c'est de trouver des solutions rapides au terrible manque d'aliments et de revenu” (Cecelski, 1987).

ALIMENTATION
Pour la plupart des ruraux, les produits alimentaires provenant de la forêt ou des arbres qui font partie de leurs système d'exploitation, permettent de diversifier leur régime alimentaire; ils améliorent la saveur des denrées et fournissent des protéines, des calories et des vitamines essentielles.
 ▲ Des enfants étalant du copra pour le sécher au soleilUn fermier inspectant un arbre fruitier ▼
 

En résumé, l'approche antérieure, qui consistait à évaluer la situation du bois de feu en analysant les déficits futurs de l'offre au niveau macro s'est avérée précieuse pour appeler l'attention sur certains des besoins fondamentaux des couches rurales les plus défavorisées, mais elle a été nettement moins utile pour déterminer ce qui est nécessaire au niveau des projets. En mettant l'accent uniquement sur le combustible ligneux, elle a ignoré d'autres facteurs qui influent sur les décisions des populations relatives à la foresterie. La macro-analyse a, par ailleurs, fait abstraction de leur capacité d'adaptation spontanée et de la nécessité d'interventions qui intègrent les solutions aux problèmes de bois de feu dans le cadre élargi du rôle multiple de l'arbre.

Il semble en outre évident que l'utilisation domestique du bois de feu en milieu rural - encore qu'elle nécessite dans l'ensemble d'énormes quantités de matière ligneuse - est rarement si concentrée ou si importante qu'elle puisse être la cause principale de la destruction des peuplements forestiers sur pied et donc, en d'autres termes, du déboisement tropical. En revanche, l'abattage pour la satisfaction d'une demande urbaine fortement concentrée peut être un facteur de destruction plus important.

Les déficits en bois de feu sont néanmoins réels et continueront à l'être tant que des approches adaptées ne seront pas conçues dans le domaine de la gestion des ressources. L'expérience a jusqu'à présent montré que les initiatives devraient prendre en considération le rôle joué par les arbres dans la vie socio-économique et culturelle des communautés. La foresterie communautaire doit continuer à développer des méthodes adaptées aux situations locales afin d'assurer un approvisionnement adéquat en bois de feu. Ces stratégies devront être basées sur une évaluation attentive des priorités, capacités et limitations des communautés.

ALIMENTATION

Pour la plupart des ruraux, les produits alimentaires provenant de la forêt ou des arbres qui font partie de leur système d'exploitation, permettent de diversifier leur régime alimentaire; ils améliorent la saveur des denrées et fournissent des protéines, des calories et des vitamines essentielles. La quantité d'aliments forestiers consommés est peut-être faible par rapport à celle des principales denrées de base mais elle constitue souvent une part fondamentale de régimes alimentaires, par ailleurs insipides et peu nutritifs. Les agriculteurs et les bergers, pendant leur journée de travail, consomment aussi souvent, entre les repas, des aliments tirés de la forêt ou des arbres sur la ferme.

Outre leur rôle complémentaire, les aliments forestiers permettent de combler des déficits alimentaires pendant certaines périodes de l'année; ils contribuent à assurer la soudure lorsque les réserves alimentaires s'amenuisent et que la prochaine récolte doit encore être rentrée. C'est là aussi une fonction importante des arbres dans les jardins familiaux; en outre, ils contribuent à atténuer les fluctuations saisonnières de la demande de main-d'oeuvre agricole.

Les aliments forestiers jouent un troisième rôle important dans le système alimentaire global en cas de catastrophes (inondations, sécheresse, famines et guerres). En temps de famine, les aliments énergétiques, par exemple racines et tubercules, rhizomes et fruits à coque, peuvent fournir une solution passagère importante.

ALIMENTATION DU BÉTAIL ET FERTILISATION DU SOL
 ▲ Un agriculteur se servant d'une charrue à buffles pour labourer une parcelle boiséeLa traite - La vache étant attachée à un cocotier afin de fournir de l'engrais ▼
L'élevage est essentiel à de nombreux systèmes agricoles, pour la traction animale, la fertilisation du sol et la production laitière.

