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Chapitre 3
Revenu, emploi, foresterie et sécurité alimentaire (Continuer)

LES PARTICIPANTS AUX ACTIVITES GENERATRICES DE REVENU BASEES SUR LA FORET

On croit souvent que la collecte de produits forestiers ne représente une source importante de revenu que pour les populations vivant dans la forêt. Mais, si les habitants de la forêt font effectivement largement appel aux produits forestiers, les activités de collecte et de transformation de ces produits sont loin de se limiter à ce groupe de population. De nombreux agriculteurs complètent leur revenu en prélevant et en transformant éventuellement des produits de la forêt.

Dans bien des sociétés, les individus ont par tradition un accès sans restriction aux ressources forestières. Ainsi les plus pauvres peuvent-ils exploiter les ressources en aliments, en combustible et en produits commercialisables de la forêt. Si les activités de cueillette ne sont pas le fait des seuls pauvres, ceux-ci ont tendance à en dépendre plus étroitement pour satisfaire leurs besoins élémentaires. Les femmes en dépendent aussi pour se procurer un revenu, en partie parce que ces ressources sont disponibles et accessibles. De même, en termes de possibilités d'investissement ou d'emploi, les petites entreprises forestières semblent être relativement à la portée des plus pauvres, y compris des paysans sans terre et autres groupes défavorisés.

Toutefois, sous l'effet d'une privatisation croissante des terres forestières et de l'expansion de l'agriculture, les entreprises forestières pourraient finir par moins dépendre des produits et matières premières des ressources «publiques», et davantage de l'exploitation de forêts privées, obtenues en location ou en concession.

Importance des activités basées sur la forêt pour les ménages les plus pauvres

Tandis que les activités basées sur la forêt sont une source de revenu complémentaire pour les ménages agricoles les plus aisés, leur importance pour les plus pauvres peut être cruciale. L'étude des activités extérieures à l'exploitation agricole réalisée par Kilby et Liedholm (1986) montre que les pauvres tirent une plus grande part de leur revenu des activités extra-agricoles que les personnes appartenant aux groupes de revenus moyens ou supérieurs (voir Tableau 21).

L'étude faite aux Philippines par Siebert et Belsky montre que ce sont les villageois les plus pauvres qui dépendent le plus étroitement de la collecte du rotin et de sa vente. Le Tableau 19 illustre les corrélations entre la richesse du ménage (mesurée par son aptitude à se procurer des vivres grâce à son activité agricole, à savoir son autosuffisance en riz) et la dépendance de la collecte de rotin comme source majeure de revenu. Pour les personnes appartenant aux groupes les plus pauvres, le travail du rotin et du bois sont des activités économiques essentielles, tandis que les agriculteurs plus aisés n'ont recours au rotin, comme source de revenu d'appoint, qu'en cas de situation grave, par exemple si la récolte a été mauvaise.

TABLEAU 21 Taille de l'exploitation et importance relative du revenu extra-agricole dans le revenu total du ménage

PaysTaille de l'exploitation
(acres)
Part du revenu extra-agricole dans le revenu total du ménage
(pourcentage)
Revenu total du ménage
(dollars)
Corée - 19800,00  1,23743,005
1,24  2,47393,450
2,48  3,70284,321
3,71  4,94235,472
4,95 + 167,401
Taïwan - 19750,00  1,23702,768
1,24  2,47523,442
2,48  3,71443,701
3,72  4,94394,570
4,95 + 265,566
Thaïlande - 1980–81
(4 régions)
0,00  4,10881 362             
4,2010,2072974         
10,3041,00561 613             
41,00+ 451 654             
Sierra Leone - 19740,00  1,0050587         
1,01  5,0023404         
5,0110,0014546         
10,0115,0012770         
15,00+ 15927         
Nord du Nigeria - 19740,00  2,4657479         
2,47  4,9331377         
4,94  7,4026569         
7,41  9,8715769         
9,88 + 24868         

N.B. Thaïlande: chiffres tirés de données primaires provenant d'une enquête conduite dans le cadre du projet Thaï sur l'emploi rural extra-agricole, dans 424 ménages ruraux villageois de quatre régions. Bien que les ménages aient été choisis de manière aléatoire á l'intérieur des villages, certains villages ont été choisis en raison de la diversité des activités extra-agricoles représentées. Ainsi, ils ne sont pas «représentatifs» de l'ensemble du pays. La part moyenne du revenu extra-agricole est de 65 pour cent dans le présent exemple, contre 43 pour cent pour les ménages ruraux à l'échelon du pays entier.

