Page précédente Table des matières Page suivante


Chapitre 4
Analyse de l'information: comprendre la situation foncière

Analyse de l'information

La patience et la détermination s'imposent quand on recueille les informations pour un diagnostic rapide, mais le véritable défi survient souvent au moment de l'analyse de celles-ci. Il convient en effet d'organiser toute l'information pour qu'elle soit cohérente et prenne un sens. Il faut également procéder à un tri, pour faire la différence entre les éléments importants et les éléments secondaires. De plus, il est nécessaire de bien réfléchir pour savoir pourquoi telle ou telle information est vitale et ce qu'elle représente pour des activités d'un projet ou pour des recommandations sur les politiques.

Dans le cas du diagnostic rapide, l'analyse est un processus continu. En revanche, les méthodes d'enquête traditionnelles différencient deux phases distinctes: la collecte d'informations et l'analyse de celles-ci. Dans un diagnostic rapide, l'analyse commence en fait sur le terrain. De nombreuses techniques de diagnostic rapide facilitent un dialogue analytique avec la communauté dans laquelle se déroule le travail. Il est probable, par exemple, qu'au cours de l'élaboration d'une matrice historique, les villageois commencent à réfléchir aux raisons des changements et à l'interaction entre les différents éléments de la matrice. De plus, tous les jours pendant la séance interactive, l'équipe passe en revue toutes les informations réunies, voit ce qui est important ou oublié, ou bien encore ce qui ne cadre pas. Ce niveau d'analyse est certes crucial et permet de progresser rapidement, mais la brièveté des délais et la nécessité de continuer à recueillir des renseignements pendant cette courte période ne permettent pas une analyse approfondie.

Dans le cas d'un DRR où l'information recueillie sera, en partie tout au moins, utilisée à l'extérieur du village, une deuxième réflexion analytique se déroule pendant les préparatifs de la réunion de rétro-information prévue pour les habitants du village. C'est une réunion cruciale, car elle permet de vérifier les informations avec les habitants et de partager l'ensemble des renseignements avec toute la population. En effet, même si quelques habitants ont participé aux travaux de l'équipe, il reste important de diffuser les résultats avec, sinon toute la communauté, au moins un groupe d'habitants représentatifs des différents intérêts de cette communauté.

Si l'on souhaite que cet exercice soit profitable pour les deux parties (l'équipe de chercheurs et les habitants), les enquêteurs doivent se donner une demi-journée, une fois que les trois quarts des travaux ont été effectués, pour passer en revue toutes les informations recueillies. Cela permet d'organiser celles-ci de façon cohérente, de repérer les principales lacunes restantes et de réfléchir à la manière de présenter les résultats de l'étude aux habitants du village pour avoir leur opinion. C'est à ce moment-là qu'il faut regrouper les renseignements en fonction de chacun des objectifs. On inscrit ceux-ci en haut de grandes feuilles de papier et, après mûre réflexion, l'équipe choisit les résultats les plus marquants en fonction de chaque objectif. Toute contradiction ou lacune identifiée en cours de discussion est aussitôt notée sur une autre feuille de papier et fera l'objet d'une vérification ou d'un complément d'information auprès des interlocuteurs. L'analyse reste encore à un niveau relativement superficiel, dans la mesure où toutes les informations n'ont pas encore été recueillies et où le temps manque pour effectuer ce travail en profondeur. Mais cela permet néanmoins à l'équipe de mieux cibler les activités des derniers jours et de faire un exposé cohérent aux habitants. De plus, on évite ainsi de possibles frustrations, quand on découvre de grosses lacunes dans le travail fait sur le terrain alors qu'on vient de regagner le bureau.

Dans un DRR, l'analyse complète de l'information se fera sans doute une fois que l'équipe a quitté le village. Si l'équipe a associé à ses travaux quelques habitants, il peut être intéressant de rester pour mener à bien avec eux l'analyse. Si cela n'a pas été le cas, un endroit tranquille permettra de procéder à l'analyse. Quoi qu'il en soit, il vaut mieux éviter de rentrer au bureau, où les demandes urgentes seront multiples. Il faut surtout que l'équipe travaille ensemble à cette analyse, car c'est alors que se fait la triangulation des perspectives des différents membres.

