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LES OUTILS (Continuer)

OUTIL 12
EVALUATION DES TAUX DE SURVIE DES PLANTATIONS

OBJECTIFS ET FINALITE DE L'OUTIL

L'évaluation des taux de survie des plantations sert à:

QUALITES ET AVANTAGES PRINCIPAUX

  1. Le test sert d'indicateur d'alerte dans les domaines technique et social.

  2. Les taux de plantation peuvent être ajustés pour maintenir les densités de peuplement voulues.

  3. On peut faire des comparaisons entre les communautés.

  4. La qualité des plants de pépinière peut être déterminée (on disposera d'informations sur l'origine des semences, la manutention et la plantation, mais il s'agit alors davantage d'un contrôle de la qualité que d'une évaluation des taux de survie; cette détermination se fait peu après la plantation).

RESSOURCES NECESSAIRES

Temps:prévoir un certain temps pour déterminer pourquoi les agriculteurs veulent évaluer les taux de survie, et comment s'y prendre.
Coût:varie en fonction de la méthode, mais minime.
Formation:des compétences permettant de déterminer les causes de mortalité et de définir les échantillons et la méthode d'échantillonnage.

DESCRIPTION DE L'OUTIL

L'évaluation des taux de survie se pratique de deux manières au moins. L'une est commode si la survie doit être mesurée à grande échelle, sur l'ensemble des arbres qui ont été plantés; elle se justifie si les agriculteurs ou la communauté ne tiennent pas de registres. Un échantillon représentatif permet d'avoir un ordre de grandeur de la survie. Cette méthode permet accessoirement de découvrir les raisons de la mortalité des arbres.

L'autre solution, à savoir un comptage à l'échelle des exploitations, est praticable si les agriculteurs ou la communauté tiennent des registres. On utilise alors un échantillon emprunté à leurs registres pour représenter l'ensemble des plantations communautaires.

PRATIQUE DE L'OUTIL

  1. Déterminer (en parlant avec les bénéficiaires) pourquoi un test de survie serait utile, comment ils pourraient tirer parti de l'information, de quelles informations ils ont besoin.

  2. Planifier l'évaluation, en tenant compte des informations requises. Il faudra le cas échéant prendre en compte divers paramètres: configuration de la plantation (parcelles boisées, cultures en allées, plantation de ceinture, cultures mixtes, plantation espacée de plein champ, etc.), composition par espèces, causes possibles de mortalité (climatiques, bétail en pâture, etc.), site (humide/sec, fertile/pauvre, etc.).

  3. Décider comment l'évaluation sera administrée. Les solutions sont nombreuses:

    1. au moment de la distribution des jeunes plants, donner à chaque individu une fiche portant le nombre de plants de chaque espèce qu'il reçoit. Demander de rendre la fiche en notant le taux de survie lors de la campagne de plantation suivante;
    2. les taux de survie peuvent figurer dans le registre personnel de l'agriculteur (outil 15). Si tel est le cas, on peut travailler sur un échantillon représentatif de ces enregistrements;
    3. si l'on pratique la planification à l'échelle des exploitations, choisir un échantillon représentatif de celles-ci et faire le test dans quelques-unes;
    4. si l'on n'a pas gardé d'enregistrement de la distribution des jeunes plants, il faut faire un inventaire des plantations en l'état, et effectuer les mesures à compter de ce moment;
    5. dans les petites communautés, les cartes où l'on note les ménages ayant reçu des plants, les espèces et les taux de survie permettent de faire des comparaisons à intervalles réguliers;
    6. les parcelles de démonstration (clôturées et plantées de jeunes arbres, qui bénéficient d'une protection maximum) peuvent servir de référence; elles sont utiles si le facteur protection est limitant.

  4. Il est certainement judicieux de pratiquer l'échantillonnage représentatif. Stratifier l'échantillon en fonction des caractéristiques du site, des techniques d'agroforesterie, des espèces, de la taille, des unités agricoles, ou des programmes, etc.

    Une fois que l'échantillon est stratifié, décider s'il vaut mieux avoir un échantillon permanent (revenir tous les ans aux mêmes arbres) ou temporaire (compter seulement les arbres plantés à la campagne précédente).

    Si l'on veut travailler avec précision, il faudra disposer de statistiques de base. Se faire aider avant de commencer l'enquête si l'on veut des données tout à fait fiables ou si l'on n'est pas sûr de la méthode d'analyse statistique.

    Nota: les parcelles d'échantillonnage permanent posent beaucoup de difficultés, car bien des espèces à croissance rapide se prêtent mal à la détermination de l'âge exact des sujets, et les étiquettes se perdent. Si l'on tient à utiliser cette méthode, il est préférable d'établir un plan détaillé de la parcelle et d'y noter les dates de plantation.

  5. Il importe de décider quand procéder à l'échantillonnage pour mesurer la survie. Il y a quatre périodes distinctes auxquelles on peut vérifier l'état des arbres: veiller à bien définir celle où l'enquête a lieu de se faire, et être systématique par la suite.

    1. Comptage initial: surtout pour évaluer la qualité de la plantation et de la manipulation.
    2. A la fin des périodes difficiles: sécheresse, pluie, attaques de ravageurs, gel, etc. (c'est ce que l'on entend généralement par mesure des taux de survie au sens strict).
    3. Au stade de croissance libre, qui est fonction de nombreux facteurs spécifiques, comme la hauteur au-dessus de l'étage fourrager ou de la végétation concurrente.
    4. Après les interventions d'éclaircissage, c'est-à-dire quand on est parvenu à la densité optimale de peuplement.

PRECAUTIONS D'UTILISATION

Ces méthodes d'échantillonnage donnent une assez bonne estimation des taux de survie, mais ne sont pas nécessairement valables du point de vue statistique. Ce qui importe le plus, c'est que l'enquête donne des résultats acceptables à diffuser aux bénéficiaires.

Les comptages se font une fois le facteur de contrainte éliminé, à savoir après la sécheresse, après le passage des troupeaux, après les phénomènes saisonniers (vent, pluies et inondations), etc. Compter les plants avant ne donne aucune garantie de fiabilité, quoiqu'une vérification rapide permette de se faire une idée des besoins de repeuplement.

Ces enquêtes sont un excellent outil de conduite, mais pas un indicateur de réussite.

Etre prudent quand on identifie les ménages dont les arbres ont un faible taux de survie, ou dont la pratique forestière est médiocre. Leur désignation en public est facteur de division et de désolidarisation dans la communauté.

Etre cohérent et systématique dans la réalisation des mesures, car elles doivent donner des résultats fiables et réutilisables. S'en tenir à l'échantillon et aux méthodes fixés au départ, faute de quoi les résultats ne seront pas comparables.

EXEMPLES D'UTILISATION

Des mesures de taux de survie des arbres ont été effectuées en Inde dans le cadre d'un projet villageois de foresterie. Dans chaque village, le “forestier local” était muni d'une carte du lieu et marquait un point de couleur pour chaque espèce plantée dans le village et ses environs. Si l'arbre mourrait, il devait tracer une petit cercle autour du point. Chaque forestier remettait ses relevés à l'équipe du projet, qui analysait les données et rendait compte des résultats aux villageois, sous forme de graphiques simples, ce qui permettait à chacun de visualiser les taux de survie par espèce et par village. Les cartes, qui étaient exposées au village, permettaient de repérer l'endroit où les arbres n'avaient pas survécu, donc qui en était responsable, ainsi que les espèces et les sites peu satisfaisants.