Source: Kilby et Liedholm, 1986

De façon analogue, Kamara (1986) constate qu'en Sierra Leone les ménages pauvres dominent dans le commerce du bois de feu. En général, les ménages qui disposent d'un capital suffisant et ont le choix de leurs activités génératrices de revenu ne vendent pas de bois de feu sur le marché.

Mais si les pauvres dominent en général dans le commerce du bois de feu, il faut aussi distinguer des degrés dans la pauvreté: Kgathi (1981) note qu'au Botswana, à Kweteng, les marchands de bois de feu sont les plus «riches» des pauvres, et qu'ils ont souvent les moyens de transporter le bois à dos d'âne ou en affrétant des camions.

L'accès à la forêt est de moins en moins libre et gratuit sous l'effet de la privatisation des terres et de l'expansion de l'agriculture. Il en résulte que seuls les «cueilleurs» les plus aisés peuvent payer les droits d'utilisation des terres privées. Ainsi les pauvres perdent peu à peu l'une de leurs principales sources de revenu. Cette question n'a pas été étudiée, mais on peut considérer que ce phénomène réduit les possibilités pour les pauvres de trouver des activités rémunératrices, ce qui les expose davantage encore aux fluctuations économiques (demande de main-d'œuvre par exemple) et aux variations saisonnières des disponibilités alimentaires.

Aux Philippines, Hyman (1983a) a constaté que beaucoup de marchands de bois de feu ne dépendaient pas des ressources communautaires pour leur approvisionnement. Trenteneuf pour cent d'entre eux collectaient le bois exclusivement sur leurs propres terres tandis que trente pour cent le ramassaient sur les terres d'autrui moyennant un prix convenu; six pour cent seulement se procuraient du bois gratuitement, ailleurs que sur leurs propres terres.

En Inde, le commerce des produits forestiers dits secondaires illustre un autre problème auquel doivent faire face les populations rurales démunies. Si ces activités emploient des millions de personnes, de nombreux auteurs notent que les cueilleurs les plus démunis sont souvent exploités par des intermédiaires (personnes privées ou organismes officiels) qui contrôlent l'accès au marché. Aussi, bien que les activités basées sur la forêt leur procurent un moyen d'existence, elles ne suffisent souvent pas pour investir plus avant dans la collecte des produits forestiers ou dans l'agriculture.

Rôle des femmes dans les activités génératrices de revenu basées sur la forêt

Le rôle des femmes dans la satisfaction des besoins alimentaires de base de leur ménage varie d'une société à l'autre. En général, les hommes ont davantage accès à l'économie monétaire, et souvent leur activité première est génératrice de rentrées en espèces, alors que les activités des femmes sont plutôt concentrées sur les besoins de subsistance du ménage, plus particulièrement la production vivrière et les soins aux enfants. Il est pourtant fréquent que les femmes contribuent elles aussi de façon significative au revenu en espèces du ménage, et qu'elles prennent part aux activités génératrices de revenu basées sur la forêt; on peut toutefois identifier dans les activités rémunératrices féminines certaines restrictions, et certains schémas de caractère général.

Même si les recettes en espèces des femmes sont parfois notables, elles ne résultent généralement pas d'une activité se substituant aux tâches traditionnellement féminines; l'activité rémunératrice se pratique donc de préférence au foyer, et pas à «temps plein». La transformation de nombreux produits forestiers peut se faire à la maison ou à proximité, ce qui permet aux femmes de combiner ce travail avec d'autres, comme la surveillance des enfants. De même, les femmes, et surtout les plus pauvres, combinent les activités de cueillette pour les besoins propres du ménage et pour la vente.

On trouve un excellent exemple de ceci en pays Usambara, en Tanzanie, où Fleuret (1979a) a noté que les jeunes filles, avant d'être mariées, gagnaient couramment de l'argent en vendant des feuilles sauvages. L'auteur en a conclu que ce petit commerce est une source importante de revenu pour les femmes célibataires ou veuves qui connaissent des difficultés économiques.