Lorsque les populations ont un accès relativement illimité aux forêts, les aliments forestiers revêtent souvent une importance particulière pour les groupes les plus pauvres de la communauté. Ce ne sont pas uniquement les pauvres qui ramassent des produits forestiers de cueillette, mais ce sont eux qui sont dans une plus large mesure tributaires de ce type d'activités. Ce sont donc eux qui souffrent sans doute le plus de la diminution de la disponibilité de ces aliments, au furet à mesure que les ressources forestières régressent, se dégradent ou ne leur sont plus accessibles.

Indépendamment de la diminution des disponibilités, les aliments forestiers ne jouent plus le même rôle dans l'alimentation des ménages, à la suite de la pénétration de nouvelles denrées sur les marchés ruraux et de l'évolution des goûts. Dans de nombreuses régions, les aliments forestiers ne sont plus consommés et les connaissances relatives à leur utilisation disparaissent, encore que cette tendance ne soit pas universelle. Dans certaines zones, les débouchés des aliments forestiers ont augmenté rapidement - par exemple celui de la viande de chasse en Afrique de l'Ouest. Mais même lorsque la consommation ne recule pas, il se peut que la variété des produits alimentaires de cueillette ait diminué.

L'incidence de la baisse de la consommation des aliments forestiers varie. Dans certains cas, le régime alimentaire s'est appauvri; en particulier parce que le recours accru aux denrées achetées réduit la diversité du régime alimentaire. Le pire effet de cette baisse est peut-être le suivant: les choix alimentaires des pauvres diminuent progressivement, surtout en période de difficultés saisonnières et en cas de catastrophes.

L'amélioration des connaissances relatives aux liens entre les produits alimentaires forestiers d'une part et la nutrition rurale de l'autre a récemment permis d'appeler l'attention sur la nécessité pour la foresterie communautaire de tenir compte des aspects nutritionnels. Bien entendu, les aliments forestiers n'occupent qu'une part restreinte dans la plupart des régimes alimentaires - il existe des produits pouvant remplacer les aliments forestiers dont l'offre diminue - et le passage généralisé aux denrées achetées influera sur la consommation des aliments forestiers, indépendamment de leurs disponibilités. Néanmoins, la foresterie communautaire doit à l'évidence étudier les effets que peuvent avoir les interventions forestières et agroforestières proposées sur l'état nutritionnel de la population cible et s'occuper de l'aménagement des forêts et autres ressources fournies par les arbres et utiles aux populations locales, au même titre que de la plantation d'arbres.

ALIMENTATION DU BETAIL ET FERTILISATION DU SOL

L'élevage est essentiel à de nombreux systèmes agricoles, pour la traction animale, la fertilisation du sol et la production laitière. Les résidus de récolte et les pâturages permettent d'ordinaire de nourrir le bétail.

Dans nombre de systèmes, notamment dans l'arido-culture où les labours et les semis doivent être concentrés pendant une courte saison des pluies, les animaux nécessaires sont beaucoup trop nombreux pour être nourris avec des aliments produits au sein du système d'exploitation agricole, si bien que l'agriculteur ne peut conserver ces animaux que s'il a accès à d'autres pâturages ou sources de fourrage. Les forêts, savanes arborées et terrains broussailleux sont souvent la principale source complémentaire et le fourrage arbustif est fréquemment la principale source d'alimentation du bétail pendant la saison sèche et en période de sécheresse.

REVENU
Le revenu et les possibilités d'emploi provenant des forêts revêtent une importance particulière pour les pauvres - en raison de leur facilité d'accès et du très faible niveau de capitaux et de compétences nécessaires pour se lancer dans la plupart de ce type d'activités.
 ▲ Des menuisiers villageois fabriquant des meubles en bois rustiquesLe rabotage du bois à des fins de construction dans une communauté sylvestre ▼
 

De nombreux facteurs se sont conjugués pour amenuiser les disponibilités en aliments du bétail. L'irrigation des terres autrefois cultivées en sec ou consacrées au pâturage, l'introduction de céréales à courte tige et à rendement élevé et l'abandon d'autres cultures céréalières ne sont que quelques changements qui se produisent dans l'agriculture. Par ailleurs, la privatisation et la surexploitation ont fortement réduit la superficie des terrains publics disponibles. Les solutions existantes - cultures fourragères irriguées, engraissement des animaux à l'étable, remplacement des animaux par des tracteurs-demandent de façon générale une utilisation plus intensive de capital ou de main-d'oeuvre et ne sont donc pas à la portée des plus pauvres.