OUTIL 13
SUIVI DE LA RECHERCHE-ACTION PARTICIPATIVE

OBJECTIFS ET FINALITE DE L'OUTIL

Quand on pratique la recherche-action participative dans des domaines liés à la foresterie, les outils de suivi (rendements, registres de parcelles expérimentales, bacs de sédimentation) sont utiles pour:

QUALITES ET AVANTAGES PRINCIPAUX

  1. Ces outils permettent de déterminer quelles recherches sont utiles aux agriculteurs.

  2. Ils produisent des informations utiles aux organismes extérieurs de recherche pour planifier leurs travaux futurs.

  3. Ils permettent d'effectuer la recherche au vu et au su de la population locale.

  4. Ils montrent aux agriculteurs les changements (positifs ou négatifs) qu'entraînent les interventions.

  5. Ils réduisent les risques associés à la promotion et à l'adoption à grande échelle d'une technique donnée.

  6. Ils permettent d'accélérer l'adoption ou le rejet de techniques nouvelles.

  7. Ils permettent le cas échéant de renforcer les méthodes de vulgarisation participative.

DESCRIPTION DE L'OUTIL

Un certain nombre d'outils sont inclus dans cette catégorie, chacun d'entre eux pouvant servir au suivi d'aspects particuliers de la recherche-action participative. Ils reposent tous sur la mesure cohérente, comparative et systématique de certains indicateurs-clés qui doivent mettre en évidence les effets des interventions.

Rendements

Les agriculteurs (ou les communautés) mesurent et enregistrent les informations. Un livret spécial peut être utilisé à cet effet, ou une partie spéciale du registre personnel des agriculteurs (ou de la communauté) (outil 15).

Bacs de sédimentation

Voici un exemple d'ouvrage physique simple qui permet de suivre les effets d'une intervention pouvant avoir une incidence sur la stabilité des sols. Les agriculteurs (ou la communauté) construisent les bacs, puis mesurent et enregistrent les résultats.

Parcelles expérimentales

RESSOURCES NECESSAIRES

Temps:variable selon l'outil, mais les réunions et l'action consécutive peuvent demander beaucoup de temps.
Coût:variable selon l'outil, mais en général minime.
Formation:si le personnel de projet n'a aucune expérience des méthodes de recherche, il aura sans doute besoin d'aide pour organiser les parcelles expérimentales. Mais si l'on est attentif, une grande partie des recherches pourront être faites par les agriculteurs eux-mêmes.

UTILISATION DE L'OUTIL

  1. Organiser une réunion du personnel de terrain et des bénéficiaires pour discuter des interventions et des pratiques d'aménagement qu'ils veulent tester, des méthodes qu'ils souhaitent pratiquer (choix des parcelles d'essai et de contrôle, mesure des rendements avant et après traitement), des modalités de mesure et de la méthode de mesure.

  2. Le personnel de projet et certains membres influents de la communauté doivent ensuite élaborer en détail l'outil de suivi (livret spécial ou section du registre personnel des agriculteurs ou de la communauté (outil 15).

  3. Quelques méthodes de contrôle et de suivi:

Bacs de sédimentation:

Parcelles expérimentales:

Rendements:

PRECAUTIONS D'UTILISATION

Ne pas “geler” des terres productives pour des essais si les rendements, donc la survie des agriculteurs, risquent d'en souffrir.

L'attention accrue portée à certains agriculteurs risque de les conduire à s'occuper plus des parcelles d'essai (désherbage, arrosage, etc.) qu'à la parcelle témoin, ce qui fausse les résultats.

D'autres facteurs sont susceptibles d'influencer les résultats des recherches: pluies exceptionnelles aggravant les phénomènes érosifs; utilisation de semences améliorées augmentant la productivité; durée de la jachère avant plantation influant sur la productivité, etc.

Les résultats sont d'autant plus fiables que la période prise en considération est plus longue, aussi faut-il se garder de prendre des décisions fondées sur l'expérience d'une période trop courte.

EXEMPLES D'UTILISATION

Dans un projet de World Neighbour, au Mali, les agriculteurs ont identifié leurs besoins de recherche: ils n'étaient pas satisfaits de la qualité de la nouvelle variété de mil précoce qui venait d'être introduite. Le personnel du projet a guidé le débat. En évaluant les différentes techniques, les agriculteurs ont décidé de la manière de conduire des essais. Dix personnes ont choisi de travailler sur de petits lopins (carrés de dix pas de côté), sur leurs propres terres. Chacun représentait l'une des principales variables présentes dans la communauté (sol fertile ou pauvre; plateau ou bas-fond; semis précoce ou tardif, etc.). Les agriculteurs ont compris d'eux mêmes qu'il fallait aussi avoir des parcelles témoins, et utiliser la variété locale de mil à proximité immédiate des parcelles d'essai.

Après la récolte, une évaluation a été organisée à l'échelon de la communauté. Chacun a fait part de sa propre évaluation des résultats, sur la base des critères convenus ensemble: rendement, goût, résistance à la sécheresse et aux ravageurs, qualités de conservation et de commercialisation. Les écarts entre résultats ont été discutés, et le groupe a convenu que la nouvelle variété ne devait être utilisée que dans des conditions particulières.

L'expérience a révélé “une aptitude remarquable des agriculteurs à mettre à l'épreuve les techniques nouvelles, à analyser les résultats et à formuler des recommandations d'utilisation”. (ILEIA, 1988)

En Afrique de l'Est, une petite ONG a fait appel à des membres de la communauté ayant reçu une formation comme vulgarisateurs bénévoles pour évaluer annuellement les nouvelles interventions agroforestières dans les villages voisins. A la suite de ces missions d'évaluation, les villageois-vulgarisateurs se sont réunis régulièrement en séminaire pour mettre en commun leurs observations. Au cours d'une de ces discussions, ils ont par exemple analysé les différences observées après traitement en taillis. D'autres études ont été suggérées et des essais en parcelle de démonstration ont été prévus à l'initiative et sous la responsabilité des agriculteurs. Cette solution permettait d'évaluer différentes techniques sans risques pour les plantations privées.

OUTIL 14
ELABORATION ET UTILISATION DE CARTES

OBJECTIFS ET FINALITE DE L'OUTIL

Cet outil permet:

QUALITES ET AVANTAGES PRINCIPAUX

  1. Cet outil peut s'utiliser périodiquement pour observer les changements.

  2. C'est un outil de suivi largement accessible.

  3. Il demande moins de temps que d'autres, et permet à lui seul de suivre les effets de plusieurs interventions.

  4. Il donne une vue générale de l'évolution de la communauté. Il est précieux pour le suivi de l'aménagement des terres forestières et des bassins versants par la communauté.