Fisseha et Milimo ont montré qu'en Zambie, les entreprises de transformation des produits forestiers concernent aussi les femmes (voir Tableaux 4 et 5). Celles-ci ont une participation significative dans les entreprises de fabrication de balais, de transformation du bambou ou de la canne, et de fabrication de ficelle et de cordes: elles en sont propriétaires (48 pour cent) ou y sont employées (39 pour cent). En outre, elles sont fréquemment actives dans la commercialisation de produits forestiers transformés. Les femmes vendent aussi de grandes quantités d'aliments forestiers transformés, comme les bières traditionnelles faites à partir de fruits sauvages. Fisseha a constaté qu'en Zambie. 36 pour cent de l'emploi dans les petites entreprises rurales est concentré dans le secteur du brassage traditionnel de la bière. De surcroît, la plupart des activités de transformation alimentaire reposent sur l'énergie fournie par le bois de feu. Or, le commerce du bois de feu est souvent à prépondérance féminine. En Sierra Leone par exemple, 80 pour cent des marchands de bois de la ville sont des femmes, tandis qu'en pays Bo, les femmes collectent 67 pour cent du bois de feu commercialisé, et 72 pour cent en pays Makeni (Kamara 1986). Dans leur enquête sur la collecte du bois de feu par les femmes au Gujarat, en Inde, Buch et Blatt (1980) constatent que plus de 70 pour cent des femmes de la région collectent du bois de feu plus de 25 jours par an. Leurs ventes leur procurent un revenu mensuel moyen de 120 roupies. Quatre-vingt quatorze pour cent des femmes vendent le bois ainsi collecté au détail, et la majeure partie du revenu en espèces ainsi obtenu sert à acheter des vivres.

A mesure que la collecte et la commercialisation du bois de feu deviennent plus difficiles, les hommes interviennent dans le secteur. Comme les ânes, les charrettes, ou les moyens de transport mécaniques ne sont souvent accessibles qu'aux hommes, ceux-ci ont tendance à prendre une place dominante quand les distances à parcourir augmentent. En outre, comme les femmes ont en général moins de possibilités d'accés au foncier que les hommes, là où les droits de propriété sur les arbres ont un rôle important, les hommes prennent une place prépondérante sur le marché. C'est par exemple le cas aux Philippines (Hyman, 1983a), où la grande majorité du bois de feu provient de terres privées et non point de forêts communautaires. En moyenne, les hommes consacrent 87 heures par an aux activités liées au bois de feu, contre 20 heures pour les femmes. Kgathi (1981) a aussi constaté que le commerce du bois de feu était dominé par les hommes à Kweteng, au Botswana. En Sierra Leone, Kamara a noté que le bois de feu collecté par les hommes est pour la plus grande part vendu plutôt que consommé par le ménage (voir Tableau 10). Le bilan net de la participation croissante des hommes à la production et au commerce du bois de feu est incertain: d'une part, elle peut libérer les femmes d'une corvée parmi les plus pénibles, de l'autre, elle peut les priver d'une source importante de revenu.

L'ensemble des observations fait apparaître que la collecte et la transformation de produits forestiers pourraient avoir la faveur des femmes pour les raisons suivantes:

Le rôle des femmes dans la sécurité alimentaire des ménages

Les femmes jouent dans la production agricole un rôle essentiel, dont la spécificité peut varier d'une région à l'autre, mais qui, comme l'indiquent les chiffres des Tableaux 22 et 23, est dans tous les cas significatif. Elles contribuent aussi de façon importante au revenu en espèces des ménages. Le Tableau 24 indique que la majeure partie de la main-d'oeuvre féminine est parfois absorbée par des activités génératrices d'un revenu en espèces. quoique les variations soient considérables. Au Ghana par exemple, les femmes consacrent 6,3 heures par jour à des activités génératrices de revenu en espèces, contre 2 heures à la production agricole et 3,6 heures à la collecte de bois de feu et à la préparation des repas.

Dans une étude portant sur cinq villages indiens, Dasgupta et Maiti (1986) constatent que les femmes contribuent pour une part notable au revenu total du ménage. Leur contribution en espèces va de 19 pour cent en moyenne du revenu total des ménages à Suriyan (Himachal Radesh), à 50 pour cent en moyenne à Deokhop (Maharashtra) (voir Tableau 24).

TABLEAU 22 La femme rurale n'est jamais au bout de sa tâche… (heures par jour)

PaysTravail agricole1Travail extra-agricole2Collecte de bois de feu et cuisineAutres3Total des heures de travail
Indonésie     
- Village d'agriculture irriguée2,90,21,56,911,5
- Village de plateau3,10,52,46,012,0
Inde     
- Moyenne de 5 villages3,94,04,80,913,6
Ghana     
- Village de savane1,32,75,05,014,0
- Village de pêcheurs2,06,33,62,114,0
- Village de forêt3,80,34,15,814,0
Mozambique     
- Moyenne de 4 villages3,10,11,89,014,0
Pérou     
- Désert côtier1,42,02,25,611,2
- Sierra4,01,03,82,411,2
- Haute Sierra4,02,02,92,811,7