Dans un DRP, les phases analyse et planification se déroulent souvent ensemble. Pendant plusieurs jours, une fois les informations recueillies, toute la population participe à l'analyse et à la discussion des renseignements. Au moment de cette rétro-information, les divers membres de la communauté auront la possibilité de partager les renseignements qu'ils ont aidé à recueillir avec ceux qui n'ont joué qu'un rôle auxiliaire. Ce processus d'échange d'informations déclenche l'analyse de celles-ci, permet d'identifier les problèmes et stimule les recherches de solution.

Il y a de nombreuses façons d'organiser l'analyse des renseignements obtenus afin de commencer à leur donner un sens. On commence tout d'abord par compléter le regroupement de l'information par objectif, processus ébauché au cours de l'analyse préliminaire et que l'on peut cette fois-ci approfondir. Cette activité peut se faire en groupe, ou en sous-groupe, en attribuant un objectif à chaque sous-groupe qui, par la suite, se chargera de l'expliquer aux autres. Le but de cet exercice est de faire ressortir les principaux enseignements, après avoir extrait et regroupé les informations provenant des différentes activités sur le terrain.

Deux activités peuvent se révéler utiles pour organiser l'information spécifiquement recueillie sur les problèmes fonciers et les questions de prise de décision: le transect des régimes fonciers et la grille de décision sur la gestion des ressources.

Transect des régimes fonciers

Le transect des régimes fonciers (voir figure 9, page 56) diffère de celui qui est décrit au chapitre 3, qui était utilisé pour recueillir des informations. Cette deuxième forme de transect ébauche l'organisation et la réflexion sur les connaissances accumulées au cours de l'enquête sur le terrain. En bas du transect, sont inscrites toutes les «niches foncières» identifiées au cours de l'enquête, cette fois avec plus de précision. On ne se contentera plus des catégories «exploitation» ou «terres communautaires» si l'on possède davantage de renseignements et on introduira de nouvelles catégories: «champs proches du village», «champs éloignés du village», «vergers», «jardins de case», etc. Toutes les informations importantes sur la gestion ou les règles foncières en vigueur dans chacune des zones micro-écologiques seront inscrites dans l'espace correspondant.

Au cours de la phase suivante, on se penchera sur l'attitude des habitants vis-à-vis des problèmes fonciers dans chacune des zones. Les droits individuels sont-ils clairement définis, ou le sont-ils de façon vague? L'accès aux ressources de cette zone est-il aisé, ou les restrictions sont-elles nombreuses? Les limites sont-elles clairement définies et respectées ou bien sont-elles assez fluides? On aura peut-être constaté que, dans certaines régions, l'accès aux ressources et leur utilisation sont soigneusement définis et fortement régimentés. Les systèmes fonciers de ces zones peuvent être qualifiés de «fortement articulés». Dans d'autres zones, les règles paraîtront plus flexibles: même si elles existent, elles ne sont pas appliquées. La région sera classée comme une région de moindre articulation des systèmes fonciers.

Le transect foncier est représenté à l'aide d'un graphique regroupant des colonnes (ressources) qui indiquent le niveau d'articulation des régimes fonciers. Ce graphique permet simplement de réfléchir et de classer ces informations, et la méthode doit être adaptée pour faciliter l'analyse spécifique de la région étudiée. Son objectif est de pousser les membres de l'équipe à réfléchir sur les informations qui permettent d'interpréter les relations qu'illustre le graphique. Pourquoi certaines règles sont-elles plus strictes ou plus contestées dans certaines zones que dans d'autres? Quelles sont les conséquences pour la gestion des ressources et de nouvelles activités potentielles?

Figure 9: Transect des régimes fonciers

Figure 9

Source: Adapté d'une recherche citée dans Institutions and natural resource management in the Gambia: a case study of the Foni Jarrol district.