  5. Il permet d'éviter ou de régler les conflits relatifs à l'allocation de terres dès le début du projet.

  6. Grâce à cet outil les communautés peuvent visualiser, parfois pour la première fois, les liens d'interdépendance entre les modes d'utilisation des terres.

  7. L'élaboration et l'utilisation de cartes constituent un instrument polyvalent, qui sert d'abord à la planification, puis au suivi, et enfin à l'évaluation.

DESCRIPTION DE L'OUTIL

On utilise des cartes du commerce, des cartes établies par le groupe et le cas échéant des photographies aériennes pour aider à planifier l'utilisation des terres et à réaliser le suivi du changement en la matière.

RESSOURCES NECESSAIRES

Temps:variable selon la capacité de la communauté à apprendre et à assimiler l'emploi de cet outil, en vue de la planification ou du suivi.
Coût:la photographie aérienne est coûteuse si l'imagerie n'est pas déjà disponible. On peut travailler sur des cartes du commerce, ou la communauté peut dresser les siennes (voir Dessin et Discussion, outil 2), auquel cas la dépense est minime. Utiliser du papier de bonne qualité, surtout si les cartes doivent être réalisées par la communauté et servir régulièrement et longtemps.
Formation:minime. Etre familiarisé avec l'usage de cartes. L'animateur doit être capable de faire participer le groupe à l'élaboration des cartes.

UTILISATION DE L'OUTIL

  1. Présenter aussi bien le concept de cartographie (utilisation et élaboration) et de photographie aérienne que le but de ce travail devant des groupes de 5 à 7 personnes (ces petits groupes peuvent réunir des représentants de plusieurs catégories de la communauté).

    Pour la planification, les différentes solutions à l'étude en matière d'utilisation des terres ou d'activités du projet peuvent être représentées directement sur la carte, ou être superposées (support transparent).

    Pour le suivi, les faits nouveaux doivent être régulièrement reportés sur la carte ou la photographie (mise à jour après chaque campagne par exemple).

    Pour l'évaluation, le mieux est de comparer des cartes ou photographies distinctes.

  2. Sur les cartes et les photographies, il faut commencer par mettre en évidence les repères naturels du paysage (nom local des lacs et cours d'eau, routes, bâtiments). Les autres zones se reconnaissent par rapport à ces repères.

    Un transparent à superposer, où sont représentés les points ou zones d'importance (pâturages communaux, fermes, forêts domaniales, etc.), est à conseiller si l'on travaille sur des photographies aériennes.

  3. Quand on travaille avec des membres de la communauté ou avec les bénéficiaires, on a le choix entre plusieurs façons de procéder. On peut demander d'établir, individuellement ou en groupe, plusieurs cartes du territoire communautaire, que l'on comparera pour en faire la synthèse en une seule grande carte. Cette solution est particulièrement indiquée si différentes couches sociales doivent intervenir, car ce sont des perceptions différentes de l'utilisation des terres qui vont se manifester; discuter de ces différences permet parfois à la communauté de résoudre les problèmes avant qu'ils ne se posent.

  4. Pour la micro-planification, à l'échelle des exploitations, chaque agriculteur peut dresser sa propre carte (de même pour le suivi et l'évaluation); les différentes cartes sont ensuite combinées pour représenter tout le territoire communautaire.

  5. Il importe de travailler sur des cartes ou du papier de bonne qualité, et de conserver ces documents en lieu sûr pour pouvoir s'y reporter par la suite.

PRECAUTIONS D'UTILISATION

Il est parfois difficile de se procurer des photographies aériennes, et elles sont coûteuses. Elles peuvent aussi présenter des difficultés de lecture et d'interprétation.

Comparer les cartes établies par différentes personnes peut éveiller des susceptibilités, soit par sentiment d'infériorité, soit par mauvaise volonté à reconnaître certains faits.

Des conflits peuvent survenir quand apparaissent des inégalités, ou renaissent de vieilles querelles.

Des recoupements sont nécessaires pour valider les perceptions de l'ensemble de la communauté.

Si le travail de cartographie se fait à l'échelon du groupe entier, certaines personnes risquent de dominer ou de diriger l'élaboration de la carte.

EXEMPLES D'UTILISATION

Rocheleau (1988) estime qu'une série de séances de cartographie et de visites sur le terrain, en début de projet et régulièrement par la suite, permet de suivre l'avancement, de déceler les problèmes et de découvrir des possibilités nouvelles en agroforesterie.

Au Népal, la photographie aérienne est devenue d'usage courant pour la planification communautaire de l'utilisation des terres. Une fois les éléments caractéristiques du paysage identifiés, la technique est facilement acceptée.

OUTIL 15
REGISTRES DES AGRICULTEURS (OU DE LA COMMUNAUTE)

OBJECTIFS ET FINALITE DE L'OUTIL

Les registres tenus par les agriculteurs ou par la communauté permettent de suivre et d'analyser les effets des interventions forestières afin de:

QUALITES ET AVANTAGES PRINCIPAUX

  1. La communauté se fonde sur ses propres sources d'information pour juger de l'opportunité des changements recommandés.

  2. L'outil est applicable à tous types d'interventions forestières: agroforesterie, plantations mixtes, boisements fourragers sur berges, parcelles boisées communautaires, petites entreprises de transformation des produits forestiers.

  3. Il permet de comptabiliser les apports (semences, fumure, outils, main-d'oeuvre) et les produits (accroissement des rendements, perches, fourrage, produits forestiers secondaires).

  4. Il permet un suivi de ce qui est important pour les agriculteurs et la communauté au niveau des apports et des produits.

  5. Il fournit des données de recherche sur l'exploitation qui permettent, comparativement, de définir les priorités futures de recherche.

  6. Il produit des informations spécifiques au site et à la situation, présentées de façon homogène.

  7. Il ne suppose pas nécessairement que l'on sache lire et écrire.

DESCRIPTION DE L'OUTIL

On utilise un livret, collectif ou individuel, conçu en fonction des particularités locales. Choisir les indicateurs avec les bénéficiaires. Distribuer les livrets réalisés par le personnel du projet aux bénéficiaires concernés en leur expliquant brièvement comment enregistrer les données. Le livret présente des procédures simples, étape par étape, pour le suivi et l'analyse.

RESSOURCES NECESSAIRES

Temps:un certain temps est nécessaire. Réunions entre bénéficiaires et agents de terrain pour discuter de l'idée. Conception et amélioration du livret. Distribution. Action consécutive (avec visites périodiques de vulgarisation). Réunions entre bénéficiaires et agents de terrain pour faire la synthèse et analyser les informations.
Coût:réalisation et reproduction des livrets.

UTILISATION DE L'OUTIL

  1. Animer les discussions. Aider les bénéficiaires à identifier l'objectif du suivi; la méthode générale qui sera appropriée à l'objectif et à la situation; les unités de mesure (sacs ou kilogrammes; main-d'oeuvre calculée par heure ou par demi-journée).

  2. Faire la maquette d'un livret d'enregistrement (une page suffit parfois) sur la base des informations recueillies à l'étape 1. Chercher à connaître les réactions des bénéficiaires et en tenir compte.

