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1. Généralités

Le principe qu'il importe le plus de bien saisir à propos du diagnostic rural rapide (DRR) est qu'il ne s'agit pas en soi d'une méthode de collecte d'informations, mais de la mise en œuvre créative et structurée d'un ensemble particulier d'outils d'enquête permettant d'analyser une situation, un sujet, un problème, ou un secteur. Le DRR et la panoplie d'outils qui le caractérise peuvent se concevoir comme un processus d'apprentissage rapide: en recourant à un ensemble fonctionnel d'outils de collecte et d'analyse de l'information empruntés aux sciences sociales, les équipes de diagnostic rapide sont en mesure d'évaluer les pratiques de gestion des ressources naturelles et les questions liées à leur amélioration, d'une manière plus exacte et moins coûteuse que les méthodes d'enquête classiques. Aucun diagnostic rapide n'est exactement identique à un autre. On a recours à différentes combinaisons d'outils pour apprécier les facteurs en jeu, et l'on choisit tels ou tels outils pour diffuser les observations de l'équipe, sous la forme la plus digeste possible, à l'intention des planificateurs, du personnel de projet, de la population locale et des hauts fonctionnaires. Le DRR a été initialement mis au point par les spécialistes des sciences humaines pour permettre aux planificateurs de réunir sans délai des renseignements sur les dimensions sociales et culturelles des problèmes de gestion des ressources naturelles, mais elle s'est muée depuis en une démarche multidisciplinaire se prêtant à la collecte et à l'analyse d'informations dans une grande variété de domaines techniques. En fait, l'un des pionniers de l'adaptation de la méthode dans une perspective agro-écologique, Gordon Conway, est un spécialiste de l'écologie.

Le DRR a contribué entre autres à la conception et à la mise en œuvre de programmes touchant à l'utilisation des terres, en modifiant la perspective dans laquelle se situent les spécialistes techniques en ce qui concerne leur propre domaine de spécialité, et en les aidant à redéfinir leurs priorités de recherche à la lumière de facteurs relevant d'autres domaines techniques. Pour ce qui est de la structure, les démarches du DRR sont à michemin entre l'enquête classique et les entretiens non structurés (observation approfondie participante). A la différence d'autres méthodes d'enquête, le diagnostic rapide s'efforce de faire naître un dialogue avec les clients ou bénéficiaires du projet, permettant à la personne interrogée aussi bien qu'à l'enquêteur de prendre l'initiative de l'interrogation. Cet aspect de la méthode est important pour l'analyse des conditions locales dans lesquelles se réaliseront les interventions envisagées car il conduit à recueillir, outre les données biophysiques et économiques, des renseignements sur les valeurs, les opinions, les objectifs et les connaissances techniques locales.

Les méthodes de diagnostic rural rapide relèvent du court terme. En général, elles ne produisent pas de données d'enquête d'une validité statistique irréprochable, pas plus qu'elles ne permettent la compréhension approfondie qu'autorisent les méthodes de recherche qualitatives à long terme. La qualité des résultats d'une enquête ou d'un travail de planification fondé sur un DRR est étroitement fonction des qualités de jugement analytique de l'équipe, qui doit savoir combiner avec imagination les différents outils, et puiser dans l'expérience de ses membres pour distinguer dans un délai limité les facteurs clés à élucider. Le hasard et la chance interviennent aussi pour déterminer quels éléments d'information apparaîtront, tout comme dans les enquêtes-reportages. Mais ce n'est qu'avec l'expérience que l'équipe peut apprécier à sa juste valeur ce sur quoi elle vient de tomber. Comme la recherche approfondie en anthropologie, le diagnostic rapide suppose que l'analyse et l'appréciation des problèmes se fassent au moment de la collecte d'informations, et non point après que tous les entretiens aient été effectués, comme c'est le cas dans les enquêtes classiques.

Toutefois, convenablement utilisés, les outils de DRR peuvent fournir des informations d'une fiabilité et d'une profondeur surprenantes sur des problèmes spécifiques d'aménagement des ressources naturelles. Par exemple John Bruce, du Land Tenure Center, a élaboré une liste de contrôle sur les questions foncières, à appliquer dans les projets forestiers pour diagnostiquer les problèmes de tenure et orienter la suite du travail d'enquête (Bruce, 1989). Un diagnostic n'est pas nécessairement une activité isolée dans le temps, sans suite. Dans le cadre de la recherche sur les systèmes agricoles, le DRR sert à définir la portée à donner aux travaux de recherche, et à évaluer la pertinence de ceux-ci, compte tenu des besoins locaux. On peut y faire appel au cours de l'exécution de projets, en tant que moyen périodique d'évaluation permettant de dépister les problèmes et de tracer dans les grandes lignes le cadre d'une étude approfondie ou de type plus classique. Ou bien encore le personnel de projet effectuera périodiquement des exercices de DRR pour approfondir sa compréhension de problèmes particuliers.