On a affirmé que, dans certains cas, les pénuries de fourrage peuvent devenir plus dangereuses que celles de bois de feu (Damodoran, 1987) en ce sens que, contrairement à ce qui se passe avec le combustible, les pauvres ne disposent pas d'autres sources d'alimentation pour leur bétail. Le manque de fourrage risque d'empêcher les éleveurs pauvres d'améliorer la qualité du cheptel laitier et les obliger bien souvent à se débarasser du bétail.

Une attention croissante est donc accordée à deux liens entre foresterie communautaire et production fourragère, à savoir le potentiel des arbres et des terres forestières pour accroître les disponiblités fourragères et la nécessité d'éviter la perturbation des approvisionnements existants en fourrage et des interactions cultureélevage lorsque des terres sont consacrées à la sylviculture.

L'autre aspect du rapport entre couvert forestier et agriculture, qui semble avoir plus d'importance qu'on ne le présumait autrefois, est celui de la restitution des éléments fertilisants au sol. Dans beaucoup, si ce n'est dans la majorité des cas, l'agriculture tropicale est fondée sur la culture par rotation ou l'agriculture itinérante, qui laisse le sol périodiquement en jachère arbustive à cette fin. Il existe actuellement des systèmes de jachère continue fondés sur la présence permanente d'arbres, qui vont des vergers familiaux dans les zones tropicales humides aux cultures intercalaires d'Acacia albida dans les zones arides d'Afrique, mais on estime d'une façon générale qu'ils subissent des pressions provoquant la réduction ou la disparition de la composante forestière.

Alors que ceci se produit dans certaines situations, notamment dans de nombreuses zones cultivées en Acacia albida, dans d'autres cas, on observe le phénomène inverse. Face à la diminution de la productivité agricole et sans accès au capital nécessaire pour acheter des engrais ou pour construire des structures de conservation des sols, les agriculteurs se tourment assez souvent vers des plantes ligneuses pérennes, conformément à leur stratégie visant à stabiliser leur système d'exploitation. Les recherches menées sur les jardins familiaux dans différentes zones tropicales humides a par exemple montré que leur importance augmente en proportion de la surface réservée aux cultures sèches, en partie pour cette raison et en partie en réaction aux modifications examinées dans la section “revenu” (Arnold, 1987).

Dans certaines régions, c'est le paillis vert récolté sur les arbres en dehors de l'exploitation qui maintient le système agricole. Les cultures dans l'Himalaya, par exemple, sont tributaires de l'accès à une superficie boisée étendue, où l'on puisse trouver des feuilles pour conserver la fertilité du sol. La pression croissante exercée sur ces systèmes peut être si forte que la forêt ne puisse plus supporter ces prélèvements répétés.

Dans ce cas, et lorsque l'agriculture dépend de sources de fourrage ou de pâturages situés en dehors de l'exploitation, la foresterie communautaire doit donc s'intéresser à la gestion des ressources publiques, autant, si ce n'est plus, qu'à celle des ressources privées.

REVENU

La compréhension du rôle que peut jouer la foresterie communautaire a peut être avant tout changé grace à la prise de conscience croissante de l'importance du revenu dans les décisions des ruraux pauvres. Etant donné que la dimension et la productivité des exploitations diminuent sous la pression démographique, les ménages ruraux ont toujours plus de mal à assurer leur autosuffisance alimentaire et ils sont de plus en plus forcés de se tourner vers les cultures de rente et l'emploi non agricole. Selon des estimations, déjà plus d'un tiers du revenu des ménages ruraux provient d'activités non agricoles (Liedholm et Mead, 1986). Les décisions, même de ceux qui vivent encore dans une économie dans une large mesure de subsistance, sont désormais influencées par des considérations d'ordre économique et la foresterie communautaire doit tenir compte de cette réalité.