1 Subsistance de la famille, travail agricole salarié et élevage.
2 Artisanat, transformation alimentaire et commerce.
3 Nettoyage, soins aux enfants, activités sociales, communautaires et religieuses; dans le cas du Ghana, les déplacements sont inclus dans cette rubrique.
Source: Cecelski, 1987

TABLEAU 23 Les femmes en pourcentage de la main-d'oeuvre agricole totale
(pourcentage moyen par région)

RégionPourcentage
Afrique australe47,8
Afrique de l'Ouest46,6
Afrique de l'Est45,2
Afrique du Nord26,3
Moyen-Orient33,2
Asie du Sud39,5
Asie du Sud-Est46,9
Asie de l'Est52,0
Amérique centrale16,0
Amérique du Sud18,9
Caraïbes39,6

Source: Dixon, 1983

Si nombre de facteurs interviennent pour déterminer le temps que les femmes consacrent aux activités génératrices de revenu en espèces, au Mozambique (où les femmes n'exercent une activité rémunératrice extra-agricole que 0,1 heure par jour) c'est simplement l'absence de possibilités et de débouchés dans la zone visée qui est déterminante (voir Tableau 22) (Cecelski 1987).

Au Ghana, les femmes ont des possibilités de gagner de l'argent: Ardayfio (1985) a constaté que sur l'ensemble des ménages interrogés, c'étaient les femmes qui apportaient la plus forte contribution au revenu du foyer, aussi bien en temps passé qu'en argent gagné. Elles participent à une gamme très large d'activités, y compris production agricole, transformation alimentaire et artisanat (la carbonisation et la fumaison du poisson ont une place particulièrement importante). Le revenu en espèces est un important facteur de sécurité alimentaire au Ghana, où plus de 75 pour cent des dépenses hebdomadaires des ménages sont alimentaires.

Dans la zone étudiée au Ghana, la déforestation a eu des conséquences négatives sur la sécurité alimentaire: il faut ou bien passer plus de temps à collecter un bois de feu de plus en plus rare, ou dépenser plus d'argent pour en acheter. Le surcroît de temps exigé par la collecte laisse moins d'heures pour les activités génératrices de revenu, tandis que la hausse du prix du bois laisse moins d'argent pour acheter des vivres. En outre, bien des activités rémunératrices, comme le séchage du poisson et le brassage de la bière, reposent sur le bois de feu. Aussi plus le coût du bois augmente (tant en main-d'œuvre qu'en valeur monétaire), moins les activités qui y font appel sont rentables. Ardayfio estime que les contraintes qui pèsent sur le potentiel de génération de revenu des femmes, du fait de la pénurie de bois de feu, pourraient avoir les effects les plus graves sur la sécurité alimentaire des ménages.

La contrainte de temps pourrait être un autre facteur important empêchant les femmes de générer davantage de revenu. Srinivasan (1984) rapporte que dans le nord de l'Inde, grâce à un projet de développement visant à réduire la charge de travail des femmes, celles-ci se sont rapidement converties à des activités génératrices de revenu. Aux Philippines, les femmes préfèrent acheter le bois de feu et consacrer le temps ainsi épargné à fabriquer des nattes destinées au marché (Cecelski 1984).

REVENU TIRE DE LA FORET ET SECURITE ALIMENTAIRE DES MENAGES

De nombreux ménages ruraux ont des stratégies diversifiées de génération de revenu. Souvent les ménages ont plusieurs activités majeures. par exemple commerce du bois de feu et agriculture, collecte du rotin et riziculture de plateau.

Le plus souvent, les activités basées sur la forêt ne sont qu'un élément parmi l'ensemble des activités génératrices de revenu du ménage. Le revenu que procurent les activités forestières peut contribuer de diverses manières à l'approvisionnement en vivres du ménage: la plus directe est que l'argent gagné serve à acheter des denrées alimentaires. L'argent peut aussi être épargné et investi en biens de production agricole (bétail par exemple) ou en intrants (semences, etc.), ou bien ce sont les excédents dégagés par l'activité agricole qui sont réinvestis dans une activité de transformation des produits forestiers. En Zambie par exemple, 64 pour cent des entreprises gérées par des personnes venant initialement du secteur agricole sont menées en parallèle avec l'exploitation agricole, et 30 pour cent d'entre elles coexistent avec une ou plusieurs autres activités au sein de petites entreprises (voir Tableau 25). Parmi les ménages où domine l'activité d'entreprise, 56 pour cent ont aussi une activité agricole et 65 pour cent ont d'autres activités outre celle en rapport avec la forêt.

Du fait de cette imbrication étroite des diverses activités des ménages, il est très difficile de distinguer le revenu provenant des activités basées sur la forêt, et plus difficile encore de définir en quoi il contribue à la sécurité alimentaire des ménages (voir au Tableau 26 les données pour la Zambie).