  3. Avec des agriculteurs, il peut suffire d'adapter le formulaire donné en exemple ci-dessous. Il n'est pas nécessaire de savoir lire ou écrire pour tenir le compte du temps passé à telle ou telle activité. S'il coche chaque demi-journée consacrée à chaque type de travail, l'agriculteur peut comparer le temps passé dans le champ témoin et dans la parcelle d'essai.

  4. Fabriquer le nombre voulu de livrets, et les distribuer aux bénéficiaires en leur apprenant rapidement à s'en servir.

  5. Suivre l'opération et évaluer l'utilité de l'outil, et donner les conseils nécessaires.

  6. Se réunir régulièrement avec les bénéficiaires pour faire le point, comparer les résultats et en discuter.

PRECAUTIONS D'UTILISATION

Si l'outil sert à évaluer des techniques pratiquées à grande échelle, les résultats seront plutôt généraux.

Le livret doit réserver une place aux événements ou facteurs imprévus.

Les livrets-registres doivent être conçus, fabriqués et analysés avec les bénéficiaires pour qu'ils puissent à l'avenir les préparer eux-mêmes.

EXEMPLES D'UTILISATION

World Neighbours (Rugh 1987) donne un exemple de livret d'enregistrement, en précisant qu'il est particulièrement bien adapté aux bénéficiaires illettrés.

OUTIL 16
REGISTRE DE PEPINIERE

OBJECTIFS ET FINALITE DE L'OUTIL

Cet outil de suivi permet de:

QUALITES ET AVANTAGES PRINCIPAUX

  1. Cet outil aide les bénéficiaires à apprendre les techniques de pépinière.

  2. Il aide à identifier les besoins de recherche en pépinière.

  3. Il contribue à l'établissement d'un protocole pour une bonne conduite de la pépinière.

DESCRIPTION DE L'OUTIL

L'outil consiste en la tenue d'un registre par le comité de la pépinière villageoise, ou par son représentant. On y note tout ce que les bénéficiaires estiment nécessaire, notamment: éléments de comptabilité, informations techniques et préférences en matière d'espèces.

RESSOURCES NECESSAIRES

Temps:une réunion pour décider quelles informations enregistrer et pour choisir la personne responsable de la tenue du registre.
Coût:minime; un cahier solide, à papier rayé, mais sans colonnes.

UTILISATION DE L'OUTIL

  1. Réunir les bénéficiaires et le comité de la pépinière pour discuter du choix des informations à enregistrer et à recueillir, et désigner la personne chargée de tenir le registre.

  2. Définir les entrées du registre avec le comité, compte tenu des besoins d'informations exprimés lors de la réunion (voir ci-après quelques exemples de registres de pépinière).

  3. Assurer le suivi et apporter le concours requis.

  4. Organiser périodiquement des réunions élargies pour tenir les bénéficiaires au courant.

PRECAUTIONS D'UTILISATION

Le personnel de terrain doit veiller à ne pas imposer ses propres besoins d'information aux bénéficiaires. Ceux-ci doivent être informés de l'utilité des différents éléments d'information. Le personnel doit aussi passer en revue ce que les informations de chaque type ont déjà apporté à d'autres communautés.

EXEMPLES D'UTILISATION

Au Soudan, plusieurs communautés ont renoncé à tenir les registres plutôt complexes qui avaient été fournis par le personnel du projet. Elles ont néanmoins enregistré les opérations de distribution par espèces et les coûts, parce que le comité de pépinière devait rendre compte de sa gestion et des sommes encaissées.

Les communautés ont aussi tenu le “journal de bord” de la pépinière à la fin du registre: noms de ceux qui avaient fourni bénévolement leur travail, et dates des faits marquants dans le déroulement du projet (semis, germination, désherbage, etc.).

OUTIL 17
COMPTABILITE COMMUNAUTAIRE

OBJECTIFS ET FINALITE DE L'OUTIL

Il est utile que la communauté tienne une comptabilité:

QUALITES ET AVANTAGES PRINCIPAUX

  1. Cet outil aide les bénéficiaires à identifier rapidement les problèmes financiers.

  2. Il les aide à prendre des décisions de gestion.

  3. Il développe leurs capacités comptables.

DESCRIPTION DE L'OUTIL

Application des techniques élémentaires de comptabilité (recettes, colonnes entrée/sortie, etc.)

RESSOURCES NECESSAIRES

Temps:réunion entre les bénéficiaires et le personnel de terrain pour discuter des besoins d'information et de l'application du système.
Coût:classeur, livre de comptes, tampons, matériel de bureau.
Formation:prévoir si nécessaire la formation de la personne chargée de tenir les comptes.

UTILISATION DE L'OUTIL

  1. Réunir les bénéficiaires pour discuter des informations nécessaires, des entrées et produits prévus et des sources d'information, et choisir la personne qui sera chargée de tenir les comptes.

  2. Définir un système comptable permettant de produire les informations voulues.

  3. Superviser la tenue des comptes et apporter le concours voulu: comptes courants, bilan et rapport comptable.

PRECAUTIONS D'UTILISATION

La méthode comptable doit rester aussi simple que possible.

EXEMPLES D'UTILISATION

Le VITA (1983) a décrit un système comptable simple qui a été appliqué avec succès dans les petites entreprises communautaires (voir bibliographie annotée).

OUTIL 18
ANALYSE DES POINTS FORTS, FAIBLESSES, OPPORTUNITES ET CONTRAINTES (PFOC)

OBJECTIFS ET FINALITE DE L'OUTIL

Cet outil permet essentiellement:

QUALITES ET AVANTAGES PRINCIPAUX

  1. Les agents de terrain ont trouvé cet outil facile à expliquer et à mettre en oeuvre, et tout à fait compréhensible pour les membres de la communauté.

  2. Cet outil peut servir à l'analyse des problèmes, au suivi et à l'évaluation.

  3. Il offre un cadre pour la discussion des points forts et des faiblesses d'une situation donnée.

  4. Il favorise une discussion ouverte, approfondie, ciblée et franche.

  5. Il permet de discuter de toutes les idées ayant trait à un sujet donné.

  6. S'il est utilisé de façon bien ciblée et cohérente, il permet d'enregistrer les changements d'attitude et de perception.

DESCRIPTION DE L'OUTIL

Une grille simple, établie par catégories, permet d'analyser ou d'évaluer les faits et les problèmes:

CatégoriesDescription
Points forts:les éléments du projet qui ont bien marché; ce que l'on est fier de pouvoir dire d'un projet, d'une situation, d'une activité.
Faiblesses:les éléments qui n'ont pas donné les résultats escomptés; les moments où les choses auraient pu aller mieux.
Opportunités:les idées qui permettent de surmonter les faiblesses et d'exploiter les points forts.
Contraintes:les contraintes présentes qui réduisent l'éventail des possibilités.

Ensemble, ces éléments permettent d'effectuer l'analyse PFOC. Sous chaque rubrique, le groupe définit, discute et enregistre autant de facteurs que possible.