Grille de décision pour la gestion des ressources

Une deuxième activité facilite la classification des informations recueillies sur les systèmes de décision et les réglementations. Sur une grille (voir figure 10, page 58), on note les décisions qui sont prises et les règles qui s'appliquent en matière de gestion des ressources de la communauté, ainsi que les personnes impliquées dans ces processus. Les différentes ressources sont inscrites sous différentes rubriques dans la partie supérieure de la grille, et les différents niveaux de prise de décision sont énumérés les uns après les autres sur la colonne de gauche de la grille. Le premier niveau est le niveau individuel, suivi de la famille, du village, des autorités officielles, ou autre niveau pertinent pour l'enquête. Dans chaque case, on indique le type de décisions prises ou de réglementations adoptées au niveau considéré, et ce pour chacune des ressources. Par exemple, si les femmes décident quelle essence d'arbres couper et comment garantir la repousse, tout cela est inscrit dans la case décision individuelle/gestion des arbres. Le village entier peut prendre la décision sur les essences à couper, ou les autorités peuvent imposer des contraintes supplémentaires avec l'application d'un code forestier. Tout cela doit apparaître sur la grille dans les cases adéquates.

Cette grille indique où se prennent les décisions pour les diverses ressources; elle permet d'identifier les décisions qui sont le résultat d'un processus informel, peut-être même d'une démarche individuelle, et celles qui font l'objet de réglementations plus formelles élaborées à l'intérieur ou à l'extérieur de la communauté. C'est un outil qui, tout en n'étant pas forcément explicite quant aux différences de gestion de ressources de jure et de facto, devrait faire réfléchir à ces questions. Existe-t-il des contradictions entre les règles émanant de niveaux différents? Et si oui, lesquelles sont observées par la communauté? Dans le cadre d'un projet conçu pour influencer l'utilisation des ressources, la grille permet de voir à quel endroit il faut essayer d'agir: au niveau de l'individu, en essayant de le convaincre de changer ses habitudes? au niveau du chef de famille qui a le plus d'influence pour telle ou telle activité? auprès du chef du village ou du conseil des villageois afin qu'il légifère? auprès des autorités nationales pour faire appliquer une loi?

Figure 10: Grille de décision pour la gestion des ressources

Figure 10

Source: Inspiré d'un diagramme analytique tiré de Fields, fallow and flexibility: natural resource management in Ndam Mor Fademba, Senegal.

Maintenant que les morceaux du puzzle ont été mis en place, il faut essayer d'en tirer quelque chose de logique, et surtout de prendre un certain recul pour vraiment en comprendre la signification. Le schéma analytique de la communauté, des régimes fonciers et des ressources naturelles (voir figure 11) propose une méthode pour situer dans un tableau cohérent les informations recueillies. En permettant d'opérer une distinction entre la partie descriptive du travail et la partie analytique, il fait ressortir l'essentiel. Dans ce schéma, les rectangles correspondent aux éléments descriptifs nécessaires pour faire l'analyse. Les flèches entre les rectangles illustrent l'analyse nécessaire pour que l'équipe puisse concevoir les politiques ou les actions de développement les plus adaptées à la situation.

Figure 11: Schéma analytique de la communauté, des régimes fonciers et des ressources naturelles

Figure 11

Le schéma propose trois grandes catégories descriptives et soulève des questions fondamentales pour l'analyse des rapports qui existent entre ces catégories. La case descriptive située sur la gauche donne les caractéristiques de la communauté étudiée. On y indiquera par exemple de quoi vivent les habitants et quels sont les systèmes de production8. Y a-t-il surtout des agriculteurs, des éleveurs? Se partagent-ils entre de multiples activités économiques ou bien se concentrent-ils sur quelques-unes? Quelles sont les contraintes au niveau de la production? Dans cette case, on inscrit également la structure sociale de la communauté. A-t-on affaire à une société relativement égalitaire ou fortement hiérarchisée? Quels sont les droits et les rôles respectifs des hommes et des femmes dans la communauté? Comme il n'existe pas de communauté qui puissè survivre de façon isolée, cette case permet aussi de réfléchir au contexte politique, géographique et économique dans lequel s'insère le village. Est-il éloigné des marchés ou bien intégré? A-t-il une influence en termes politiques? Ce ne sont là que quelques exemples des sujets que l'on peut aborder à l'aide du premier rectangle, et leur importance sera étudiée plus loin.

Le rectangle descriptif situé au centre est consacré au système foncier et aux règles gouvernant l'utilisation des ressources. On y décrit les systèmes tels qu'ils sont utilisés dans la réalité et tels que les textes ou les administrations les envisagent. Ces renseignements devraient permettre de bien analyser leur interaction et de voir quel type de système semble s'imposer dans des conditions déterminées.