TABLEAU 24 Contribution des femmes au revenu familial dans différents villages de référence (dix familles sélectionnées)

Nom du villageRevenu annuel moyen par ménage
(roupies)
 Contribution des femmes au revenu
(roupies)
Contribution des femmes au revenu du ménage
(en pourcentage)
EspècesNatureTotalEspècesNatureTotal
N. Suriyan (HP)1 870,001 602,003 472,00 360,00
(19,25)
558,25918,2526,45
Sehar (MP)   960,001 313,002 273,00462,00
(48,12)
530,60992,6043,67
Malari (UP)   830,001 994,002 824,00390,00
(46,99)
522,90  32,33 
Deokhop (Maharashtra)1 020,002 014,003 034,00507,00
(49,70)
632,801 139,80   37,57
Rajapara (Assam)   970,002 302,003 272,00302,00
(31,13)
369,40671,4020,52
Ensemble1 130,001 845,002 975,00404,20
(35,77)
522,79926,9931,16

Les chiffres indiqués entre parenthèses représentent le pourcentage des revenus en espèces dans le revenu total.
Source: Entrevues avec dix familles étudiées de façon approfondie (1984) et enquêtes No 1 et No 2 sur les ménages, 1983–84. Dasgupta S. et A. Maiti, 1986. The Rural Energy Crisis. Poverty and Women's Roles in Five Indian Villages.

TABLEAU 25 Sources courantes de revenu annexe des propriétaires d'entreprises forestières, par type de secteur d'activité ou d'emploi antérieurs

 Sources actuelles de revenu annexe (hors PEF) des propriétaires de petites entreprises basées sur la forêt (en pourcentage)
Secteur d'activité antérieur1AucuneAgricultureAutre petite entrepriseEmploi salariéAutres sources
Aucun  0  05050  0
Agriculture16643021
Autre petite entreprise  4566521
Emploi salarié237461351
Autre secteur3383421312  

1 «Secteur d'activité antérieur»: désigne l'occupation du propriétaire avant qu'il n'ait créé son entreprise forestière.
2 L'emploi salarié était surtout concentré dans le secteur public et dans les grandes entreprises.
3 «Autre secteur»: autre catégorie d'emploi, ou chômage, scolarité, etc.
Source: Fisseha Y. et J. Milimo, 1986

Le rôle majeur joué par les femmes dans de nombreuses entreprises forestières peut revêtir une importance particulière au plan de la sécurité alimentaire. Comme il en a été question au chapitre précédent, il pourrait exister un lien direct entre le revenu des femmes et l'état nutritionnel des enfants. Certaines études suggèrent que la structure des dépenses des femmes et des hommes est différente. Les femmes achètent plus de vivres avec leur argent que ne le font les hommes, aussi l'état nutritionnel des membres du ménage est-il plus étroitement lié à leur revenu qu'à celui des hommes (Cecelski 1987).

TABLEAU 26 Indicateurs de base de la modernité dans les entreprises forestières en Zambie

Sous-groupe de PEFPourcentage de petites entreprises
Principale1Individuelle2Implantation
rurale3domicile4en plein air5
Sciage de long5323991196
Menuiserie/ébénisterie5165898888
Sculpture/vannerie3076989286
Autres activités manufacturières4247912196
Total activités manufacturières3569968188
Commerce de détail629368698
Vente7560724352
Total, services7364723757
Total, ensemble3868968087

1 Source principale de revenu du ménage
2 Une seule personne travaille dans l'entreprise visée
3 Localité ou unité rurale de recensement
4 Au domicile proprement dit ou dans le périmètre attenant
5 Pas d'atelier ou de structure particulière: sous un arbre par exemple.
Source: Fisseha Y. et J. Milimo, 1986

Contribution complémentaire au revenu total du ménage

Dans de nombreuses communautés rurales, les agriculteurs ne produisent pas assez pour assurer leur autosuffisance alimentaire toute l'année. Siebert et Belsky (1985) ont noté dans leur étude sur les Philippines que 14 pour cent seulement de la population parvenait à cultiver tout le riz nécessaire à la consommation. Les ménages se procurent donc un revenu en espèces pour acheter du riz et autres produits alimentaires en vendant du coprah (noix de coco séchée) et de l'abaca, boisson fermentée tirée de la noix de coco, et en s'embauchant contre salaire. Les stratégies de génération de revenu de nombreux ménages sont limitées par la pénurie de ressources (terre par exemple). Par conséquent, l'exploitation du rotin dans la forêt tout au long de l'année constitue une source importante de revenu complémentaire pour un tiers des ménages les plus pauvres.