RESSOURCES NECESSAIRES

Temps:prévoir environ deux heures pour expliquer au groupe le fonctionnement de l'outil et faire l'exercice. Il faut ensuite prendre le temps d'analyser les résultats et d'en faire la synthèse.
Coût:minime; du papier grand format ou du papier journal, et des marqueurs à grosse pointe; ou bien un tableau noir et des craies.
Formation:minime; l'animateur doit comprendre la finalité de l'outil et pouvoir faire la synthèse des discussions en quelques mots, en s'assurant que l'idée est convenablement transcrite.

UTILISATION DE L'OUTIL

  1. Préparer les feuilles de travail. Y inscrire les catégories en réservant l'espace voulu pour noter les points-clés des discussions.

  2. Décider de la question à discuter et de la méthode de présentation en réunion de petit groupe.

  3. Discuter des applications et des avantages de l'outil en groupe élargi.

  4. Il est préférable de parler d'abord de tous les points forts, puis de toutes les faiblesses, etc.

  5. Certains points feront probablement l'objet d'un long débat avant qu'un consensus ne s'établisse. Noter chaque point dès que l'on est arrivé à un accord, mais pas avant.

PRECAUTIONS D'UTILISATION

Des sujets sensibles peuvent être abordés. L'animateur pourra souhaiter changer de sujet, pour revenir plus tard à la question sensible, ce qui permet d'éviter certains problèmes.

Certains membres du groupe risquent de s'approprier le débat. L'animateur doit alors demander nommément à d'autres personnes d'intervenir, ou bien scinder le groupe en sous-groupes représentant des points de vue différents.

Il est parfois difficile de résumer une question complexe en quelques mots. L'animateur doit toujours s'assurer que l'auditoire est d'accord avec la synthèse, telle qu'elle est notée.

EXEMPLES D'UTILISATION

Un projet d'agroforesterie au Soudan a utilisé et apprécié cet outil, dans le cadre d'un atelier. On a décidé d'en faire l'outil de base des évaluations communautaires visant à contrôler si les messages de vulgarisation étaient appropriés. L'analyse PFOC apparaissait en effet plus informelle et plus participative que les questionnaires. Les groupes communautaires ont vite compris le jeu, et les discussions ont été très animées. Le personnel de terrain a reçu par la suite des informations encourageantes en retour, lui permettant en outre d'adapter son approche.

OUTIL 19
THEATRE POPULAIRE

OBJECTIFS ET FINALITE DE L'OUTIL

C'est un outil efficace pour l'évaluation et l'analyse des problèmes de la communauté ou du groupe. Les objectifs du théâtre populaire sont les suivants:

QUALITES ET AVANTAGES PRINCIPAUX

  1. Cet outil permet à la communauté de définir sa propre réalité d'une manière dynamique et acceptable d'un point de vue culturel.

  2. Il est polyvalent: il sert à l'analyse des problèmes, à l'évaluation et au suivi. On peut l'utiliser pendant tout la durée du projet pour construire une histoire. Il se prête aussi à la présentation des “résultats” d'une analyse, pour qu'un auditoire plus large en vérifie le bien-fondé. Il permet de communiquer avec d'autres communautés, et avec d'autres décideurs ou parties intéressées (au moyen d'enregistrements vidéo, de montages audio-visuels ou d'enregistrements sonores).

  3. Il permet un degré élevé de participation des bénéficiaires ou de la communauté.

DESCRIPTION DE L'OUTIL

Le théâtre populaire développe la conscience que les populations rurales peuvent avoir de leur situation, en utilisant des moyens d'expression locaux comme la danse, le chant, l'expression dramatique, le mime, etc. Il diffère du théâtre traditionnel dans la mesure où il ne reproduit pas les faits culturels, met au contraire les contradictions en relief, et s'efforce de soulever des questions auxquelles les spectateurs devront apporter des réponses. Dans sa présentation, le théâtre populaire doit emprunter des formes locales d'expression, rapprocher les gens et inciter à la réflexion.

Ce processus associe expérience, analyse et imagination pour clarifier la compréhension qu'ont les gens de leur société, afin qu'ils puissent la changer.

RESSOURCES NECESSAIRES

Temps:il faut un certain temps pour mettre sur pied une représentation complexe. Mais si la communauté est bien familiarisée avec le mode de communication choisi, les choses peuvent aller assez vite.
Coût:minime si l'on utilise des costumes et des accessoires disponibles localement. Si l'on réalise un enregistrement (photographies, diapositives, vidéo, enregistrement audio), le coût sera majoré.
Formation:il est recommandé de former les animateurs à l'utilisation de cet outil. L'expérience montre qu'une fois que le groupe s'est saisi de l'idée, il la mène à bonne fin avec enthousiasme. On peut faire appel à une troupe extérieure si les talents voulus ne se manifestent pas dans la communauté locale.

UTILISATION DE L'OUTIL

La mise en oeuvre de cet outil comporte quatre étapes fondamentales:

  1. Appréciation de la situation - Créer un espace dans lequel les membres de la communauté se sentent libres de parler ouvertement des expériences et des problèmes qui sont douloureux, difficiles ou tabou. La plupart des groupes commencent par explorer leurs propres expériences, puis une fois familiarisés avec les méthodes, ils commencent à étudier l'expérience des autres.

  2. Analyse du sujet - L'analyse se fait sous la forme d'une discussion entre la communauté et les animateurs /comédiens/ “facilitateurs”. Au cours de cette discussion, les éléments recueillis sont examinés dans leur contexte social, économique et politique plus large. Cette démarche permet de mettre en évidence les liens entre divers problèmes, ce qui fait ressortir les contradictions.

  3. Réalisation - Créer le spectacle autour des grandes questions qui ont été identifiées. Le spectacle peut prendre la forme d'une série d'ateliers, ou d'une pièce. Il peut aussi être étudié par d'autres personnes, qui pourront y découvrir un éclairage nouveau de la situation. Les activités se transforment en spectacle par les moyens suivants:

    1. activités expérimentales - Demander aux gens d'expérimenter, de jouer le rôle d'un groupe ou d'une communauté avec qui ils ne sont guère familiers, et d'exprimer leur réflexion sur cette expérience. Demander par exemple à un groupe de gens de la ville de jouer les rôles des gens de la campagne, ou aux hommes de jouer le rôle des femmes. Quand les gens doivent jouer un rôle qui leur est très peu familier, ils sont “contraints” d'apprendre et de découvrir de nouvelles façons de ressentir et de faire l'expérience des choses.

    2. réflexion - Traduire les idées et les émotions nouvelles que l'on vient de découvrir par expérimentation en histoires ou en courtes scènes. On peut pour cela incorporer les idées dans l'élément narratif de la représentation qui se construit, ou en faire un dialogue entre le groupe qui mène l'expérience et les spectateurs. La réflexion conduit les participants au stade suivant, le plus important, celui de la “répétition de la vie courante”, qui sera l'occasion de créer une scène dans laquelle les gens changent, et où de nouvelles perceptions d'une situation apparaissent.

    3. scène d'intervention - Demander aux participants ou à l'auditoire d'intervenir pour résoudre un problème ou une contradiction. En dénouant une contradiction, l'histoire atteint un autre stade, débouche sur une autre histoire, qui peut elle-même être construite sur de nouvelles contradictions, ce qui fait que le processus devient continu.