1.1. PROBLEMES POSES PAR D'AUTRES METHODES

Initialement, la panoplie d'outils du DRR a été conçue et développée à cause de l'échec, dans le cadre des projets, des efforts pour tirer parti d'autres méthodes, plus classiques, de collecte d'information. Les inconvénients des méthodes classiques d'enquête sont notamment:

  1. le délai d'obtention des résultats;
  2. le coût élevé de réalisation des enquêtes;
  3. la médiocre fiabilité des données imputable au biais des entretiens et à des vices de conception des questionnaires (ce qu'en jargon de statisticien on appelle les erreurs indépendantes de l'échantillonnage); enfin
  4. le manque de pertinence de nombreuses questions aux fins particulières de la mise en œuvre du projet.

Les études de longue durée peuvent fournir des renseignements importants intéressant les planificateurs de projets, mais les délais d'obtention sont longs. Les informations recueillies par les chercheurs, à d'autres fins que celles du projet lui-même et portant sur une population moins nombreuse, ne peuvent pas être utilisées directement par un projet, mais doivent être d'abord confrontées aux impressions de terrain et aux résultats d'études de plus grande ampleur, avant de pouvoir être appliquées correctement dans la zone du projet. Par ailleurs, les méthodes d'enquête soit classiques, soit qualitatives, ne gênèrent pas un dialogue interdisciplinaire entre chercheurs, planificateurs, décideurs et bénéficiaires, car les personnes qui les appliquent ont rarement à intervenir dans le projet en tant qu'acteurs.

Dans la collecte de données de suivi et évaluation (S&E) par les méthodes classiques, on se heurte à une catégorie particulière de problèmes: les sections de S&E, au sein de l'équipe de projet, se mettent généralement au travail tardivement par rapport à d'autres unités techniques; les systèmes de données sont souvent inutilement compliqués; l'analyse des informations est lente; le personnel de S&E occupe fréquemment une position marginale vis-à-vis des décideurs; les résultats des enquêtes ne sont ni présentés, ni analysés de telle manière qu'ils soient directement utilisables par les décideurs. Les consultants chargés d'effectuer des recherches approfondies de type qualitatif, dans le cadre d'études particulières, méconnaissent souvent les problèmes pratiques posés par la mise en œuvre des projets, et ont tendance à formuler des conclusions inapplicables. Ce dernier type d'étude est souvent délibérément écarté lors de la conception et de l'analyse des projets parce que les décideurs ne veulent pas attendre leurs résultats, ou parce que les consultants qualifiés pour effectuer ce type de recherche, qu'ils soient nationaux ou étrangers, sont occupés à d'autres missions, ou encore parce qu'on les soupçonne de préventions contre l'organisme responsable du projet.

1.2. CE QU'APPORTE LA BOITE A OUTILS DU DIAGNOSTIC RURAL RAPIDE

Convenablement exécutées, les enquêtes et les exercices de planification appliquant les méthodes de DRR offrent plusieurs avantages.

Premièrement, le travail a un caractère interdisciplinaire, et fait intervenir les décideurs au même titre que les chercheurs, car il nécessite moins de temps et s'adapte à un calendrier plus souple. Il est ainsi possible de confronter les points de vue des chercheurs, décideurs et bénéficiaires. Si les décideurs et/ou les chercheurs se persuadent de l'importance d'un problème spécifique, ceci peut permettre d'obtenir des appuis institutionnels en vue d'effectuer des recherches classiques ou approfondies. Les décideurs seront pour leur part beaucoup plus enclins à approuver une étude de longue durée visant, par exemple, à évaluer les questions foncières dans la zone du projet, si l'un d'entre eux a participé à des travaux sur le terrain ayant clairement mis en évidence l'importance de ces questions dans le cadre du projet. Le plan de cette étude aura par ailleurs toutes chances de refléter les problèmes de façon plus réaliste grâce à la perspective interdisciplinaire dans laquelle elle se situera.