Certains produits collectés, comme le bois de feu et la canne de rotin, peuvent être entreposés pour être vendus ultérieurement, au moment où un besoin d'argent se fait sentir ou quand les prix du marché sont plus favorables. Ils permettent donc davantage de souplesse dans la production. Engel et al. (1985) ont constaté qu'en Sierra Leone, 94 pour cent des agriculteurs stockent les amandes de palmier à huile (palmistes) après que l'huile ait été extraite du fruit, en prévision de besoins futurs d'argent. Mais les femmes, qui sont pour l'essentiel chargées du pressage des fruits, constatent qu'elles ne parviennent en général pas à stocker l'huile, leurs besoins d'argent étant trop grands à la saison de fructification. Quatre-vingt neuf pour cent des femmes vendent leur huile immédiatement après extraction en raison du manque d'argent, bien que le produit se vende à meilleur prix pour le producteur en d'autres saisons.

Revenu saisonnier

L'aspect saisonnier des activités génératrices de revenu basées sur la forêt tient à divers facteurs. Certaines activités sont saisonnières parce que le produit à cueillir ne se trouve qu'à certaines périodes de l'année (les champignons par exemple). D'autres activités subissent la contrainte du caractère saisonnier des autres travaux, des tâches agricoles notamment, ou des besoins d'espèces (pour payer les droits de scolarité par exemple). En outre, la plupart des marchés pour les produits d'origine forestière sont liés aux fluctuations du revenu agricole, ce qui signifie que les entreprises correspondantes sont aussi saisonnières. La nature saisonnière de la demande de produits forestiers signifie que leur production peut être échelonnée de telle sorte qu'ils contribuent à atténuer les hauts et les bas des besoins de main-d'œuvre et de revenu.

Quoique le bois de feu soit collecté toute l'année, cette activité connaît des périodes de pointe saisonnières. Kamara (1986) montre que dans les zones rurales de Sierra Leone,le caractère saisonnier de la collecte de bois de feu est étroitement lié aux fluctuations des besoins de main-d'œuvre agricole. Ainsi, c'est à la morte-saison agricole que la collecte du bois de feu est la plus intense. Cette période correspond à celle où les réserves vivrières sont au plus bas, par conséquent le commerce du bois de feu aide à atténuer les effets de la pénurie alimentaire. De façon analogue, Hyman (1983a) note qu'aux Philippines, la majorité des marchands de bois de feu n'en vendent effectivement que moins de trois mois par an. Cela est dû en partie au fait que d'autres activités absorbent la main-d'œuvre, et aux difficultés de transport à la saison des pluies. Un autre exemple du caractère saisonnier des activités forestières nous vient du nord-est du Brésil, où la collecte et la transformation de l'amande de babassou se font à la morte-saison agricole. Le revenu des amandes de babassou contribue sensiblement au revenu global des ménages, réprésentant 39 pour cent des recettes en espèces et 34 pour cent du revenu total du ménage pendant cette période. Beaucoup d'agriculteurs, parmi les plus pauvres, ne peuvent guère compter que sur ce revenu pour passer le cap de la période de soudure; beaucoup d'autres encore ont besoin de cet argent pour acheter des semences et autres intrants nécessaires pour les semis de la campagne suivante.

Revenu en période de crise

Le rôle le plus connu des activités de cueillette forestière est de servir de ressource tampon en période de crise. Siebert et Belsky ont observé dans un village philippin qu'en 1983, année de sécheresse, 13 pour cent de villageois de plus qu'en temps normal ont cueilli du rotin pour compléter leur revenu entamé par la sécheresse. En outre, les villageois les plus prospères cueillent aussi du rotin quand ils ont des besoins particuliers d'argent, que ce soit pour payer des soins médicaux, des funérailles, ou des dépenses de mariage (Siebert et Belsky 1985).

Au Botswana, le commerce du bois de feu procure de l'emploi aux Batswana ruraux dans les périodes où les autres activités possibles sont rares. Kgathi a constaté que 60 pour cent des marchands qu'il avait interrogés en étaient venus à vendre du bois de feu faute d'autre solution. Plus de 80 pour cent des marchands étaient normalement des agriculteurs qui, les années de sécheresse, substituaient la vente de bois de feu à leur activité agricole normale, ou la complétaient ainsi.