Revenu provenant des ressources forestières existantes

Les ruraux récoltent, fabriquent et commercialisent toute une série de produits forestiers afin d'en tirer un revenu. Les produits ramassés comprennent le bois de feu, le rotin, le bambou, les fibres, les plantes médicinales, les gommes et les fruits sauvages. Les principaux groupes de produits commercialisés qui subissent en premier lieu une simple transformation au niveau du ménage ou de la petite entreprise sont les meubles et autres articles en bois, les paniers et nattes, les produits faits de cannes, de roseaux, graminées, ainsi que les objets d'artisanat. Les deux premiers groupes de produits sont avant tout destinés aux ménages ruraux et aux marchés agricoles qui sont d'ordinaire leur principale source d'approvisionnement, alors qu'une grande partie de la production artisanale est écoulée sur les marchés urbains.

L'importance de la petite entreprise dans le secteur forestier s'explique par la dimension des marchés ruraux pour les produits forestiers, ainsi que par la dispersion de ces marchés dans de vastes zones mal desservies, de sorte qu'ils sont plus facilement ravitaillés localement. Les petites entreprises de récolte et de transformation de produits forestiers constituent la principale source d'emploi et de revenu non agricole pour les ruraux.

Nombreux sont ceux qui sont tributaires de la vente de produits tels que bois de feu et rotin, pour compléter leur revenu agricole pendant toute l'année. D'autres se consacrent à ces activités de façon saisonnière, soit pour exploiter des matières premières ou profiter de débouchés existant seulement à certaines époques de l'année, soit pour employer la main-d'oeuvre abondante pendant la morte-saison, soit pour faire face à certains moments aux besoins de liquidités, par exemple pour rembourser les prêts agricoles ou payer les frais de scolarite. D'autres y ont recours pour surmonter des moments difficiles. Le nombre de ceux qui se livrent à la collecte et à la vente de bois de feu, par exemple, augmente les années où la situation du secteur agricole empire.

Tout comme pour les aliments forestiers, le revenu et les possibilités d'emploi provenant des forêts revêtent une importance particulière pour les pauvres - en raison de leur facilité d'accès et du très faible niveau de capitaux et de compétences nécessaires pour se lancer dans la plupart de ce type d'activités. Celles-ci permettent également une forte participation des femmes pauvres qui souvent sont celles qui, à la maison ou près de chez elles, fabriquent des nattes et paniers, ce qui leur permet de mener de front ces activités génératrices de revenu et d'autres tâches domestiques.

L'importance du revenu provenant des produits forestiers met une fois de plus l'accent sur la gestion des ressources forestières existantes. Les petites entreprises ne sont que rarement en mesure de créer ou de conserver les ressources forestières dont elles ont besoin. La surexploitation, le déboisement, la privatisation et la nationalisation réduisent l'accès des pauvres aux zones boisées et à d'autres terres communales. Leurs problèmes d'approvisionnement en matières premières forestières sont souvent aggravés par une réglementation d'exploitation désavantageuse, l'allocation exclusive aux grands utilisateurs, des formalités de licence ou des procédures d'adjudication compliquées, sans oublier l'obligation d'importants dépôts de garantie et autres conditions préalables insurmontables, les prix élevés imputables aux monopoles d'Etat et les systèmes de distribution monopolistiques.

Les petites entreprises souffrent de diverses autres faiblesses, indépendamment des pénuries de matières premières: insécurité des marchés, manque de fonds, absence d'outils et d'équipement, carences administratives et manque d'organisation. En outre, elles sont très sensibles aux fluctuations de leur situation concurrentielle. La rentabilité du travail de nombreuses activités forestières est marginale et des produits de remplacement peuvent facilement pénétrer sur les marchés. Ainsi, si ces activités sont une source de revenu pour beaucoup de ruraux pauvres, nombre d'entre elles ne sont peut-être pas viables. Ce sont les activités individuelles réalisées au sein du ménage, comme la fabrication de nattes et de paniers, qui sont les plus vulnérables. Il est nécessaire d'analyser avec soin les perspectives de survie et de crossance d'activités particulières quand on conçoit des programmes de soutien, afin d'éviter d'encourager les pauvres à se lancer dans des entreprises qui ne seront pas viables.

Revenu provenant de l'arboriculture

On a souvent fait valoir que l'arboriculture n'est à la portée que des exploitants riches. Cette hypothèse part du principe que les agriculteurs pauvres doivent consacrer toutes leurs ressources à la production d'aliments de base. C'est pourquoi des projets ont été conçus qui précisent que les arbres ne doivent être cultivés que sur les terres inexploitées ou incultivables.


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