Ce n'est pas la description de la communauté et des règles qui y existent qui font de ce schéma un outil intéressant, mais l'explication des flèches analytiques entre les deux rectangles. On peut penser que les systèmes de réglementation de gestion des ressources ont été élaborés pour répondre aux besoins de la communauté et en fonction de la nature et de l'organisation de sa structure sociale. La flèche vers la droite permet donc de réfléchir sur les problèmes de la communauté et de se poser la question: «Comment les caractéristiques de cette communauté déterminent-elles la nature du régime foncier et le système de gestion des ressources?». Par exemple, une communauté qui pratique uniquement une agriculture pluviale et sédentaire, et dont la structure sociale est relativement égalitaire, disposera d'un système de règles complètement différent de celui d'une communauté qui vit de l'élevage et qui est dominée par quelques familles riches. L'essentiel est de réussir à saisir quelles sont les caractéristiques de la communauté qui permettent de comprendre son système de réglementation, et il faut surtout insister sur la compréhension de ces facteurs.

La flèche qui se dirige vers la gauche montre qu'il ne s'agit pas là d'une relation à sens unique. Les communautés ne se contentent pas de réglementer; elles sont aussi influencées par leurs propres règlements et par ceux de l'extérieur. Ces règlements, par exemple, peuvent avoir une influence sur les stratégies économiques des habitants, en fonction de leurs possibilités d'accès aux ressources. Une règle peut renforcer ou aller à l'encontre des pratiques les plus répandues dans la société. Il est très utile de chercher à identifier comment la communauté est influencée par les règles de la gestion des ressources qu'elle s'est imposées ou qui lui ont été imposées de l'extérieur.

La troisième case descriptive, sur la droite, sert à classer les observations sur les ressources naturelles fondamentales. Lesquelles sont abondantes? Y a-t-il des pénuries? Quelles sont les ressources exploitées? Celles qui ne le sont pas? Peut-on parler d'améliorations ou de dégradations? Il est nécessaire de pouvoir décrire les situations, mais, encore une fois, la démarche la plus intéressante consiste à extrapoler de façon analytique ce qui est caché derrière les flèches qui vont de la case «règles» à la case «ressources». Pour ce qui est de la flèche vers la droite, il convient de déterminer si certaines règles encouragent ou découragent une utilisation des ressources qui soit durable, équitable et efficace.

Il existe par exemple des règles, au sein de certaines communautés, qui garantissent à tous l'accès aux ressources (système équitable), mais en revanche il n'y a pas de dispositions pour protéger ces mêmes ressources contre une exploitation trop intensive (d'où une menace pour la durabilité). Dans d'autres cas, des règles strictes garantiront une exploitation à long terme des ressources forestières, mais exclueront du coup une partie de la population, ce qui posera des questions d'équité. Il existe même des règles qui interdisent à presque tous l'accès de certaines forêts, et ce pratiquement en permanence. Cela garantit certes la pérennité des ressources, mais peut-on parler dans ce cas d'un système d'utilisation efficace?

La flèche vers la gauche qui va de la case «ressources» à la case «règles» soulève également un problème analytique important. Il est évident que les règlements ont une influence sur les ressources, mais la nature des ressources influence elle aussi les règles qui sont élaborées et la façon dont elles sont appliquées. L'abondance ou la pénurie des ressources pourront expliquer certaines variations des réglementations. Les règlements pourront aussi être appliqués de façon différente en fonction de l'importance accordée à une ressource donnée.