Deuxièmement, les techniques d'entretien ont un caractère plus ouvert que les questionnaires d'enquêtes statistiques, et réduisent les erreurs indépendantes de l'échantillonnage qui résultent d'un mauvais choix de questions et de l'absence de recoupements permettant de confirmer que l'enquêteur et son interlocuteur se sont bien compris.

Troisièmement, la panoplie d'outils employée dans le domaine de l'aménagement des ressources naturelles comprend plusieurs outils interactifs de collecte de renseignements par le biais d'entretiens approfondis avec la «clientèle» locale.1 Ces techniques permettent de structurer la discussion de telle sorte que les chercheurs et les personnes interrogées examinent la situation dans une optique commune. La cartographie est l'un de ces outils, et c'est précisément pour cela qu'elle fait désormais son apparition dans les études de terrain de plus longue durée et de caractère qualitatif.

Quatrièmement, les méthodes de DRR permettent - au même titre que les méthodes de recherche qualitatives de longue durée - de réexaminer les hypothèses en course de réalisation du travail de terrain, ce qui permet de reformuler les questions posées à la lumière d'informations nouvelles.

Encadré 1
Aperçu historique de la méthodologie de DRR utilisée en Recherche sur les Systèmes Agraires
La méthodologie de diagnostic rural rapide a été en partie élaborée sur la base des méthodes d'enquête utilisées en Recherche-Développement sur les Systèmes Agraires (R&DSA)2 mises au point par le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) et par les diverses institutions agricoles des pays hôtes. Les sociologues spécialisés en R&DSA ont conçu différentes approches, notamment (voir Chambers 1985):
  1. Le «sondeo» de Peter Hildebrand (Hildebrand 1981), dans le cadre duquel des équipes composées de 5 agronomes ou autres spécialistes techniques de l'agriculture et de 5 sociologues passent 5 jours sur le terrain en procédant, deux par deux (un spécialiste technique et un sociologue), par roulement, à des entrevues avec mise en commun des résultats en fin d'enquête;
  2. La «restitution aux paysans» de Robert Rhoades (Rhoades 1982), qui s'appuie sur des enquêtes informelles pour définir le problème et identifier les solutions au sein d'une équipe interdisciplinaire; l'intervention est ensuite mise à l'épreuve et soumise à l'évaluation des paysans, qui ont le dernier mot;
  3. Les «domaines de recommandations», proposés par L.W. Harrington (Harrington 1984), qui suggère que les agriculteurs soient groupés en fonction de divers critères en «domaines» aux fins des enquêtes de terrain et de la recherche appliquée. Ces domaines peuvent aussi servir à déterminer la portée des recommandations qui seront diffusées;
  4. Robert Chambers, dans «Agriculture Research for Resource-poor Farmers, Part 2: A Parsimonious Paradigm» (co-auteur, Janice Jiggins, Agricultural Administration and Extension, 27(2): 109–128, 1987), propose que la situation particulière et les contraintes caractérisant les agriculteurs démunis fassent l'objet d'enquêtes informelles et de recherches en matière de vulgarisation; l'attention se porte notamment sur l'accès limité au crédit, les contraintes quant à la disponibilité de la main-d'œuvre familiale, la mauvaise qualité des terres, ainsi que l'insuffisance de l'accès à l'irrigation et aux marchés rémunérateurs.
  5. «Diagnostic et conception» (D&C) du CIRAF (Raintree 1986) propose de définir les stratégies agroforestières au moyen d'enquêtes portant sur les arbres au même titre que sur les cultures, et sur les grands objectifs de production et de conservation, souvent omis en RSA, dans une perspective de productivité, de durabilité et de facilité d'adoption; enfin
  6. Le programme d'agriculture internationale (Cornell University) propose l'analyse régionale des systèmes agraires (Garrett et al, 1987), laquelle porte sur tous les aspects habituels, et inclut des questions bien conçues à poser dans le cadre d'enquêtes informelles sur les habitudes alimentaires et la situation nutritionnelle.
Toutes ces approches situent le diagnostic rapide dans la continuité d'un processus d'apprentissage permanent, les résultats acquis à chaque stade étant utilisés pour réévaluer les questions et les solutions projetées. Beaucoup de techniques d'entretien et d'enquête élaborées pour ces approches sont aisément applicables en foresterie communautaire. Il est particulièrement nécessaire de concevoir le système agraire dans son ensemble et de considérer les problèmes aussi bien dans la perspective de l'agriculteur que dans celle de la collectivité rurale, pour bien saisir notamment l'incidence que peuvent avoir les questions relatives à l'utilisation des terres sur le processus décisionnel de l'agriculteur individuel. Les contraintes particulières que subissent les agriculteurs démunis ont aussi leur importance dans la définition des interventions incluant des cultures arborées, des programmes d'amélioration des pâturages, ou des apports de ressources collectives qui requièrent des contributions en main-d'œuvre de la part de la communauté.