    Toutes ces étapes peuvent s'inscrire dans un décor naturel. Il n'est nul besoin d'un théâtre traditionnel ni des complications que sont textes à mémoriser, décors, costumes et éclairages.

  4. Organisation - L'organisation est un facteur important de cet outil. Il faut élaborer pour cela une structure collective, dans laquelle s'enracine l'analyse, et qui permet à l'ensemble de la communauté de participer aux décisions capitales pour le projet théâtral. Cette structure doit aussi garantir et contrôler à la fois la direction et l'issue du processus: elle permet aux animateurs, conseillers techniques et auteurs de garder le contact avec la sensibilité du groupe, et vice versa.

PRECAUTIONS D'UTILISATION

Il est parfois difficile de garder trace du processus et des résultats, surtout si l'auditoire réagit beaucoup. Il est par ailleurs coûteux de faire des photos ou un enregistrement vidéo.

Les acteurs doivent improviser très vite pour exprimer les réactions de l'auditoire.

L'élément spectacle ne doit pas occulter les enseignements à tirer de cet outil.

EXEMPLES D'UTILISATION

Il existe actuellement des troupes de théâtre populaire dans le monde entier: Sistern à la Jamaïque, Kamirithu au Kenya, Proshika au Bangladesh, PETA aux Philippines.

A Kaké, village du Cameroun, on s'est servi d'une forme de théâtre populaire pour identifier les problèmes, et le conflit opposant trois villages sur des questions de disponibilité et de distribution des terres, et de méthodes agricoles.

Au Zimbabwe, le jeu de rôles a permis de stimuler avec succès l'analyse du déclin des ressources forestières. Des membres de la communauté personnifiaient et jouaient les “arbres les plus importants” dans la communauté, tandis que d'autres s'étaient transformés en “menaces pour les arbres”. Trois scènes furent jouées: à la ferme, aux champs, en forêt.

Le jeu de rôles au Zimbabwe allait ouvrir le débat sur l'état actuel des ressources forestières et les menaces qui pesaient sur elles (sécheresse, surpeuplement et mauvaise gestion), sur les arbres les plus importants et leur valeur pour les différents groupes, et sur la disparition des arbres au fil des années. La pièce fut achevée en très peu de temps, et suscita une réaction très animée. Le groupe estima avoir créé quelque chose de satisfaisant et d'utile, tout en s'amusant bien.

Dans un pays d'Afrique de l'Ouest, où la tradition du théâtre d'improvisation est forte, les animateurs ont utilisé une pièce dans laquelle des comédiens jouaient les rôles d'un gouverneur et d'un agent de vulgarisation que l'on envoyait dans un village découvrir les priorités de développement de la communauté. Les deux comédiens faisaient semblant d'arriver au village, et invitaient les habitants à leur dire ce que les différents groupes d'intérêt villageois (responsables, femmes, paysans sans terre) souhaitaient. Rapidement grand nombre de villageois se transformèrent spontanément en acteurs et discutèrent des priorités du village du point de vue des différents groupes d'utilisateurs. Les animateurs-vulgarisateurs trouvèrent dans ce montage théâtral un outil plaisant et efficace pour lancer une évaluation participative. A leur sens, ce même outil se prêtait aussi au suivi et à l'évaluation.

OUTIL 20
SPECTACLE DE MARIONNETTES

OBJECTIFS ET FINALITE DE L'OUTIL

Le spectacle de marionnettes sert les mêmes objectifs que le théâtre populaire, avec dans certains cas l'avantage que les marionnettes ne sont pas perçues comme des personnages réels, ce qui permet d'aborder des situations délicates et de solliciter des réactions que des comédiens ou l'auditoire seraient incapables ou s'interdiraient d'exprimer dans d'autres circonstances.

QUALITES ET AVANTAGES PRINCIPAUX

  1. Le théâtre de marionnettes est un spectacle très prisé dans certaines cultures, et il est capable de toucher un vaste public et de réagir aux interventions de l'auditoire.

  2. Outil polyvalent, il sert à l'analyse des problèmes, au suivi des indicateurs qualitatifs, à la vulgarisation, ainsi qu'à la présentation et la communication des résultats des évaluations (études de cas, etc.).

  3. En y ayant régulièrement recours, on peut établir un processus continu de retour d'information de l'auditoire qui permet d'approfondir l'analyse.

RESSOURCES NECESSAIRES

Temps:prévoir des réunions de groupe pour identifier les questions-clés, et imaginer un mode d'expression qui favorise les réactions.
Coût:non négligeable. Utiliser les matériaux disponibles localement pour réaliser les marionnettes et le théâtre: calebasses pour faire les têtes, chutes de tissu et de bois pour le théâtre, boîtes de conserve pour les réflecteurs d'éclairage. Mais souvent, ces matériaux ne sont pas de bonne qualité et il faut acheter du matériel.
Formation:il faut parfois une certaine formation et des répétitions pour arriver à la dextérité manuelle, à la qualité de voix et à la rapidité de répartie voulues.

UTILISATION DE L'OUTIL

  1. Permettre au groupe d'identifier les messages ou les idées-clés à faire passer. Le groupe doit aussi choisir le moyen de communication: récit, saynète, etc..

  2. Demander au groupe de choisir les personnages et de commencer à construire I'action dramatique.

  3. Fabriquer les marionnettes et le théâtre si cela n'a pas encore été fait.

  4. Répéter, un petit groupe jouant le rôle des spectateurs.

  5. Présenter le spectacle au groupe entier. Enregistrer les réponses pour enrichir le message ou l'histoire à l'avenir. (On peut s'inspirer des étapes préconisées pour le théâtre populaire, outil 19)

PRECAUTIONS D'UTILISATION

Les marionnettistes doivent prévoir, diffuser et “manier” une foule de réactions parfois inattendues, souvent délicates.

L'enregistrement des réactions et des réponses est parfois difficile; un magnétophone peut être utile, sinon il faut être plusieurs à prendre des notes.

S'assurer que les messages, ou les questions traitées, concernent bien la communauté, en se gardant par exemple de vanter les mérites de la plantation d'arbres à un auditoire de paysans sans terres, comme il est déjà arrivé. Quand les questions et les messages ont été choisis par des membres de la communauté, ce risque est réduit.

EXEMPLES D'UTILISATION

Le théâtre de marionnettes est un moyen classique de vulgarisation. Au XVIe siècle déjà, on utilisait les marionnettes pour diffuser des techniques agricoles améliorées.

Au Soudan, une ONG utilise des marionnettes pour conter des histoires: l'une d'entre elles examine les problèmes familiaux qui résultent du temps excessif que la mère doit consacrer au ramassage du bois de feu. Son mari se plaint qu'elle ne lui sert plus des repas soignés. Le ton monte, et on demande à l'auditoire de dire ce qu'il en pense. Il est fréquent que la solution proposée soit de planter des arbres près de la maison. En attendant, le mari décide de prendre une deuxième épouse pour aider à ramasser le bois. Le caractère comique du mari est un bon ressort de participation de l'auditoire.