Les schémas sont toujours forcément un peu simplistes, mais, dans ce cas-là, le schéma facilite les premières réflexions de l'équipe sur les rapports qui existent entre les renseignements recueillis sur la communauté, le système foncier et ses conséquences sur l'environnement naturel. Il permettra à l'équipe de mieux se concentrer sur les données fondamentales pour comprendre les relations qui sous-tendent les règlements, ainsi que les conséquences de ces règlements sur une utilisation durable des ressources et sur le bien-être de la communauté. Cependant, pour que ce schéma soit utile, il est vital qu'il ne soit pas considéré comme un modèle statique, mais plutôt comme un processus dynamique en évolution et adaptation permanentes. La flèche qui va de la case «ressources» à la case «communauté» en témoigne. L'amélioration ou la dégradation de la base de ressources aura des conséquences importantes pour la communauté, ses systèmes de production et de subsistance. Par la suite, ce sont les règles de gestion qui changeront, ce qui affectera à son tour la base de ressources. C'est pourquoi, si l'on veut avoir en fin d'étude des informations valables, il ne faut jamais oublier de tenir compte de l'évolution des processus dans le temps.

Au fur et à mesure de l'analyse, il convient de se rappeler que la recherche-action n'est pas uniquement entreprise pour documenter une situation et décrire une réalité sur le terrain, et que la compréhension des problèmes des personnes concernées doit déboucher sur une recherche de solutions. Il est impératif de s'arrêter de temps à autre en cours d'analyse pour se demander «Qu'y a-t-il d'important dans ce que nous avons appris?» ou «Dans quelle mesure ce que nous avons appris a-t-il une influence sur la façon dont les gens vivent dans la communauté?» ou bien encore «Comment cette information peut-elle être utilisée pour améliorer la situation?». Si l'étude est réalisée pour le compte d'un projet, on peut se demander: «Qu'avons-nous appris qui nous permette de faire en sorte que le projet soit utile pour la population locale?». Si personne au sein de l'équipe n'entraîne de lui-même les autres membres à creuser ces questions, il sera sans doute bon de désigner un responsable pour entamer ce genre de discussions en cours d'analyse.

Rédaction du rapport

Les types de rapport varient d'une enquête à l'autre; comme pour la collecte d'informations, on ne peut pas recommander une recette qui garantisse un bon rapport de diagnostic rapide. Cependant, ce manuel indique quelques caractéristiques d'un bon rapport et avance quelques suggestions pour en faciliter la rédaction.

Alors qu'au cours de l'analyse tous les membres de l'équipe étaient impliqués, le travail de rédaction du rapport pourra être confié à une seule personne ou à un petit groupe, ou bien il sera partagé entre tous les membres de l'équipe. Cela dépend de plusieurs facteurs: talents de rédaction, bonne volonté, disponibilité et considérations logistiques. Mais, même si plusieurs personnes participent à la rédaction, on désignera un auteur principal ou un rédacteur, et c'est cette personne qui devra s'assurer de la cohérence entre les différentes parties, corriger les lacunes ou répétitions éventuelles entre les sections rédigées par diverses personnes. Il est bon que tous les membres de l'équipe aient la possibilité d'examiner l'avant-projet du rapport complet pour pouvoir, s'ils le souhaitent, proposer des corrections ou des amendements. C'est une autre facette de la triangulation, et les auteurs ne doivent pas prendre ces corrections comme des critiques de leur travail.

Un rapport de diagnostic rapide doit chercher à refléter la richesse des informations recueillies au cours de l'étude, mais il ne faut pas pour autant y retranscrire par le menu tous les renseignements obtenus sur place. C'est pourquoi une analyse minutieuse avant la rédaction permet de passer au crible les informations, afin de faire le tri de ce qui important pour l'enquête et de ce qui est secondaire. Un deuxième tri est effectué au cours de la rédaction pour faire ressortir et détailler les points fondamentaux.

Il existe plusieurs façons d'organiser un rapport de diagnostic rapide, et l'encadré ci-après n'est qu'un exemple parmi d'autres, qui peut être adapté ou dont l'ordre peut être modifié en fonction des résultats de l'enquête. Ce qui est crucial, c'est que les informations s'enchaînent de façon logique et s'articulent autour de thèmes. En aucun cas, il ne faut transformer le rapport en résumé des activités de terrain ou aligner les diagrammes réalisés sur le terrain les uns après les autres.