En ce qui concerne la méthodologie, les directives de RSA mettent notamment l'accent sur les points suivants:
  1. Fournir des repères pour créer un climat propice à l'entretien, 2) recueillir des informations en utilisant les unités de mesure traditionnelles, notamment pour les estimations de poids, de mesure et de temps, 3) établir une bonne relation avec la personne interrogée avant d'en venir aux questions sensibles, 4) encourager les personnes interrogées à orienter le débat vers les questions qui leur tiennent le plus à cœur, 5) discuter des résultats pendant tout le processus d'entretien, 6) enregistrer et au sein de l'équipe annoter les informations recueillies sur le terrain, afin de réduire au minimum les défaillances de la mémoire, enfin, 7) recouper les informations par l'observation directe et la cartographie.
Il existe plusieurs séries de directives en rapport avec les méthodes d'enquête et d'entretien en RSA. L'ouvrage de référence le plus complet à cet égard est celui de Shaner, Philipp et Schmehl (1982). Il comporte des appendices, ainsi qu'une discussion, dans le texte, sur les possibilités d'échantillonnage aléatoire non classique, les moyens d'établir le contact avec les groupes fréquemment exclus, notamment les femmes, les moyens de déterminer les structures de prise de décisions des agriculteurs, etc. Cet ouvrage n'évalue toutefois pas systématiquement les critères de choix entre les différentes techniques en fonction des situations. C'est un bon aide-mémoire pour les spécialistes des sciences humaines, mais il suppose que l'on possède une expérience suffisante des outils disponibles pour choisir de façon avisée ce que l'on va utiliser. Le programme de soutien aux systèmes agricoles de l'Université de Floride a aussi mis au point des documents de formation à la R&DSA (Odell, Odell et Franzel, 1986) qui comportent une bibliographie détaillée de la documentation relative à la recherche sur les systèmes agricoles.
Questions en suspens et lacunes de la méthodologie RSA
Pour concevoir et mettre en œuvre les activités agroforestières, les approches de la RSA, avec les modifications introduites par les spécialistes du D&C du CIRAF, sont du plus haut intérêt, notamment pour la foresterie communautaire. Nombre de techniques sont aussi applicables dans les enquêtes informelles faites au cours de visites sur le terrain en vue de la conception, de la supervision et de l'évaluation des projets. Il y a néanmoins cinq principales restrictions à l'application de l'approche RSA en foresterie communautaire et en planification de l'utilisation des terres.
Premièrement, la RSA ne s'intéresse guère à la population sans terres des régions rurales, qui est une cible toute particulière de la foresterie communautaire sur les terres publiques et communautaires.
Deuxièmement, la RSA est mal adaptée à la vaste gamme de situations dans lesquelles la collecte rapide d'informations s'impose pour la conception, le suivi et l'exécution de projets.
Troisièmement, la RSA ne fournit généralement pas de directives particulières pour conduire les négociations avec les groupes locaux en vue d'activités, telle la gestion des ressources collectives, ou faire participer les institutions bénévoles privées à des activités villageoises. Seule fait exception Rocheleau (1985), mais ses observations se limitent à l'Afrique.
Quatrièmement, la RSA ne se situe en général pas dans la perspective de longue durée qu'exige l'agroforesterie (à l'exception de la méthodologie D&C). Les recommandations relatives à la plantation d'arbres doivent tenir compte du système agricole future autant que du présent, de manière à conserver leur validité tout au long du cycle de croissance des arbres.
Cinquièmement, la RSA n'a pas encore abouti à une liste convenue d'indicateurs ou de variables soci-économiques applicables aux enquêtes sur l'utilisation des terres, pas plus qu'elle n'a produit une liste, admise par tous, d'indicateurs de substitution permettant d'évaluer indirectement les informations difficiles à obtenir.
Il importe de se souvenir lorsque l'on compare les outils de DRR et les méthodes de R&DSA, que ces dernières évoluent également très rapidement, et se nourrissent des nouvelles approches. L'Université d'Arkansas organise un colloque annuel sur la RSA, qui favorise d'importants échanges entre les nouvelles approches et permet le développement de recherches et d'analyses plus globales sur les systèmes agraires. C'est notamment le cas en ce qui concerne la recherche sur les zones d'altitude, où les associations de plantes pérennes et de plantes annuelles sont la norme.