OUTIL 21
REALISATION DE SUPPORTS VISUELS SOUS LA DIRECTION DE LA COMMUNAUTE

OBJECTIFS ET FINALITE DE L'OUTIL

Les supports visuels se sont avérés être un moyen efficace de donner à une communauté les éléments pour:

QUALITES ET AVANTAGES PRINCIPAUX

  1. Cet outil renforce la crédibilité et l'intérêt des rapports écrits.

  2. Il est polyvalent, et peut servir à centrer et à présenter des évaluations, ainsi qu'à suivre et analyser les changements.

DESCRIPTION DE L'OUTIL

En faisant appel aux talents locaux ou à un matériel photographique simple, les supports visuels sont faciles à produire et peu coûteux. Quelques solutions:

  1. Un peintre local travaille sous la direction des bénéficiaires pour produire une série de dessins. L'interaction entre le peintre et les bénéficiaires permet d'obtenir des représentations des perceptions de ces derniers. L'artiste peut saisir les images du passé, du présent et de l'avenir que projette le groupe.

  2. Les écoliers sont de bons auteurs de dessins. L'activité en soi est enrichissante pour eux, et leurs dessins peuvent avoir un rôle éducatif et être utilisés pour la vulgarisation. On peut orienter les productions en organisant des concours sur divers thèmes:

    Les écoliers peuvent aller parler avec des personnes de différents groupes d'âge, et traduire leurs impressions et perceptions dans leurs dessins. Il est parfois fructueux de faire collaborer écoliers et peintre local.

  3. On peut aussi produire des tirages photographiques ou des diapositives. Laisser les bénéficiaires diriger les prises de vues. Il faudra le cas échéant faire appel à un photographe professionnel ou à un animateur pour réaliser les photos que les bénéficiaires ont choisi pour illustrer leur “histoire”. Le photographe peut travailler sur un canevas général, et les bénéficiaires sélectionnent ensuite les clichés; ou bien le photographe est accompagné et dirigé par quelques membres de la communauté.

    Les supports visuels, quand ils sont produits et utilisés de cette façon, sont d'excellents outils de collecte de l'information, d'analyse, de suivi, d'évaluation, de présentation et de vulgarisation.

RESSOURCES NECESSAIRES

Temps:discussion en groupe pour décider de ce que l'on veut représenter et recenser les ressources disponibles. Prévoir aussi du temps pour analyser les images en groupe, les trier et les présenter.
Coût:minime avec un artiste local ou des écoliers. Prévoir honoraires, matériel et prix en cas de concours. Si l'on fait des photographies, prévoir les coûts correspondants (pellicule, développement, projecteur, etc.). Le développement et le tirage peuvent poser problème dans certains pays.
Formation:si l'on fait appel à un artiste-peintre ou à un photographe, prévoir le cas échéant de le former aux méthodes participatives (travail d'écoute). Avec de jeunes enfants, la participation d'un animateur spécialisé peut être nécessaire.

UTILISATION DE L'OUTIL

  1. Discuter en groupe de ce que l'on attend des images, et en décider.

  2. Tracer un plan de production des images: quoi, où, qui, quand, comment. Faire le point des ressources disponibles et réunir le matériel (papier, instruments de dessin, panneaux, pellicule).

  3. Faire appel à un peintre ou à un photographe, et organiser le concours de dessin scolaire. S'assurer de la disponibilité de fonds pour ces services.

  4. Faire produire les images sous la direction du groupe, soit en une seule fois, soit périodiquement si on vise l'évaluation à intervalles réguliers. Dans ce dernier cas veiller tout particulièrement à la cohérence du travail.

  5. Le groupe doit ensuite analyser, trier et juger les images, puis les préparer pour la présentation ou pour l'utilisation qu'il aura choisi de faire.

  6. Quel que soit le mode de présentation, veiller à ce que les images soit résistantes. On peut plastifier les dessins d'écoliers, ou les réaliser sur tissu. Les photographies peuvent se mettre sous pochette étanche, et les diapositives être transférées sur papier.

PRECAUTIONS D'UTILISATION

Les bénéficiaires doivent participer à la réalisation des images, en dirigeant le peintre ou le photographe, ou en décidant du calendrier des concours de dessins d'écoliers. Ils doivent toutefois respecter une certaine liberté artistique.

Veiller à ce que les photographies soient bien perçues comme étant la propriété de la communauté, et non pas comme des informations dérobées pour l'usage exclusif des intervenants extérieurs.

La présentation d'images n'est pas toujours le meilleur moyen d'éclaircir un concept devant un groupe. Certains dessins ou photographies n'expliquent pas grand-chose. Il est nécessaire que l'image se situe dans un contexte, c'est pourquoi il importe que les bénéficiaires participent à la production de l'image, car ce sont eux qui constituent le contexte.

EXEMPLES D'UTILISATION

Au Pérou, quatre femmes ont dirigé un “roman-photo” qui retraçait l'histoire de leurs expériences (deux d'entre elles avaient tiré profit de leur participation au projet, une y avait participé mais en avait souffert, et la dernière n'y avait pas pris part). Ce journal devait être par la suite édité et largement diffusé.

Au Népal, les gens du village ont dirigé (avec le concours d'un animateur) la réalisation d'un montage audio-visuel qui illustrait leur expérience dans le cadre d'un projet.

En Inde, un projet a fait appel à six artistes-peintres, qui ont vécu dans la communauté concernée par le projet et ont réalisé, sous la direction de celle-ci, des images qui allaient servir à la vulgarisation, au suivi et à l'évaluation.

Au Nicaragua, les membres d'une communauté ont conçu un montage audio-visuel (dialogues et musique) qui traduisait les résultats d'une enquête sur la communauté et permettait de réfléchir sur les activités de projet envisageables. Ce sont des membres de la communauté qui ont pris les photos, écrit le script, enregistré le dialogue et choisi les musiques. La réalisation achevée, ils observaient: “Nous devons poursuivre notre lutte pour participer avec nos propres idées, et nous devons nous organiser pour accomplir les tâches” (Tilakaratna 1988).

OUTIL 22
REALISATION D'ENREGISTREMENTS SONORES SOUS LA DIRECTION DE LA COMMUNAUTE

OBJECTIFS ET FINALITE DE L'OUTIL

Cet outil a essentiellement pour objet:

QUALITES ET AVANTAGES PRINCIPAUX

  1. Les communautés à “culture orale” enregistrent ainsi leur histoire ou leurs “résultats”.

  2. Les enregistrements magnétiques servent à réaliser des émissions radiophoniques de vulgarisation, ou peuvent être diffusés dans d'autres communautés.

  3. Ils constituent des déclarations verbales d'objectifs pour la planification et pour les séances futures de suivi et d'évaluation.

  4. Ils se combinent avec les projections de diapositives, ou peuvent commenter des photographies exposées.

  5. Bande et magnétophone sont transportables; la langue locale peut être utilisée, avec le cas échéant une traduction enregistrée elle-aussi.

  6. On peut réécouter les enregistrements pour analyser les messages, ou valider ce qui a été dit au cours des réunions.

  7. Cet outil est très indiqué pour les populations illettrées.

DESCRIPTION DE L'OUTIL

La communauté met au point un message que l'on enregistre. Celui-ci peut se composer d'entretiens avec des membres du groupe, de récits ou d'histoires, qui seront utilisés comme référence, ou pour des émissions radiophoniques. L'enregistrement peut accompagner des diapositives. Il permet de questionner d'autres communautés, qui peuvent à leur tour enregistrer leurs réponses, et un dialogue se trouve ainsi établi.