La manière dont est dépensé le revenu de ces activités a une incidence sur leur contribution à la sécurité alimentaire du ménage. Souvent, l'argent gagné n'est pas réinvesti dans le domaine d'activité forestière dont il provient, mais plutôt dans des biens de production agricole. Kgathi montre qu'au Botswana (voir Tableau 27) les recettes du commerce du bois de feu sont investies en cheptel bovin. Tandis que 20 pour cent seulement des marchands de bois possédaient plus de 10 têtes avant de se lancer dans leur négoce, ils sont 40 pour cent à posséder un troupeau de plus de 10 bêtes depuis qu'ils vendent du bois. Certains des marchands ont précisé qu'ils n'ont pas nécessairement acheté des bêtes supplémentaires, mais qu'ils n'ont pas été obligés d'en vendre en période de sécheresse, grâce au revenu en espèces fourni par le commerce du bois de feu.

OBSTACLES A LA CROISSANCE DES PETITES ENTREPRISES FORESTIERES

L'éventail des problèmes auxquels se heurtent les petites entreprises forestières se présente, succinctement, comme suit:

Ce sont, en général, les perspectives et les limitations du marché qui déterminent le succès d'une entreprise. La position des petites entreprises est souvent sapée par la concurrence, tant au sein du secteur de la petite entreprise que de la part des plus grandes. En raison du faible capital et des compétences restreintes qui sont nécessaires pour accéder à de nombreuses activités de transformation des produits forestiers à petite échelle, il est fréquent que soient lancées beaucoup plus d'unités de production que ne peut en soutenir le marché local. La concurrence excessive en résultant est génératrice d'un taux élevé de mortalité des entreprises, et empêche la consolidation d'unités rentables qui pourraient réinvestir les profits à des fins d'amélioration et de croissance.

L'instabilité des marchés ruraux est une autre menace qui pèse sur la viabilité des petites entreprises. Les revenus agricoles étant périodiques, les petites entreprises doivent affronter des périodes où la demande dépasse la capacité de production. Le délai de réponse en résultant ouvre la porte aux plus gros fournisseurs. Or, c'est le manque de trésorerie qui empêche, au premier chef, les petites entreprises de stocker des matières premières pour parer aux fluctuations saisonnières de leurs marchés. Les petites entreprises qui attendent une commande pour se procurer la matière première et commencer à produire ne sont pas en mesure de répondre aux flambées soudaines de la demande.

TABLEAU 27 Cheptel bovin des marchands de bois de feu

 Avant de devenir marchands Depuis qu'ils sont marchands
Cheptel bovinFréquencePourcentageCheptel bovinFréquencePourcentage
 0 14  41,2  0 720,0 
1–1011  32,31–1012  34,3
11–20720,611–2014  40,0
21–4025,921–4000   
41–6000   41–6000   
60+00   60+00   
Total  34  100       35  100    
 Moyenne=X=6,9 bovinsMoyenne=X=10,0 bovins

Note: un marchand n'a pas répondu
Source: Kgathi, 1981

L'amélioration des infrastructures rurales, qui permet aux produits venus de l'extérieur d'être écoulés sur les marchés ruraux à moindre coût, et l'évolution de la demande sur ces mêmes marchés sous l'effet de la hausse des revenus ruraux, exercent aussi des pressions croissantes sur les petites entreprises. Ainsi, les objets d'ameublement industriels ont de plus en plus tendance à prendre la place de leurs équivalents artisanaux, comme les nattes et sacs en matières synthétiques remplacent de plus en plus souvent les produits similaries fabriqués à la main à partir de matières premières d'origine naturelle.

Les petites entreprises peuvent adopter plusieurs stratégies pour répondre à l'évolution des marchés. Elles peuvent se concentrer sur certains créneaux commerciaux où les produits industriels ne sont pas concurrentiels: éléments de mobilier de base très bon marché ou, à l'autre extrême, pièces de haute qualité sculptées à la main.

Ces entreprises peuvent aussi s'axer sur certains produits artisanaux, pour la fabrication desquels la production mécanisée de masse n'offre pas d'avantage compétitif. Une autre solution peut consister à se spécialiser dans un produit ou un procédé particulier pour tirer parti de l'avantage qu'offrent les larges séries. Elles peuvent aussi profiter de l'amélioration du réseau routier pour pénétrer des marchés plus éloignés et développer leur chiffre d'affaires.

En Egypte, le secteur des petites entreprises d'ameublement est un exemple de développement basé à la fois sur des créneaux précis et sur la spécialisation. La fabrication de sièges se répartit elle-même entre différentes unités spécialisées par éléments (ossature. assise, etc.), ou par stades de production (transformation primaire, assemblage, finition) (Mead 1982).