1 Le terme «clientèle» est préférable au terme «bénéficiaires» parce qu'il exprime une relation active entre le personnel de projet et la population locale, alors que le deuxième a la connotation passive de qui ne fait que «recevoir» des bénéfices.

2 Note de l'éditeur: La terminologie adoptée dans la version française de ce document est la suivante: Farming System Research (FSR) = Recherche sur les systèmes agraires (RSA); Farming System Research and Extension (FSR/E) = Recherche-Développement sur les systèmes agraires (R&DSA).
De fait, les terminologies française et anglo-saxone ne sont pas strictement équivalentes et reflètent des différences d'ordre conceptuel. Par exemple, “certains concepts courants dans les RSA sont absents des FSR (itinéraires techniques, schémas d'élaboration du rendement); l'environnement socio-économique des exploitations agricoles, l'importance de l'histoire et de l'espace sont peu analysés; certains thèmes sont rarement abordés dans les FSR, en particulier les systèmes d'élevage et les relations entre les différents niveaux auxquels sont analysés les systèmes.
De nombreux programmes FSR incluent une composante «extension» (programmes FSR/E). La composante vulgarisation est quant à elle présente dans les démarches de Recherche-Développement (R&D) de l'école française, quoiqu'à la différence de l'approche anglo-saxone la vulgarisation n'inclut généralement pas le volet de formation des acteurs.” (adapté de INRA - Vocabulaire Français - Anglais - Systèmes Agraires et Systèmes de Production).
Ces considérations sont d'importance pour le lecteur francophone, pour mieux situer l'analyse de l'auteur, qui se limite en fait à l'examen des concepts anglo-saxons en rapport avec le DRR.

1.3. QUESTIONS DE METHODOLOGIE ESSENTIELLES AU BON USAGE DE LA BOITE A OUTILS

L'expression «convenablement réalisé» revient plusieurs fois dans ce qui précède. C'est justement là un des sujets de controverse en ce qui concerne l'applicabilité des méthodes de DRR à des fins très diverses, tant au cours de la planification des programmes que dans l'exécution des projets. Le DRR a les caractéristiques suivantes: a) rapidité: les résultats sont rapidement disponibles pour les décideurs; b) éclectisme: adaptation de diverses techniques d'entretien et d'enquête pour répondre à des objectifs spécifiques de collecte d'informations; c) vision d'ensemble: il donne une image multidisciplinaire de la situation locale; enfin, d) interactivité: il suscite le dialogue entre chercheurs et clientèle du projet.

La boîte à outils comprend des techniques d'entretien éprouvées et une méthodologie

Encadré 2
Aperçu historique du DRR comme outil de planification
Parallèlement à l'effort fourni en recherche sur les systèmes agraires en vue d'élaborer avec le DRR un outil diagnostique d'enquête, il faut citer le travail effectué par les organismes donateurs bilatéraux dans les années 70 pour mettre au point des approches de la planification qui prennet mieux en compte les attentes des populations. Ces organismes commençaient à constater que les stratégies de développement n'atténuaient pas la pauvreté comme on l'escomptait, et que l'ignorance des facteurs et des questions socio-économiques conduisait les projets à de graves échecs. Les praticiens du développement-souvent formés en sciences humaines-sensibilisés à ces problèmes, commencèrent alors à adapter les outils existants d'analyse et de collecte d'informations aux besoins de la planification. Il en est résulté une forme de diagnostic rapide qui utilisait de nombreux outils du DRR, tel qu'il est pratiqué en recherche-développement sur les systèmes agraires.

d'enquête adaptée aux fins spécifiques du travail de planification ou d'enquête que l'on effectue. Les décisions relatives à la méthodologie sont prises par les membres de l'équipe en fonction de leur expérience personnelle et de leurs connaissances professionnelles quant aux diverses manières de réduire les biais dans la collecte d'informations. La qualité d'une enquête de terrain faisant appel au DRR dépend donc étroitement de la compétence des personnes qui l'effectuent. La place que prend le facteur humain a donné lieu à une vive controverse à propos de la fiabilité des informations issues du DRR et de leur adéquation aux objectifs fixés.