RESSOURCES NECESSAIRES

Temps:si l'on veut un enregistrement de haute qualité (pour radiodiffusion), le montage risque de prendre beaucoup de temps.
Coût:magnétophone, matériel de montage, microphone, bandes magnétiques.
Formation:variable selon la qualité d'enregistrement recherchée. Si l'on n'envisage qu'une utilisation locale, les besoins de formation sont minimes, quoique le montage exige certaines compétences.

UTILISATION DE L'OUTIL

Si l'on souhaite réaliser un produit à diffuser, on pourra par exemple suivre les étapes indiquées pour la réalisation d'une vidéo (outil 23) afin d'obtenir un enregistrement de qualité.

PRECAUTIONS D'UTILISATION

Certaines communautés ignorant tout de l'enregistrement magnétique, prendre soin de bien expliquer le but recherché.

EXEMPLES D'UTILISATION

Il existe de nombreux exemples d'utilisation fructueuse d'enregistrements de déclarations et d'entretiens, mais il est encore rare que les communautés aient élaboré elles-mêmes les “messages”.

OUTIL 23
REALISATION D'ENREGISTREMENTS VIDEO SOUS LA DIRECTION DE LA COMMUNAUTE

OBJECTIFS ET FINALITE DE L'OUTIL

Depuis quelques années, on utilise avec grand succès les enregistrements vidéo (ou cinéma) dirigés par la communauté. Ils permettent:

QUALITES ET AVANTAGES PRINCIPAUX

  1. Contrairement aux images fixes, la vidéo permet de saisir le mouvement et le son, ce qui autorise une interprétation plus poussée.

  2. Les enregistrements vidéo se tournent dans l'environnement de la communauté, ce qui permet à ses membres de communiquer leurs opinions sans être intimidés par un décor inconnu.

  3. Outre qu'elle inspire de la confiance en soi à la communauté, la vidéo permet d'informer les intervenants extérieurs, d'induire l'échange d'information entre communautés, et de fournir des éléments d'appréciation aux organismes donateurs et aux décideurs.

  4. La vidéo renseigne sur des facteurs immatériels comme la dynamique de groupe.

  5. On peut repasser la bande autant de fois qu'on veut pour analyser son contenu.

  6. Les enregistrements vidéo remplissent plusieurs fonctions: réunions, interaction entre membres de la communauté et intervenants extérieurs, et autres phénomènes de la dynamique communautaire peuvent être enregistrés pour être analysés ensuite. On peut aussi observer le travail de plantation, d'établissement de pépinières et de distribution, et y revenir fréquemment pour mieux saisir les différents aspects des rapports entre les divers protagonistes.

  7. Outil privilégiant le visuel et l'oral, il présente beaucoup d'avantages en milieu illettré ou semi-illettré.

  8. Il permet de garder trace de l'ensemble des interactions entre la communauté et le projet.

DESCRIPTION DE L'OUTIL

Comme son nom l'indique, la réalisation d'enregistrements vidéo sous la direction de la communauté fait participer la population à la production. Avec le matériel nécessaire et le concours d'un animateur, une vidéo (ou une série de vidéos ou de films) peut être réalisée dans un but spécifique: évaluation, vulgarisation, collecte d'informations, analyse des problèmes. Elle peut être utilisée à l'intérieur de la communauté ou être diffusée à l'extérieur, dans d'autres communautés et directement auprès des décideurs, dans le pays ou à l'étranger.

RESSOURCES NECESSAIRES

Temps:variable selon l'objectif visé, le niveau de participation, et l'utilisation finale.
Coût:relativement élevé, mais pas toujours excessif compte tenu des avantages potentiels. Le poste le plus coûteux est celui des opérateurs-animateurs. Beaucoup d'entre eux ont leur propre matériel.
Matériel:il existe de nombreux types de matériel et de normes. Certains sont plus accessibles que d'autres sans formation technique. Dans le choix du matériel il faut:
  • rechercher les avis techniques les plus avisés;
  • utiliser le matériel aux normes les plus répandues dans la région;
  • s'assurer de la compatibilité du système avec le matériel de lecture (magnétoscope et moniteur);
  • faire un choix de qualité (le matériel professionnel est plus difficile à utiliser, mais donne des résultats supérieurs à ceux des caméras grand public);
  • si la communauté doit participer au montage, tenir compte des difficultés que représentera pour elle ce travail, et de l'accessibilité de l'équipement.
Formation:l'animateur doit bien connaître les méthodes participatives et les techniques de communication dans les deux sens. Les idées doivent passer librement entre la communauté et la caméra. Une certaine expérience en matière de réalisation et de montage vidéo et cinéma est en outre souhaitable.

UTILISATION DE L'OUTIL

  1. Le groupe bénéficiaire et l'animateur doivent travailler ensemble pour déterminer quelle information transmettre, à qui, et comment ils souhaitent la traduire.

    Nota: il importe que la communauté ait une idée claire du message qu'elle veut transmettre avant de choisir d'utiliser la vidéo. Il convient de n'utiliser la vidéo que si elle est le meilleur outil et le moyen le plus efficace de faire passer une idée ou un concept clairement défini.

  2. Avant d'arrêter les détails d'un projet de vidéo, s'assurer que tous les éléments (matériel, animateurs-opérateurs, et crédits) seront disponibles.

  3. Avec la communauté, définir le niveau de qualité requis, car il déterminera le mode de production et le choix du matériel de montage.

  4. Déterminer comment, quand et où le produit final sera visionné.

  5. Prévoir qui interviendra dans les différentes phases de la production, qui établira le planning, assurera le montage, etc.

  6. Fixer un calendrier, en tenant compte du degré de participation de la population aux différentes phases: planification, conception des messages, tournage, visionnement des prises, montage, visionnement après montage, diffusion, distribution auprès de groupes de l'extérieur. Se souvenir que plus la communauté participe, plus il faut prévoir de temps pour les discussions et la participation aux décisions. Les objectifs de responsabilisation et de participation doivent être soigneusement examinés au stade de la planification et de l'établissement du calendrier et du budget.

  7. Bien peser le choix du matériel. Prendre des précautions particulières pour mettre les bandes à l'abri de la poussière, de l'humidité, de la chaleur ou du froid.

PRECAUTIONS D'UTILISATION

EXEMPLES D'UTILISATION

C'est un outil récent, qui a été utilisé avec grand succès auprès de populations rurales. Au Nicaragua, il a servi à évaluer la prise de décisions collective dans les coopératives de producteurs de café.

En Colombie, des employés de maison ont ainsi fait connaître leur histoire au public et aux législateurs. L'utilisation de la vidéo se justifiait dans ce cas: elle permettait en effet d'avancer et de revenir en arrière pour analyser le détail d'une situation. Elle a effectivement responsabilisé les participants en leur permettant d'exprimer leurs opinions et de raconter leur histoire, sans craindre les répercussions ou le ridicule.


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