Dans le nord de la Thaïlande, les petits entrepreneurs villageois ont mis à profit le réseau routier amélioré de leur région pour transporter le mobilier qu'ils fabriquent jusqu'à la ville, ou jusqu'aux marchés animés bordant certaines routes, où ils assemblent et finissent les articles pour les vendre. Cette solution leur permet de concurrencer efficacement le mobilier proposé par les gros fabricants de la ville, et de développer leurs marchés (Boomgard 1983). En abaissant le coût du transport. l'amélioration du réseau routier en zone rurale, a toutes chances d'être profitable aux producteurs d'objets artisanaux ou d'articles comme le charbon de bois, qui souffrent peu de la concurrence urbaine.

Mais toutes les activités en rapport avec la forêt ne seront probablement pas assez solides pour survivre aux pressions économiques dues à l'évolution et à l'ouverture des marchés. Comme il a été vu à la section «Ampleur des activités génératrices de revenu basées sur la forêt» (p.59), la rémunération de la main-d'œuvre varie fortement d'un secteur à l'autre. Les rares données dont on dispose laissent entrevoir que cette rémunération est en général supérieure dans des secteurs comme la menuiserie et le travail du bois que dans des activités comme le tissage de nattes et la vannerie. Dans ce dernier domaine, la rentabilité est souvent marginale, et la concurrence des produits de remplacement de fabrication industrielle (articles de matière plastique par exemple) est sévère. Ainsi, même si certaines des activités les plus simples, pratiquées surtout par les pauvres et par les femmes, permettent à grand nombre de personnes de subsister, elles ne sont guère durables en ce sens qu'elles seront abandonnées aussitôt que d'autres possibilités de génération de revenu se présenteront, ou si le marché est saturé par des produits de remplacement. Il importe donc de pouvoir distinguer entre les activités qui ont un réel potentiel de survie et de prospérité, et celles qui n'en ont pas. Cette dimension du problème a jusqu'ici été largement ignorée, les programmes de soutien aux petites entreprises ayant appuyé toutes les catégories d'activité, sans opérer de distinction.

Il est probable que les organismes d'aide aux petites entreprises rurales déjà existants apporteront un appui plus efficace aux petites entreprises forestières que les entités de vulgarisation spécialisées mises sur pied au seul bénéfice des entreprises de transformation des produits forestiers. En général, les services requis existent déjà: amélioration de l'accès aux sources institutionnelles de financement et de crédit, information sur les marchés et les produits, formation des entrepreneurs et de leurs employés aux diverses disciplines techniques et à la gestion. Mais les micro-entreprises, qui prédominent dans le secteur forestier, risquent bien de ne pas pouvoir tirer parti de ces services si on ne les y aide pas, et si elles ne se regroupent pas. En outre, il est possible que les organismes d'aide à vocation généraliste n'aient pas les moyens de suivre d'assez près les besoins spécifiques du secteur des petites entreprises individuelles. Il pourrait donc être nécessaire de créer des «centres de coordination» pour les activités d'origine forestière; cette fonction pourrait être confiée à une banque de développement rural, ou aux services forestiers.

Une petite entreprise de travail du bois

Le domaine dans lequel les autorités forestières doivent de toute évidence intervenir en priorité est celui des approvisionnements en matières premières, dont la pénurie est une contrainte majeure pour les entreprises de collecte et de transformation. L'appauvrissement des ressources forestières sera surtout sensible pour les pauvres, dont la survie en dépend le plus étroitement. La crise du bois de feu pourrait être déterminante pour certaines entreprises de transformation qui ne disposent pas d'autres sources d'énergie. Dans certaines régions, la commercialisation a entraîné la surexploitation des ressources en matières premières à mesure que les marchés se développaient. Par exemple, la collecte du rotin, facile autrefois, exige aujourd'hui beaucoup plus de temps pour amasser moins de matière première (voir chapitre précédent).

Les petites entreprises n'ont pas les moyens de créer ou de gérer de façon durable leurs propres ressources en vue de leur consommation future. Parfois, tel type ou telle qualité de bois, de canne ou de feuillage sont extraits sélectivement par la grande industrie, ou sont surexploités jusqu'à quasi-extinction par les petits entrepreneurs eux-mêmes. L'accès aux matières premières forestières est également limité par les problèmes de transport quand les sources deviennent de plus en plus éloignées.

Le rôle de la foresterie doit être de mettre au point des systèmes d'aménagement dynamiques visant les produits forestiers dits secondaires, qui sont pourtant d'une importance capitale pour de très nombreuses populations rurales. Mais réorienter l'aménagement forestier pour satisfaire les besoins des petites et grosses entreprises exigera vraisemblablement de réunir plusieurs facteurs:


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