 Exemple de plan d'un rapport de diagnostic rapide 
Chapitre 1.Introduction/contexte/méthodologie
 Introduction/contexte
 
Le pourquoi de l'étude
 Méthodologie
 
Objectifs de l'étude
 
L'équipe
 
Le choix du (des) site(s)
 
Activités
 
Limites de l'étude et problèmes rencontrés
 
Chapitre 2.Introduction au village/objectif1
 Introduction au village
 
Emplacement
 
Histoire
 
Structure sociale
 
Economie
 Objectif 1
 
Chapitre 3.Objectif 2
Chapitre 4.Objectif 3
Chapitre 5.Objectif 4
Chapitre 6.Conclusions/recommandations
 

Dans la première section (introduction/contexte), on explique brièvement pour qui est réalisée l'étude et dans quel but. Si celle-ci est menée dans le cadre d'un projet, on expose rapidement les objectifs du projet et on situe l'étude au sein du cycle des activités du projet. Une deuxième section, très importante, est consacrée aux questions de méthodologie. Pour que l'information soit crédible, les lecteurs doivent savoir comment elle a été obtenue. C'est une bonne idée d'expliquer rapidement ce qu'est un diagnostic rapide. On indique par la suite la composition de l'équipe, l'expertise et les perspectives de ses membres, ainsi que le rôle de tous les habitants de la communauté qui se sont joints à l'équipe. On donne les raisons du choix du site de l'étude, site représentatif ou site exceptionnel. Le paragraphe suivant évoque brièvement les activités sur le terrain, qui seront indiquées de façon plus détaillée avec leur calendrier en annexe. Tous ces renseignements sont précieux pour que le lecteur soit à même d'apprécier les efforts de triangulation entre les membres de l'équipe, les outils et les interlocuteurs. Le paragraphe consacré aux métholologies mentionnera pour finir les difficultés rencontrées sur le terrain. Si l'équipe n'a pas pu éviter certaines distorsions, par exemple le fait de n'avoir pas pu dialoguer avec la composante féminine de la population, il est bon de le dire franchement. Les lecteurs feront davantage confiance aux auteurs s'ils se rendent compte que ceux-ci se sont efforcés de contrôler la qualité des travaux et sont conscients de leurs limites.

Les chapitres suivants du rapport étudient tour à tour chacun des objectifs, dont la rédaction sera facilitée si le canevas du rapport est déjà articulé autour des objectifs. Un tableau d'ensemble de la région ou du village étudié peut servir d'introduction au premier objectif, et il est utile de donner quelques informations sur les sujets, comme l'emplacement du village, sa composition ethnique, l'histoire, l'économie locale et les conditions de vie de la population.

Il faut s'efforcer de transmettre ces informations de façon claire et aussi intéressante que possible. Cela revient à peu près à raconter une histoire sur le village que l'on a étudié. En cas de difficultés de rédaction, une discussion orale avec un collègue ou un ami permet parfois de mettre un peu d'ordre dans ses idées, car il est souvent plus facile de coucher sur papier quelque chose que l'on a déjà raconté oralement à un tiers. Les arguments avancés doivent être soutenus par les diagrammes et les outils de la recherche; ceux qui sont pertinents sont inclus dans le rapport pour illustrer ce qui y est expliqué. Dans ce cas-là, il faut effectuer un lien entre le diagramme et le texte, sans pour autant expliquer le diagramme par le détail. On se contente d'attirer l'attention du lecteur sur un ou deux points importants.

Le dernier chapitre essaie de tirer les conclusions de l'étude et de faire des suggestions pratiques sur ce que l'on peut faire avec ces informations. Si le dernier objectif est de présenter un résumé ou une synthèse, on peut alors envisager de fusionner le dernier objectif et les conclusions en un seul chapitre.

Si on a eu recours à un schéma analytique comme celui de la figure 11 pour faire le lien entre les différentes parties de l'étude, il vaut mieux placer cette analyse intégrée au dernier chapitre, car c'est la «sauce» qui lie tous les ingrédients mentionnés dans les sections précédentes. Pour la logique du rapport, il convient de s'assurer que tous les ingrédients nécessaires à la sauce aient été présentés et suffisamment expliqués dans les chapitres descriptifs. Inversement, il ne faut pas perdre de temps à introduire et à discuter des ingrédients qui ne seront pas incorporés dans la sauce. Si tout cela est bien fait, le dernier chapitre sera consacré aux questions analytiques et reprendra les recommandations qui résultent de l'analyse, sans se perdre pour autant dans de longues descriptions.


Page précédente Début de page Page suivante