1.4. LES LIMITATIONS A L'EMPLOI DU DIAGNOSTIC RURAL RAPIDE

Cette limitation est reconnue depuis que les techniques de DRR ont commencé d'être mises au point. Au tout début, cela ne posait pas de problème majeur parce que le DRR n'était utilisé que dans quelques cas, et était en général pratiqué par des cadres de formation poussée, ayant une bonne expérience du terrain, qui veillaient très attentivement aux questions de méthodologie. L'application du DRR dans le domaine de l'aménagement des ressources naturelles s'est aujourd'hui très largement diffusée, et la panoplie d'outils est actuellement adaptée à une vaste gamme d'objectifs, outre qu'elle est utilisée par des personnes de formations et de qualifications très différentes - sociologues de haut niveau, spécialistes techniques d'autres disciplines, directeurs de projets, vulgarisateurs de terrain, personnel de suivi et d'évaluation, et chercheurs moins confirmés d'institutions locales. Il n'existe encore guère de directives concernant le niveau minimum de formation requis pour en utiliser convenablement les différents éléments. Rares sont également les évaluations critiques des fondements méthodologiques des différentes techniques définissant les paramètres de base pour leur bonne mise en œuvre.

Pourquoi ces lacunes? Il faut distinguer plusieurs raisons: premièrement, la panoplie d'outils est relativement récente, et les problèmes qui résultent de son usage dans différentes situations commencent tout juste à être perçus et compris. Deuxièmement, ses applications sont très diverses, et ceux qui auraient pu élaborer des directives ont hésité à faire des observations de caractère général sur des questions de méthodologie, vu la variété des applications. Troisièmement, tant que les experts en DRR auxquels aurait incombé la responsabilité de formuler des directives et de conduire la formation étaient des sociologues professionnels, on estimait que les réponses aux dilemmes d'ordre méthodologique seraient de pur «bon sens» (pour citer Robert Chambers) - à savoir relèveraient des principes de base de la bonne pratique de la collecte de données, telle qu'on l'apprend à l'université ou au fil d'une longue expérience concrète des entretiens sur le terrain.

Encadré 3
Petit glossaire à l'usage du lecteur
GCRAIGroupe consultatif pour la recherche agricole internationale
Enquête diagnostiqueEnquête effectuée en R&DSA pour définir au départ les sujets de recherche d'intérêt pour les chercheurs
D&CDiagnostic et Conception
R&DSA
(FSR/E)
Recherche-développement sur les systèmes agraires: programme interdisciplinaire élaboré à l'intention du GCRAI et diffusé dans d'autres instituts agronomiques du monde entier.
CIRAFCentre international pour la recherche en agroforesterie
IDSInstitute for Development Studies, University of Sussex, Brighton (Royaume-Uni)
IIEDInternational Institute for Environment and Development, Londres (Royaume-Uni)
S&ESuivi et évaluation
ONGOrganisation non gouvernementale

Nous nous efforcerons ici de résumer les questions de méthodologie qui se sont posées lors de l'élaboration de la boîte à outils du DRR et de son application, pour que les personnes qui utilisent différents manuels et approches prennent conscience de leur existence. En outre, nous comparerons les solutions apportées à ces problèmes par différentes écoles, afin de faciliter le choix concret entre diverses solutions possibles. Nous souhaitons que la présente synthèse permette de faire un pas dans la voie de la résolution des problèmes, au moment où le recours au DRR se généralise et où l'expérience que nous en avons s'enrichit.

Les principaux tenants du DRR portent de plus en plus d'attention à la question de savoir si une formation appropriée aux différentes approches du DRR permet de résoudre les problèmes de méthodologie qui se posent. Les chercheurs de l'Université de Khon Kaen en Thaïlande, de l'International Institute for Environment and Development, de l'Université du Sussex en Grande-Bretagne, et du CIRAF au Kenya s'efforcent tous de convaincre les institutions des pays bénéficiaires qui tentent de se doter d'une capacité méthodologique dans ce domaine que la formation instantanée à la méthode n'est pas possible. Mais aucun consensus ne se dessine, même au sein de ce groupe de praticiens, en ce qui concerne les caractéristiques d'une formation appropriée de formateurs et de praticiens indépendants. Certains disent six mois, d'autres trois mois, d'autres encore six mois plus plusieurs années d'expérience pratique.

Nous consacrerons une section du présent document à l'analyse, relativement détaillée, des questions méthodologiques, et à la façon dont elles sont abordées dans le cadre des approches actuellement mises en œuvre.


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